Personne âgée : diagnostiquer plus précocement la dénutrition

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La Haute Autorité de Santé, en partenariat avec la Fédération Française de Nutrition, actualise ses recommandations sur la dénutrition chez les personnes âgées de 70 ans et plus, population la plus à risque d’être exposée à ce problème de santé publique et chez qui les conséquences peuvent être dramatiques. Elle fournit ainsi aux professionnels de santé ou du secteur social et médico-social susceptibles de s’occuper des personnes âgées des outils adaptés et validés pour leur permettre d’identifier plus précocement les personnes âgées dénutries.

La dénutrition touche plus près de 3 millions de Français, parmi lesquels au moins un tiers a plus de 70 ans. Cette situation est particulièrement préoccupante dans la mesure où la dénutrition s’accompagne d’un accroissement de la morbidité (chutes, fractures, hospitalisations, infections nosocomiales), de la perte d’autonomie et de la mortalité, quelle que soit la cause de la dénutrition. Qui plus est, ces complications sont elles-mêmes des facteurs de dénutrition, installant les personnes âgées dans un cercle vicieux qui peut accélérer la fin de vie. Les données épidémiologiques montrent en effet que le risque de dénutrition s’accroît avec la perte d’autonomie : près d’une personne âgée dénutrie sur 7 vit à domicile et près d’une sur 4 dans une unité de soins de longue durée.

La Haute Autorité de Santé, en partenariat avec la Fédération Française de Nutrition, a complété les recommandations sur le diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte publiées en 2019 pour y intégrer des éléments spécifiques à la population des personnes de 70 ans et plus. L’ensemble de ces recommandations seront présentées le 16 novembre à l’occasion d’un webinaire organisé dans le cadre de la semaine nationale de la dénutrition.

Quand parler de dénutrition chez les personnes de 70 ans et plus ?

La définition de la dénutrition chez les personnes âgées est la même que chez les adultes plus jeunes, il s’agit de l’état d’un organisme en déséquilibre nutritionnel. Cependant certaines spécificités sont propres aux personnes de 70 ans et plus. Le diagnostic de la dénutrition dans cette population intègre ainsi des critères telle que la sarcopénie (perte de force musculaire associée à une diminution de la masse musculaire et dégradation des performances physiques, susceptibles d’entrainer une perte d’autonomie et une dépendance).

Un diagnostic qui repose exclusivement sur des critères cliniques

Afin d’uniformiser le plus possible les critères diagnostiques et de sévérité de la dénutrition du sujet âgé avec celle de l’enfant et de l’adulte jeune, il est précisé que le diagnostic de la dénutrition chez une personne âgée de 70 ans et plus repose sur l’examen clinique qui doit permettre de repérer l’association d’au moins deux critères. Il faut au minimum 1 critère phénotypique, relatif à l’état physique de la personne, et au minimum 1 critère étiologique, c’est-à-dire lié à une cause possible de la dénutrition.

Les critères phénotypiques sont les suivants (1 seul critère suffit) :

  • Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10% en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;
  • IMC (indice de masse corporelle) < 22 kg/m ² ;
  • Sarcopénie confirmée par l’association d’une réduction de la force et de la masse musculaire, conformément au Consensus Européen (EWGSOP 2019).

Les critères étiologiques sont les suivants (1 seul critère suffit) :

  • Réduction de la prise alimentaire ≥ 50% pendant plus d’une semaine ou toute réduction des apports pendant plus de deux semaines par rapport à la consommation habituelle ou aux besoins protéino-énergétiques.
  • Absorption réduite (malabsorption/maldigestion).
  • Situation d’agression (avec ou sans syndrome inflammatoire) : pathologie aiguë ou pathologie chronique évolutive ou pathologie maligne évolutive.

