Améliorer le parcours de soin en psychiatrie : l’avis du Cese

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Un avis sur l’amélioration du parcours de soin en santé mentale et psychiatrie a été adopté le 24 mars à l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental (Cese), au nom de la section des affaires sociales et de la santé. Le conseil réclame un « plan d’urgence » pour la psychiatrie, indépendamment des engagements annoncés dans le cadre du Ségur de la Santé. Selon le Cese : « La psychiatrie n’a plus les moyens de ses ambitions, la situation demeure dysfonctionnelle et la crise sanitaire renforce l’urgence des réponses ». Il formule vingt recommandations autour de trois axes et objectifs majeurs. Synthèse.

En France, une personne sur cinq souffre de troubles mentaux. Plus d’un quart de la population consomme des anxiolytiques, des antidépresseurs, des somnifères. Les maladies psychiatriques constituent la première cause d’invalidité et le deuxième motif d’arrêt de travail. Aucune catégorie de la population n’échappe à ces pathologies dont la prévalence s’accroît de façon inquiétante. Les soins de santé mentale et de psychiatrie forment le premier poste de dépense de l’Assurance maladie, qui y consacre 23 milliards d’euros chaque année. Le coût économique et social global des troubles mentaux pour la société est évalué à 109 milliards d’euros par an.

Les grands principes de l’organisation de la psychiatrie publique – l’obligation d’accueillir toutes les demandes de soin, une prise en charge globale par une équipe pluridisciplinaire implantée dans la proximité – n’ont rien perdu de leur pertinence. La période récente est marquée par une forte aggravation des besoins non satisfaits.

La réalité, telle qu’elle est vécue par les personnes concernées et leur entourage, est ainsi bien éloignée des objectifs initiaux et la crise sanitaire renforce l’urgence d’une réponse. 
Alors qu’une intervention précoce est impérative pour éviter une aggravation ou une chronicisation des troubles, l’entrée dans le soin est retardée. Elle passe trop souvent par les services d’urgence hospitaliers, déjà saturés. Le recours à la procédure de soins sans consentement est en hausse. Les hospitalisations brèves morcellent certains parcours. D’autres patients, encore trop nombreux, sont hospitalisés pour de longues durées parce qu’aucune solution alternative, pourtant moins couteuse et plus conforme aux objectifs d’inclusion et de proximité, ne peut leur être proposée. La psychiatrie de la personne âgée n’est pas assez développée. De multiples cloisonnements empêchent la construction d’une réponse globale. Les prises en charge inadaptées se multiplient et accentuent les risques de décompensation, laquelle, à son tour, entretient une représentation  stigmatisante de la maladie mentale qui agit comme un puissant obstacle à l’entrée dans le soin. Cette réalité est alarmante parce qu’elle aboutit à des violations du droit des personnes à être soignées. Elle pèse aussi fortement sur les proches : l’impact de la pathologie sur leur vie familiale et professionnelle, mais aussi sur leur propre santé, est considérable.

Cet avis s’inscrit dans la continuité des précédents travaux du CESE avec une conviction forte : le respect des droits et de la dignité des personnes, la participation des patients et de leurs proches aidants sont essentiels à l’efficacité des soins et de l’accompagnement. Le CESE plaide pour une réponse globale organisée autour de trois priorités : 

  • agir sur la connaissance et la représentation de la santé mentale
  • favoriser une entrée plus précoce dans le soin
  • assurer la synergie entre les soins et l’accompagnement

AGIR SUR LA CONNAISSANCE ET LA REPRÉSENTATION DE LA SANTÉ MENTALE
– conduire des campagnes de sensibilisation sur la santé mentale : à destination du grand public; ciblées vers des publics particuliers dans leurs lieux de vie et de travail ;
– aucune personne ne doit figurer dans un fichier de police ou du renseignement du seul fait qu’elle est, a été, ou serait atteinte de troubles psychiatriques ;
– multiplier les formations aux premiers secours en santé mentale ;
– mieux informer sur les pathologies, les traitements, la prise en charge, les programmes d’éducation thérapeutique, les offres d’accompagnement ;
– soutenir la création et l’évaluation extérieure régulière de groupes d’entraide ;
– reconnaître et associer davantage les proches aidants, dès l’annonce et tout le long du parcours, à travers une information, des programmes psychoéducatifs, des espaces rencontres, des groupes support.

FAVORISER UNE ENTRÉE PLUS PRÉCOCE DANS LE SOIN
– consolider le rôle pivot des médecins généralistes : renforcer leur formation en psychiatrie, imposer un stage durant les études dans un service de soin ou d’accompagnement, développer les outils de dépistage à leur disposition, améliorer la coordination avec les psychiatres ;
– instaurer de nouveaux partenariats sur le principe de « l’aller vers » associant la psychiatrie aux acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux de terrain ;
– renforcer les services de médecine préventive et de promotion de la santé ;
– accélérer le processus engagé pour rembourser les consultations de psychologues: créer un 4ème groupe professionnel, valider formations et compétences, intégrer la psychothérapie dans le parcours de soin coordonné ;
– améliorer la prise en charge hospitalière à travers un plan d’urgence pour la psychiatrie qui compensera un trop long sous-investissement, sanctuarisera les enveloppes dédiées à la psychiatrie, pérennisera un financement à la hauteur des besoins ;
– renforcer la formation en psychiatrie de tous les métiers du soin et créer, pour les infirmières, une option « psychiatrie et psychopathologie » ;
– investir dans la pédopsychiatrie pour former davantage de pédopsychiatres, mettre l’accent sur le diagnostic précoce, permettre une prise en charge jusqu’aux 18 ans.

ASSURER LA SYNERGIE ENTRE LES SOINS ET L’ACCOMPAGNEMENT
– évaluer les Projets territoriaux de santé mentale au regard de 3 priorités : l’inclusion de tous les acteurs, une couverture territoriale de proximité, l’association des patients et de leurs proches ;
– mettre en place dans les territoires des formations croisées associant acteurs de la santé, médico-sociaux et sociaux mais aussi patientes, patients et proches aidants ;
– multiplier la participation de professionnels de la santé mentale aux communautés d’exercice pluriprofessionnel (CPTS, maisons et centres de santé…) ;
– créer des postes de référents de parcours chargées de l’articulation des prises en charge ;
– renforcer la coordination gériatrique pour mieux identifier les fragilités psychologiques chez les personnes âgées et parallèlement mieux prendre en charge les pathologies somatiques des patients âgées atteints de troubles psychiatriques ;
– soutenir la recherche : augmenter les financements

Améliorer le parcours de soin en psychiatrie, Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par Alain Dru et Anne Gautier Au nom de la
section des affaires sociales et de la santé, Ceses 10, mars 2021.

Télécharger l’avis et la synthèse de l’avis