Le problème de l’isolement et de la contention en psychiatrie doit être pensé dans une perspective complexe. Trop souvent, les soignants sont encore figés dans des pratiques automatisées pourtant traumatisantes. Pour faire autrement, il faut penser autrement, et se déplacer psychiquement. Aujourd’hui, des équipes se mobilisent et élaborent, avec les patients, des alternatives à la contrainte. Ce mouvement exigeant qui se construit chaque jour favorise la relation soignant soigné, l’alliance thérapeutique et l’accès à la réhabilitation.

Isolement et contention : faire autrement ?
Au sommaire de ce dossier
Penser autrement pour faire autrement
« On ne peut pas faire autrement » est un argument « classique » pour justifier l’isolement et la contention en psychiatrie. Cette pseudo-fatalité relève cependant davantage d’habitus soignants qu’il est possible de faire évoluer, à condition de parvenir à se dégager du climat sécuritaire ambiant et de renforcer
la formation clinique.
Soigner sans attacher : on a su faire…
Dans les années 1970-1990, dans certains établissements, des soignants régulaient les manifestations d’agressivité et de violence sans recourir à la contention et l’isolement. Ce « savoir y faire » semble avoir disparu. Peut-on le retrouver et si oui, comment ?
Moindre recours : « Et vous, comment faites-vous ? »
Dans une dynamique de retours d’expérience, 32 équipes soignantes issues des 13 établissements de la région Auvergne Rhône-Alpes ont exploré via un audit croisé, ce qui, dans leur clinique quotidienne, contribue à réduire l’isolement et la contention.
Mesures coercitives : état de la littérature
Aucune étude n’a démontré l’efficacité des mesures d’isolement et de contention dans la gestion des troubles du comportement. La recherche insiste au contraire sur la iatrogénie de ces dispositifs et le vécu négatif des patients et des soignants. Dans ce contexte, il est essentiel de réinterroger les pratiques et d’accroître les repertoires d’alternatives à la contrainte.
« Sans chambre d’isolement, on a gagné en assurance »
Au CH Saint-Jean de Dieu, trois ans après la fermeture d’une chambre d’isolement, l’ambiance générale de l’unité s’est considérablement apaisée et l’alliance thérapeutique renforcée. Retour sur les étapes qui ont permis aux soignants, soutenus par l’encadrement et l’institution, d’innover.
Alternatives à la contrainte : et concrètement ?
Une organisation qui remet du temps soignant auprès des patients, un regard porté sur leurs ressources plutôt que leurs difficultés : à l’unité Gex du Centre psychothérapique de l’Ain, tout a changé… Retour sur des évolutions salvatrices et un réel engagement contre l’isolement et la contention.
« La volonté d’œuvrer pour une diminution de ces pratiques est tangible »
Des difficultés parfois « kafkaïennes » et une « déconnexion par rapport à la réalité de terrain »… L’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm), a réalisé en avril 2021 une enquête sur les conditions de mise en œuvre de la réforme encadrant l’isolement-contention en psychiatrie (loi du 14 décembre 2020*).
Réduire les comportements violents par un travail corporel
Les jeunes avec déficience intellectuelle et troubles du spectre de l’autisme ou psychose accueillis en institut médico-éducatif présentent souvent des comportements auto et hétéroagressifs. Un atelier « sport de contacts » les aide à mieux comprendre leurs débordements et à s’exprimer de façon « recevable ».
Des dispositifs de « contenance volontaire » ?
« De la contention involontaire au sujet se contenant » :
cette recherche-action menée au GHU Paris psychiatrie & neurosciences vise à imaginer puis réaliser des dispositifs innovants à proposer à l’usager pour lui donner le choix d’options de soin afin de se contenir seul ou avec l’aide des soignants.
Architecture et « fonction contenante »
À partir d’une recherche originale, une infirmière et un architecte proposent de revisiter l’architecture des lieux de soins psychiatriques (dont la chambre de soins intensifs…), et de considérer que cette architecture repensée peut contribuer à la performance du soin psychique. Extrait.
Coercitions en psychiatrie et violence de la société
Si les mesures d’isolement et de contention ont augmenté ces dernières décennies,
il faut relever qu’elles s’inscrivent dans un climat tendu, comme le montrent les chiffres des violences en santé et globalement dans la société contemporaine.
En savoir plus du n°260
Lire en PDF
Et aussi dans ce numéro
Françoise Peslherbe
Formée aux Beaux-Arts, la peinture est le premier mode d’expression de Françoise Peslherbe. Mais rapidement, elle commence à prendre des photos en noir et blanc …
Se libérer « de » ou « par » l’enfermement ?
Déviance morale et déviance psychiatrique conduisent la société à réduire la liberté de l’individu, pour des raisons opposées. Dans les deux cas, on observe que moins la contrainte est utilisée, moins elle est nécessaire…
« Redonner au soin ses lettres de noblesse… »
Dans cet ouvrage, Dominique Friard, infirmier de secteur psychiatrique et rédacteur en chef adjoint de Santé mentale, revient sur l’histoire de la professionnalisation des infirmières, et ses conséquences sur la clinique. Entretien.
Relaxation et méditation, une approche pragmatique
À l’occasion de la parution de son ouvrage sur la relaxation et la méditation, entretien avec Dominique Servant, psychiatre, responsable de la Consultation spécialisée sur le stress et l’anxiété au CHU de Lille.
Un premier pas décisif…
Après deux « crises », Lucio, 25 ans, parvient enfin à consulter dans une structure d’évaluation précoce, de diagnostic et d’orientation.
Philippe Paumelle, un psychiatre dans la cité
Hommage à l’un des psychiatres les plus importants du XXe siècle, qui contribua à supprimer les contentions.