La Haute Autorité de Santé et la Fédération Française de Nutrition soulignent que lorsque la situation de la personne âgée évolue et permet la disparition du critère étiologique, par reprise de l’alimentation ou à la suite de la guérison d’une maladie par exemple, cela ne doit pas modifier le diagnostic de dénutrition tant que persiste le critère phénotypique. C’est seulement lorsque les deux critères sont améliorés que l’état de dénutrition est résolu.

Une fois posé le diagnostic de dénutrition, il est recommandé de poursuivre les investigations et de réaliser un bilan étiologique complet à la recherche de toutes les causes possibles de dénutrition chez la personne concernée, dans la mesure où la dénutrition est souvent d’origine multifactorielle chez les personnes âgées. Il est de plus recommandé d’en évaluer la sévérité.

Trois critères de sévérité sont à prendre en compte

Une dénutrition est considérée comme sévère chez une personne de 70 ans et plus lorsqu’au moins un des trois critères suivants est présent :

  • Un IMC inférieur à 20 kg/m2;
  • Une perte de poids supérieure ou égale à 10% en 1 mois, supérieure ou égale à 15% en 6 mois ou par rapport au poids habituel avant le début d’une maladie ;
  • Un dosage pondéral de l’albuminémie avec un résultat inférieur à 30 g/L, mesuré soit par immunonéphélémétrie soit par immunoturbidimétrie qui sont les seules méthodes fiables.

Diagnostiquer la dénutrition, en rechercher les causes et en établir la sévérité ne suffit pas. Il faut la prendre en charge et surveiller l’état nutritionnel.

Installer une surveillance de l’état nutritionnel régulière

La surveillance de l’état nutritionnel d’une personne de 70 ans et plus ne relève pas de sa seule responsabilité, elle doit impliquer les proches aidants, les professionnels de santé et ceux du secteur social et médico-social. Elle requiert de peser le patient, de calculer son IMC, d’évaluer son appétit et sa consommation alimentaire (en utilisant une échelle visuelle, une échelle semi-quantitative, ou en faisant appel à un diététicien), et enfin de déterminer sa force musculaire en s’appuyant sur la mesure de la force de préhension ou sur le test de lever de chaise.

Pour ce qui concerne la fréquence, cette surveillance dépend du lieu de vie des personnes âgées :

  • 1 fois par mois à domicile et à chaque consultation ;
  • A leur entrée à l’hôpital, puis toutes les semaines pour celles qui sont hospitalisées en MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) et SSR (soins de suite et de réadaptation) ;
  • A leur entrée puis au moins une fois par mois pour les personnes hébergées dans un EHPAD (établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes) ou en USLD (unités de soins de longue durée). Elle doit être plus fréquente en cas d’évènement médical (infection, chirurgie…) ou de diminution de l’appétit et des apports alimentaires.
  • A la sortie du malade des établissements.

L’obésité n’exclut pas la dénutrition chez une même personne

Il est important de souligner qu’obésité et dénutrition ne sont pas incompatibles et peuvent coexister chez une même personne. Le cas échéant, le diagnostic repose sur l’association d’un critère étiologique et d’un critère phénotypique – à l’exclusion de l’IMC, qui ne fait pas partie des critères de définition de la dénutrition dans une population obèse.
Ainsi, pour faire le diagnostic, il est recommandé de rechercher une perte de poids (≥ 5 % en 1 mois, ou ≥ 10% en 6 mois, ou ≥ 10% par rapport au poids habituel avant le début de la maladie) et une sarcopénie confirmée.

Lorsque le diagnostic de dénutrition est établi, il est recommandé de déterminer la présence de critères de sévérité. La présence d’un seul établit une dénutrition sévère : une perte de poids plus importante (≥ 10 % en 1 mois ou ≥ 15% en 6 mois ou ≥ 15% par rapport au poids habituel avant le début de la maladie) ainsi qu’une albuminémie < 30 g/L.

La surveillance de l’état nutritionnel des personnes âgées doit être régulière, qu’elles souffrent ou non d’obésité.

Communiqué de presse, HAS du 10 novembre 2021