Alcoolo-dépendance : l’étude CARAMEL évalue l’utilisation du CBD

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Le Centre Hospitalier Le Vinatier est le promoteur de l’essai CARAMEL, qui teste l’administration de cannabidiol (CBD) pour traiter l’alcoolo-dépendance. Initiée dans le cadre d’un appel à projet de la DGOS de 2018, cette étude va entrer prochainement dans la phase d’essai clinique.

Sur quoi porte cette recherche ?

En France, l’alcool tue chaque année 41 000 personnes. Si la consommation très ponctuelle et limitée dans sa quantité ne pose globalement pas de soucis majeurs de santé, sa consommation importante et/ou quotidienne entraîne des dommages irréversibles. Il est important de le préciser et de le répéter : il n’y a pas de consommation sans risque et la consommation d’un seul verre a déjà des répercussions sur la santé (une augmentation de la pression artérielle, par exemple). On considère le risque comme globalement faible si on ne dépasse pas occasionnellement (pas tous les jours) 2 verres journaliers.

« En France, 5 millions de nos concitoyens en consomment quotidiennement et dépassent ces seuils. Parmi ces 5 millions, 3 sont dans un mésusage sévère et environ 2 millions présentent une addiction à l’alcool. Et ce sont eux qui ont le plus de dommages sur leur santé, leur entourage. « 

Le coût social de l’alcool a été estimé à 120 milliards d’euros. A ce jour, même si nous disposons de plusieurs médicaments ayant une autorisation de mise sur le marché, ils n’ont pas tous le même degré d’efficacité chez des patients aux profils variés et nombreux sont en échecs. La pharmacologie associée à la psychothérapie semble être la meilleure solution de prise en charge dans l’addiction à l’alcool mais tout le monde est en attente d’un médicament efficace sur la quasi-totalité des patients. La recherche pharmacologique doit donc se poursuivre. Or, chez des souris rendues alcoolodépendantes, il a été montré que l’administration de cannabidiol – le fameux CBD dont nous entendons parler dans les médias – a permis de réduire leur consommation. Au-delà même de ce résultat intéressant, la prise de CBD a également permis de réduire les lésions au cerveau et au foie liées à l’alcool. Ces résultats chez l’animal sont prometteurs mais il convient de vérifier, via cet essai, si les résultats sont extrapolables à l’homme.

« Ne pas croire cependant que le CBD est le médicament miracle. Car s’il réduit les lésions hépatiques et cérébrales liées à l’alcool, il ne permet pas d’annuler en totalité ces lésions qui restent supérieures à celles d’un non consommateur.« 

CARAMEL en pratique

CARAMEL est l’acronyme anglais de : CAnnabidiol for Reducing drinking in Alcohol use disorder and Modifying the Effects of alcohol on the brain and the Liver. Soit en français : le Cannabidiol dans la réduction de consommation d’alcool et des dommages cérébraux et hépatiques liés à l’alcool. Comme toute étude médicamenteuse, les autorisations réglementaires de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et du Comité de Protection des Personnes ont du être obtenues et des conventions passées avec tous les partenaires, que ce soit pour :

  • les analyses biologiques (prises de sang) ;
  • les IRM (pour vérifier l’impact sur le cerveau et le foie) ;
  • les analyses neuropsychologiques ;
  • les enquêtes téléphoniques de qualité de vie…

De plus, il a également fallu trouver un producteur pharmaceutique de CBD. Or, la France est (très) en retard sur ce sujet et ne dispose pas encore de cette ressource sur son territoire national. Le Dr Mathieu Chappuy, Praticien Hospitalier et Pharmacien – Addictologue au CH Le Vinatier a donc trouvé un fournisseur étranger disposant d’une longue expérience dans le cannabis médical et qui accompagne le SUAL sur ce projet. Ce n’est pas une chose facile compte tenu des différences de réglementations entre nos pays. Précisons que, sous l’impulsion du ministre de la Santé, depuis le 1er mars 2022, la réglementation autorise la production encadrée à visée thérapeutique en France. Cependant, il était trop tard pour le projet CARAMEL.

Le temps que les produits soient acheminés puis empaquetés (par un prestataire spécialisé), cet essai clinique démarrera en double aveugle. C’est-à-dire que ni le médecin ni le patient ne connaitra le traitement administré de manière aléatoire (CBD ou placebo). C’est un procédé indispensable pour faire la part des choses. Les patients pourront, dans un premier temps, être inclus soit sur le Centre Hospitalier le Vinatier, soit sur l’hôpital de la Croix Rousse. Une ouverture sur le CHU de Lille est également prévue dans un second temps. 76 patients majeurs ayant une alcoolodépendance seront recrutés pour tester le traitement pendant 12 semaines. Comme dans tout essai clinique, il existe une liste de conditions pour être inclus. Ce sont des critères de sécurité complexes mais indispensables. Ainsi, tous les patients alcoolodépendants, ne pourront pas participer à cette étude. En effet, certains traitements ou certaines situations cliniques ne sont pas compatibles. Les personnes dans cette situation, devront être orientées vers le SUAL qui pourra juger de sa possible inclusion ou non.

Les perspectives d’avenir

A la fin de cette recherche, le SUAL espère pouvoir confirmer que les résultats prometteurs obtenus sur les rongeurs puissent être confirmés chez l’être humain. Si tel est le cas, une étude de plus grande envergure (plusieurs centaines de patients sur de nombreux centres) sera nécessaire pour confirmer les effets à grande échelle. A l’issue de celle-ci, une éventuelle autorisation de mise sur le marché sera émise. Les délais sont longs, mais la recherche avance. Le Centre Hospitalier le Vinatier dispose d’un important potentiel dans la recherche clinique. Sa participation active dans cet essai est primordiale et complémentaire aux soins déjà prodigués pour faire avancer la science et la santé.

D’après le résumé présenté par le CH du Vinatier