Violences liées à l’alcool et aux psychotropes : les oubliées du Grenelle

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Les associations de patients et un groupe d'experts et de professionnels ont envoyé, il y a 15 jours, deux lettres ouvertes à Madame Buzyn et à Madame Schiappa. Ils constataient que l'alcool et les psychotropes étaient les grands oubliés du Grenelle sur les violences conjugales ; alors qu'il s'agit de facteurs causaux majeurs et surtout en partie évitables ou traitables. Devant la quasi absence de mesures pour prévenir et traiter les violences conjugales en lien avec l'alcool et les psychotropes, malgré ce que le ministère avait laissé penser, Ils manifestent leur incompréhension et leur mécontentement dans une tribune.

"Lancé à grand renfort dans les médias, le Grenelle des violences conjugales, qui va se conclure le 15 novembre, ne pourra que décevoir au regard de la quasi absence de propositions des travaux préparatoires !!!
Nous, médecins, experts et proches des malades alcooliques, avions souligné, dans 2 lettres ouvertes publiées le 21 octobre dernier, le rôle majeur de l'alcool et des psychotropes dans la survenue de violence conjugale. Rappelons que l’analyse des morts violentes au sein du couple survenues en 2018 et plus particulièrement des 121 féminicides, publiée par la délégation d’aide aux victimes, montre que dans 55 % des cas au moins l’un des deux, auteur ou victime, est sous l’emprise d’une substance (alcool, stupéfiants, etc.).

Nous avions collectivement proposé des mesures efficaces, cohérentes, faciles à mettre en oeuvre et surtout reposant sur les connaissances scientifiques qui font consensus. Ces mesures visaient à prévenir ces violences, en réduire la fréquence et les conséquences, aider les victimes, intervenir auprès des personnes violentes consommant de l'alcool et des psychotropes, et former les policiers, les équipes de soins et les associations d'entraide.
A la suite de notre interpellation, nous avons été reçus par les responsables du programme au sein du ministère de la Santé. Malgré une écoute bienveillante au cours de cette réunion de travail et l'assurance que nos propositions seraient prises en compte, le document gouvernemental présentant leurs propositions à partir des retours des groupes de travail ne retient qu'une seule de nos propositions, concernant "l’analyse systématique des consommations d’alcool et de psychotropes en cas de plainte". Si nous nous félicitons que le phénomène des violences liées à l'alcool et aux psychotropes sera mieux observé et donc mieux connu, nous déplorons qu'aucune mesure sur la prévention des violences liées à l'alcool et aux psychotropes, l'aide aux victimes ou la prise en charge spécifique des auteurs n'ait paru digne d'attention.

Malheureusement, nous pouvons aisément comprendre ce qui bloque. La prévention de ces violences spécifiques supposerait, pour le gouvernement, d'agir sur la consommation d'alcool. Dans notre pays, la moindre mesure, aussi justifiée soit elle, touchant à la consommation d'alcool, devient un problème politique paralysant les décisions. Et dans la foulée, le gouvernement oublie les mesures de soins que nous avions proposées. Il se condamne donc à l’inefficacité. La protection des victimes de violences liées à l'alcool et aux psychotropes attendra, le gouvernement se contentant de mieux observer.
Nous, patients, proches et professionnels, demandons solennellement aux ministres et secrétaires d'Etat, mesdames Marlène Schiappa, Agnès Buzyn et Christelle Dubos, de ne pas occulter une cause majeure des violences contre les femmes et d'y répondre avec l'engagement et l'énergie qu'elle mérite".

Pour les professionnels : Pr Michel Reynaud, Pr Laurent Bègue, Dr Bernard Basset, Pr Amine Benyamina, Pr Mickael Naassila, Dr Jean-Michel Delile
Pour les patients et les proches : Mme Betty Morisset, Mme Françoise Gaudel, Mr Felix Le Moan, Mr Jean-Claude Tomczak