Mesures anticipées psychiatriques : outils de droits, outils de soins ?

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Le 16 novembre 2022, le ministère de la santé accueillait une journée d’étude sur les mesures d’anticipation en psychiatrie (MAP) dont les plus connues sont les « directives anticipées psychiatriques » (DAP). Ces dispositifs permettent aux personnes d’écrire leurs souhaits pour leur accompagnement futur en cas de crise psychique qui les empêcherait de s’exprimer.

Porté par différents partenaires institutionnels et associatif (1), cet évènement, gratuit, était ouvert aux professionnels de santé, aux usagers et à leurs proches. Les inscriptions en présentiel affichaient complet depuis déjà plusieurs semaines (280 places), et le jour de l’évènement la barre des 700 inscrits en distanciel a été franchie. Cet engouement signe sans doute les nombreux questionnements que suscite le déploiement (ou l’idée d’un déploiement) de ces dispositifs sur le terrain. L’objectif de la journée était de réunir les acteurs engagés dans leur diffusion en France afin de dresser un état des lieux, mais aussi d’engager un débat ouvert concernant les aspects à questionner pour l’avenir de ces MAP.

François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention a ouvert la journée en soutenant le développement des mesures anticipées en psychiatrie qu’il trouve encore « trop rares ». Il a souligné leur intérêt pour le respect du consentement du patient qu’il considère comme un des « fondement de la médecine ». Enfin, le ministre a précisé qu’en lien avec le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie Franck Bellivier, il serait attentif aux conclusions de la journée et à l’avenir des MAP.

La matinée s’est poursuivie avec des interventions d’experts qui ont rappelé que les DAP, promues par l’ONU et les collectifs de personnes concernées à travers le monde, permettent de rendre effectifs les droits du patient citoyen, et de diminuer le recours aux hospitalisations sous contrainte. Me Lefeuvre, vice présidente du Comité consultatif national en éthique (CCNE), a soutenu l’obligation de rechercher le consentement -ou le non-consentement- et de ne pas se baser sur les situations exceptionnelles où il n’est pas possible, pour ériger des règles.

Les tables rondes, constituées de personnes concernées et d’acteurs de terrain ont souligné l’importance d’utiliser le mot « directive » anticipé psychiatrique pour signifier la primauté de la parole de l’usager. Les différentes appellations de mesures anticipées en psychiatrie : DAP, plan de crise conjoint, mesures anticipation psychiatriques et autres, ne doivent pas réduire le document à un outil de prévention. Enfin, la promotion des savoirs expérientiels, de la pair-aidance et des philosophies du rétablissement, sont indispensables au développement des directives, afin de s’assurer qu’elles constituent les volontés des personnes concernées, et non les « projections » des soignants qui accompagnent les usagers dans la rédaction de ces documents.

Lors de cette journée, les DAP ont fait consensus sur leur intérêt mais avec la nécessité de poser un cadre législatif clair. Néanmoins leur implémentation reste un défi et nécessitera l’investissement de tous, personnes concernées, acteurs hospitaliers et de la cité, administratifs et politiques.

1– Advocacy, CHU de Saint-Etienne, GHU Paris psychiatrie et neurosciences, AP-HM, Prism, Psycom, Santé mentale France, Unafam.

Programme : https://www.unafam.org/nos-actions/agenda/mesures-danticipation-en-psychiatrie-outils-de-droits-outils-de-soins

Un compte rendu de Yvonne Quénum, infirmière chercheure, CHU de Saint-Etienne,  yvonne.quenum@chu-st-etienne.fr