Changer le nom de la schizophrénie ?

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Depuis plusieurs années, portée notamment par le Centre collaborateur de l’OMS pour la santé mentale et la psychiatrie (CCOMS), une réflexion vise à changer le concept de la schizophrénie, qui stigmatise les patients. Pour Lana, tombée malade à l’âge de 17 ans et aujourd’hui stabilisée, il faut avant tout écouter les personnes concernées. « Arrêtez de parler à notre place ! »

On parle beaucoup de changer le nom de la schizophrénie pour réduire la stigmatisation.

C’est un sujet complexe, mais je pense qu’il y a deux trois choses qu’on pourrait faire et qui me paraissent plus urgentes que le changement de nom.

On donne souvent le Japon en exemple, où on est passé d’un mot signifiant « maladie déchirée de l’esprit » à « trouble de l’intégration » et où ça permet un plus grand nombre de diagnostics.

On voit donc qu’on parle de deux choses différentes: réduire la stigmatisation et permettre aux médecins d’être plus à l’aise en annonçant un diagnostic.

On a déjà abandonné le terme de démence précoce, parce qu’il était stigmatisant, pour celui de schizophrénie, qui l’était moins. Aujourd’hui, retour à la case départ. Cela permettrait donc aux grand public de moins nous stigmatiser d’un côté et de l’autre aux médecins de ne pas nous cacher notre diagnostic. Quand on voit que certains dans le grand public (et même dans des publics plus restreints) confondent encore handicap mental et maladie mentale, je pense qu’il y a bien des bases à reprendre avant de changer le nom de la schizophrénie. Quant aux médecins, ils ne sont pas censés cacher un diagnostic, aussi grave soit-il, et je crois surtout que c’est à eux de le déconstruire avec le patient. Quand je suis tombée malade et que j’ai commencé à me renseigner tant bien que mal sur les maladies mentales (avant et au début de l’ère internet, donc bien avant d’avoir la possibilité de partager des informations facilement sur un sujet aussi tabou), et quand j’ai reçu pour la première fois le diagnostic de schizophrénie, c’est vrai que j’ai pensé que mon avenir était entre les quatre murs d’un HP. Pensez-vous qu’un soignant a eu l’idée de me détromper? De m’interroger sur mes représentations? Non. Pas un seul. J’ai juste eu droit à « tu devras toujours prendre des médicaments et être suivie par un psychiatre ».

Un autre problème, qui contribue à la stigmatisation, est que notre parole est trop souvent confisquée. En France, une association d’usagers est le plus souvent en réalité une association de proches. Ceux qui disent « nous, les usagers », ceux qui sont là pour soi-disant protéger nos droits (mais en réalité plutôt les leurs), ne sont pas les fols mais leurs familles. Et ça, ça pose un sacré problème. Les intérêts ne sont pas les mêmes pour les usagers et les familles, comme ils ne sont pas les mêmes pour les médecins et les usagers. On peut sans doute s’unir sur certaines choses, mais il est essentiel que chacun parle en son nom et uniquement en son nom. Sinon, il s’agit de paternalisme, de ne pas nous laisser exercer nos droits, de ne pas nous considérer comme des adultes. Et ça, c’est très stigmatisant. Si on n’est pas digne de confiance, le grand public a donc raison de se méfier et les médecins de ne pas s’adresser à nous en égaux. Donc, la première chose à faire, avant de changer de nom, serait d’écouter les personnes concernées directement par cette maladie, et, si les choses ont un peu changé ces dernières années, on en est encore très loin.

Ecoutez-nous sur notre expérience de la maladie, de la psychiatrie, des médicaments ou de leur absence.

Ecoutez-nous quand nous revendiquons des droits (déconjugalisation de l’AAH, bonjour).

Ecoutez-nous sans nous réduire à une maladie.

Ecoutez nos craintes, nos espoirs, nos envies.

Ecoutez-nous si vous voulez vraiment comprendre la folie.

Ecoutez-nous et arrêtez de parler à notre place.

Ecoutez-nous, bordel!

Si le changement de nom permet tout ça, alors je dis oui.

Avant de changer le nom de la schizophrénie… Blogschizo, 29 mai.

A revoir aussi le webinaire Changer le nom et le concept de la schizophrénie (CCOMS), mars 2021.

N° 53 - Décembre 2000

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