Réforme isolement-contention, le décret d’application est paru

N° 258 - Mai 2021
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Après la modification de la loi en décembre 2020, ce décret précise les contours de l’obligation d’information pesant sur le médecin et les modalités de la procédure judiciaire en cas de contrôle de ces mesures.

Très attendu, le décret d’application (1) de la réforme de l’isolement et de la contention de décembre 2020 (2), apporte un certain nombre de précisions, en particulier sur l’obligation d’information du juge des libertés et de la détention (JLD) et le déroulement de la procédure judiciaire lorsque celui-ci est saisi. Rappelons que selon le nouvel article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique (CSP), l’isolement et la contention ne peuvent être mis en œuvre qu’en « dernier recours » pour « prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre » et « uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ». Surtout, l’isolement ne peut être décidé que pour une durée au plus de 12 heures, renouvelable jusqu’à 48 heures maximum et la contention pour une durée de 6 heures, renouvelable jusqu’à 24 heures maximum. Au-delà, un renouvellement de ces mesures peut intervenir « à titre exceptionnel ». C’est uniquement lorsqu’un tel renouvellement est décidé que le JLD doit être informé.

Qui faut-il informer et quand ?

Destinataires de l’information. L’article L. 3222-5-1 dispose que « le médecin informe sans délai le JLD, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure », le patient, ainsi qu’un ensemble de personnes si elles sont identifiées (3) : représentants légaux du mineur, tuteur, conjoint, concubin ou partenaire pacsé, personne ayant formulé une demande de soins, parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient. Il doit également faire part au patient et aux tiers informés « de leur droit de saisir le JLD aux fins de mainlevée de la mesure ».

Calcul de la durée des mesures. Afin de prévenir d’éventuelles stratégies de contournement, qui consisteraient à enchaîner de manière rapprochée des mesures de brève durée pour échapper à la règle de l’information obligatoire du juge, le législateur a encore prévu qu’« une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins 48 heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention. » En deçà, il s’agit d’une même mesure et les durées s’additionnent. De même, l’information s’impose « lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours ». Sans autre précision, le décret confirme que les 48 ou 24 heures ne sont pas nécessairement consécutives et ajoute que l’information « est délivrée par tout moyen permettant de dater sa réception » et doit être réitérée à chaque décision de renouvellement.

Modalités de la saisine et de la procédure judiciaire

– Lorsque la requête émane du patient, elle peut être soit « déposée [par écrit] au secrétariat de l’établissement d’accueil, qui l’horodate » soit « formée par une déclaration verbale recueillie par le directeur de l’établissement qui établit un procès-verbal (…) horodaté et revêtu de sa signature et de celle du patient ». Ce dernier est informé qu’il peut « être assisté ou représenté par un avocat » et « demander à être entendu » par le JLD. C’est au directeur d’établissement de transmettre la requête ou le procès-verbal au greffe du tribunal, dans un délai de dix heures, accompagnées de certaines pièces, notamment « les décisions motivées successives relatives aux mesures d’isolement et de contention dont le patient a fait l’objet et tout autre élément de nature à éclairer le juge » (4).

– En principe, le contrôle opéré par le JLD intervient sans audience et selon une procédure écrite, sauf si le juge estime cette audience nécessaire ou si le patient a demandé à être entendu (5). Précision utile, « le médecin qui a pris la mesure peut également adresser des observations au juge des libertés et de la détention ». De même, « le juge peut solliciter l’avis d’un autre psychiatre que celui à l’origine de la mesure ». Il peut aussi « se rendre à tout moment sur place afin d’apprécier les conditions d’exécution de la mesure » et demander à consulter le registre prévu pour assurer la traçabilité des mesures d’isolement et de contention (6). L’ordonnance du juge est rendue dans un délai de 24 heures à compter de l’enregistrement de la requête au greffe de la juridiction et « il est mis fin à la mesure à l’issue de ce délai si le juge n’a pas statué » (7).

En complément de ce décret, une instruction de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) (8) précise l’accompagnement des hôpitaux pour respecter ce nouveau cadre, et alloue un financement pour, notamment, effectuer les recrutements nécessaires et organiser le temps médical afin de répondre aux modalités de surveillance et de renouvellement des mesures.

Paul Véron
Maître de conférences en droit privé, Université de Nantes,
Laboratoire droit et changement social

1– Décret n° 2021-537 du 30 avril 2021 relatif à la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d’isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement. 2–  La loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a notamment modifié L. 3222-5-1 du code de la santé publique. 3– CSP, art. L. 3211-12. 4– CSP, Art. R. 3211-34. 5– CSP, art. L. 3211-12-2, III. 6– CSP art. R. 3211-38. 7– CSP, art. R. 3211-39. 8–  Instruction N° DGOS/R4/2021/89 du 29 avril 2021.

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