Contre l’isolement des personnes en deuil

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A l’initiative de l’association Empreintes, diverses personnalités appellent, en amont des premières Assises du deuil, le 12 avril au Palais du Luxembourg, à une mobilisation pour que l’impact et le coût du deuil en France soient enfin reconnus.

Le deuil fait peur. Personne ne veut y penser, en parler, s’en occuper. En France, on recense chaque année 600 000 décès dont 8 500 suicides, soit un décès toutes les 54 secondes. 4 Français sur 10 se déclarent en deuil, 5 millions sont veufs ou veuves. En établissement scolaire, un élève par classe est orphelin comme le sont également 20 % des élèves placés à l’aide sociale à l’enfance. Nous le savons, nous l’oublions le plus souvent : tout être vivant est destiné à mourir. Or, chaque mort impacte 5 à 7 personnes proches, qui seront durablement fragilisées.

Vécu en société, le deuil reste considéré comme exclusivement intime. Sa définition, sa nature, son évolution sont liées aux représentations et aux croyances. Mais rappelons ici que le deuil est un processus de cicatrisation utile, naturel et bénéfique. Chacun devrait pouvoir le vivre à son rythme, selon son lien au défunt, selon les circonstances du décès, selon sa propre histoire. Souvent associé à l’oubli, le deuil risque d’être prolongé, voire bloqué. Idées reçues, injonctions et silences témoignent du malaise collectif face au deuil. Par action, par omission ou par déni, notre société ajoute de la douleur à la douleur du deuil.

Si le deuil a un impact humain que chacun mesure à l’aune de son vécu, il a aussi un coût sanitaire que l’on commence à quantifier, mais également un coût économique et social qui doivent être pris en compte.

Le soutien de deuil doit s’inscrire de façon transversale dans les domaines de l’éthique, du soin, de l’éducation, du travail, de la dépendance, du handicap, de l’aide aux aidants et aux victimes, de la prévention du suicide, mais aussi de la recherche scientifique. Il mérite un cadre, une formation, des moyens et une place dans les politiques publiques. A ce jour, aucune ligne budgétaire n’est dédiée à l’accompagnement des personnes en deuil. Et si la loi de 1999 sur l’accès aux soins palliatifs énonçait un droit au soutien pour l’entourage du patient y compris après son décès, ce droit n’a pas été repris en 2005 et 2016 par les lois ultérieures sur la fin de vie. Des avancées législatives sont nécessaires en la matière.

Il existe à ce jour un corpus de connaissances et d’expériences cliniques partagé par des professionnels et des associations spécialisées. Ces compétences permettent de définir ce qu’est un deuil, d’évaluer si le deuil est “normal”, compliqué (environ 20%) ou pathologique (5%), de repérer les personnes à risque, d’orienter vers une prise en charge adaptée – thérapeutique ou de soutien. Mais trop rares sont ceux qui en bénéficient ! Quels salariés en deuil accèdent à un dispositif de et d’accompagnement au sein de leur entreprise ? A l’école, à l’aide sociale à l’enfance, quels outils ont les enseignants et les éducateurs pour comprendre les enfants en deuil ? Quels hôpitaux et quels EHPAD forment leurs équipes et proposent une offre systématique de soutien de deuil ? Parmi les victimes du terrorisme, qui éclaire les personnes en deuil sur ce vécu, au-delà des prises en charge liées à leur statut ?

Les risques consécutifs à un deuil sont connus : dans la première année de veuvage, la mortalité est accrue de 80 % chez les hommes et de 60 % chez les femmes ; 58 % des actifs en deuil ont été en arrêt de travail plus d’une semaine, 29 % l’ont été plus d’un mois ; 77 % des élèves orphelins déclarent des impacts négatifs sur leur scolarité.
Pour que l’impact et le coût du deuil en France soient reconnus, pour lever ce tabou et pour qu’une action politique soit entreprise, combien faudra-t-il de décès par maladie, suicide, accident, addiction ; combien de personnes désocialisées, isolées, précarisées ; combien de familles monoparentales fragilisées ; combien d’enfants en échec scolaire ; combien de personnes âgées perdent leur autonomie après la mort de leur conjoint et restent sans soutien ?

Prévenir les risques liés au deuil nécessite motivation, courage, audace, professionnalisme. Et si, pour commencer, dans chaque entreprise, chaque établissement scolaire ou universitaire, chaque service social, médico-social ou hospitalier, un référent sur le deuil était formé ?

Nous avons à construire, grâce à une prise de conscience et une volonté collective fortes, une solidarité pour lutter contre l’isolement des personnes en deuil.
Ensemble, parlons-en et agissons ! Le deuil, c’est la vie. Le deuil, c’est l’affaire de tous.

Alors, dans le cadre d’une mobilisation nationale, les premières Assises du Deuil – organisées par l’association Empreintes – auront lieu le 12 avril 2019 au Palais du Luxembourg à Paris, sous la présidence du sénateur Bernard JOMIER, sous le haut patronage du Ministère des Solidarités et de la Santé et du Ministère de l’Education Nationale. Ces Assises sont soutenues par nos partenaires : la Chambre Nationale Syndicale de l’Art Funéraire, l’Action Sociale de Klésia, la Fondation OCIRP.

Signer la pétition

Signataires : Pr Régis Aubry, soins palliatifs CHU Besançon ; Dr Carole Bouleuc, soins de supports Institut Curie ; Pierre Cahuc, économiste Sciences-Po Paris ; Tanguy Châtel, sociologue ; Dr Laure Copel soins palliatifs Diaconesses C. St Simon ; Karine Dusfour, réalisatrice ; Marie Darrieussecq, auteure ; Anny Duperey actrice ; Philippe Duperron, Président association 13 onze 15 ; Pr Emmanuel Gyan Professeur des Universités-Praticien Hospitalier (PU-PH) en Hématologie-Transfusion ; Dr Christophe Fauré, psychiatre ; Laurence Ferrari, journaliste ; Pr François Goldwasser, cancérologue APHP ; Serge Guérin, sociologue ; Olivier de Margerie, Fédération JALMALV ; Bernard Jomier, Sénateur ; Marie L. Tournigand et Hélène Lalé, association Empreintes ; Michèle-Hélène Salamagne, co-fondatrice de la SFAP ; Georges Saline, association 13 onze 15 ; Audrey Pulvar, auteure ; Hélène Romano, Dr en psychopathologie ; Pr Christophe Tournigand, cancérologue APHP et CHIC…

N° 235 - Février 2019

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