Mal-être des vétérinaires : pour beaucoup un mal de chien !

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Repérés dans la Revue de l’Ordre National des Vétérinaires, les résultats d’une enquête révèlent des niveaux élevés de mal-être dans cette profession et notamment presque un quart des vétérinaires interrogés faisant part de pensées suicidaires.

En effet, si de nombreuses études et publications se sont penchées sur la santé des soignants (infirmières, médecins…) la littérature est quasi muette concernant les vétérinaires. À ce jour, aucune recherche n’a étudié le lien entre le burnout et les idéations suicidaires d’une part, (deux indicateurs de santé dont semblent frappés les vétérinaires) et les caractéristiques de leur travail d’autre part.Comme l’exprime Jacques Guérin, président de Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, « les vétérinaires ont beau partager la compétence de soigner, certes les animaux, ils restent largement isolés et ignorés des professions regroupées au sein du ministère des soins.« 

« Je persiste à penser que les animaux, leurs détenteurs, l’État, et plus généralement la société civile, ont besoin du corps professionnel des vétérinaires et de ses compétences de soignant, d’acteur de la santé publique et de la sécurité sanitaire des aliments, de son expertise au carrefour de toutes les santés et dans tous les territoires. » . Jacques Guérin, président de Conseil national de l’Ordre des vétérinaires.

Les données obtenues révèlent un burnout particulièrement élevé chez les vétérinaires avec des scores d’épuisement émotionnel et de cynisme significativement plus élevés que ceux d’un échantillon de référence et même que ceux observés auprès des exploitants agricoles. Les femmes montrent un épuisement émotionnel significativement plus élevé que les hommes. En revanche, concernant le cynisme, leur score est plus faible, probablement en lien avec des attitudes plus « maternantes », moins instrumentales que les hommes. Au cours des dernières semaines qui ont précédé leur participation à l’enquête, 4,8 % des participants ont eu des envies de suicide « assez souvent », « fréquemment » ou « tout le temps » À ceux-là s’ajoutent 18,4 % de vétérinaires qui ont ressenti « occasionnellement »

Les éléments stresseurs sont les agents (situations, individus) perçus comme des menaces qui engendrent des pressions quotidiennes. S’ils impactent la santé, ces stresseurs ne sont pas nécessairement spectaculaires. C’est leur caractère chronique qui, petit à petit, mine les ressources des individus : charge de travail et conflit entre vie professionnelle et vie privé, peur de l’erreur, travail morcelé, tensions avec les collègues, pressions financières, émotion, charge affective et confrontation à la souffrance et à la détresse, craintes des blessures.

La conciliation difficile entre vie professionnelle et vie privée n’est pas le seul fait du manque de temps. Il est également en lien avec les tensions professionnelles qui se déversent dans la sphère familiale : « Je rentre, je suis dégoutée. Je râle parce que la table n’est pas mise […] parce que ma fille me parle … Irritable parce que j’ai passé une mauvaise journée […] c’est vrai que ça peut mener à la rupture […] à un divorce »

La peur de l’erreur est le deuxième facteur le plus associé au burnout et aux idéations suicidaires chez les vétérinaires, et il leur est très spécifique. Ce sont les répercussions directes de l’erreur qui sont appréhendées :
« La peur d’une jeune véto de faire une erreur grave pour la vie de l’animal et de ne pas savoir comment gérer la tristesse et/ou la colère des propriétaires » ; « Je trouve aussi que le poids du résultat attendu par les clients est une charge difficile à endurer sur le long terme ; pour les clients, on n’a pas le droit à l’erreur on se doit d’être parfait, car c’est L’ANIMAL DE LEUR VIE »

Selon le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, d’autres articles suivront afin de reprendre chaque stresseur, de rechercher chaque particularité qui permette d’expliquer, et donc de tenter de prévenir ce burnout et cette tendance aux idéations suicidaire.

1Revue de l’Ordre National des Vétérinaires • N°80, février 2022.
2- Cette étude a été commandée conjointement par le Conseil national de l’Ordre et l’association Vétos-entraide, auprès de la chaire de psychologie sociale de l’Université de Bourgogne Franche-Comté. Au total, 3 244 vétérinaires ont répondu au questionnaire qui était adressé à l’ensemble de la profession, ce qui représente un échantillon équivalent à 17,5 % de la population totale des vétérinaires français. À noter que 91 % des participants ont donné leur accord pour participer à l’étude longitudinale, c’est-à-dire répondre à un nouveau questionnaire.