Le décret d’application de la loi réformant le régime de l’irresponsabilité pénale publié le 26 avril dernier au Journal Officiel a déclenché une vive inquiétude, voire une opposition frontale des représentants de la psychiatrie. Le texte suggère, dans sa notice, que « l’arrêt volontaire » d’un traitement médical pourrait conduire à l’exclusion de l’irresponsabilité pénale. Dans un courrier aux représentants de la psychiatrie, diffusé par Hospimédia, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, et le garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, entendent « dissiper au plus vite » un « regrettable malentendu ».
A la lecture de de la notice de ce décret du 26 avril 2022, la communauté psychiatrique s’est demandée si la rédaction du texte ne signifiait pas que le Gouvernement « avait choisi de pénaliser l’arrêt du traitement. » La lettre des deux ministres précise d’emblée « que cette interprétation de la notice résulte d’un regrettable malentendu qu’il convient de dissiper au plus vite ». Rappelant la première partie de la réforme et notamment les dispositions relatives aux nouvelles infractions pour intoxication volontaire de substances psychoactives, les ministres en viennent à la question qui fâche : la mention de l’arrêt du traitement. Et de rappeler que la loi du 24 janvier 2022 a complété le code de procédure pénale, insérée au deuxième alinéa de l’article 706-120. Si le juge d’instruction estime que l’abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte « au moins partiellement de son fait » et s’il existe une ou plusieurs expertises concluant que le discernement « n’était qu’altéré », il renvoie alors le mis en cause « devant la juridiction de jugement compétente » qui statue à huit-clos (article 122-1 du code pénal).
Les ministres soulignent que « ces dispositions ne font qu’instituer une obligation, de nature purement procédurale, de renvoi de la personne devant la juridiction de jugement dans certaines circonstances, mais qu’elles ne modifient en rien les règles de fond de droit pénal en matière de responsabilité ». En effet, la personne « renvoyée en raison de l’existence de divergences dans les conclusions des expertises » devra être déclarée « irresponsable si la juridiction estime que son discernement était aboli au moment de l’acte ». Ceci, même si cette abolition « résulte au moins partiellement de son fait, puisqu’il ne pourra pas lui être reproché ni une des nouvelles infractions d’intoxication volontaire, ni l’acte commis pendant l’abolition temporaire de son discernement. »
Ils concluent « que les nouvelles dispositions ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de pénaliser une personne malade parce qu’elle aurait interrompu un traitement médical. » Pour Olivier Véran et Eric Dupont-Moretti, « cela serait totalement contraire aux exigences de notre droit pénal », affirmant une fois encore « qu’il n’a jamais été dans l’intention du Gouvernement de revenir sur ce principe essentiel. »
Pour la Fédération française de psychiatrie, qui a réagi sur Twitter, cette loi reste « incompréhensible »
La rubrique Droit en pratique reviendra prochainement sur ce sujet. A lire aussi : Irresponsabilité pénale pour trouble mental : que prévoit la réforme ?