Les soignants malmenés par les réformes successives…

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Création des pôles, tarification à l’activité (T2A), mise en place de l’état prévisionnel des dépenses et des recettes (EPRD)… le secteur de la santé et, plus particulièrement l’hôpital, ont été ces dernières années au cœur d’un mouvement de réformes accéléré visant à maîtriser les dépenses et à les adapter aux évolutions de la demande de soins dans un contexte de vieillissement de la population. Selon une enquête du Centre d’études sur l’emploi (CEE), les incidences de ces évolutions sur les conditions de travail des soignants ont été sous-estimées.

Les chercheurs expliquent ainsi que les débats qui ont accompagné les réformes ont laissé en arrière-plan le travail des professionnels de santé, conçu comme une « ressource humaine », voire un simple « facteur de production », à économiser pour augmenter la « productivité » hospitalière. Les établissements ajustent leurs effectifs au plus près des soins prodigués, renforçant ainsi les contraintes parfois à la limite de la soutenabilité qui pèsent sur leurs salariés. Selon les cas, cela se traduit par l’intensification des rythmes ou de la charge de travail, la réaffectation des personnels en fonction des besoins, la recherche de flexibilité dans la gestion de la main-d’œuvre, la gestion plus serrée des plannings… Ces contraintes auraient accentué la mobilité des personnels, notamment des médecins, mais toucheraient plus particulièrement le personnel soignant, « en première ligne. » Un cadre interrogé note : « On va regarder dans tous les secteurs si tous les agents sont à leur place, s’ils sont occupés au maximum, si on ne peut pas leur en faire faire davantage. » L’alourdissement des charges de travail entre par ailleurs en contradiction avec le vieillissement d’une fraction des effectifs, que les dirigeants n’ont pas anticipé.

Si l’intensification du travail à l’hôpital s’inscrit dans une évolution sociale globale, elle présente aussi des spécificités. L’obligation de rentabilité se traduit non seulement par une course contre la montre mais aussi d’une perte de repères sur les finalités et le sens du travail. La flexibilisation du travail et de l’emploi affaiblit le collectif de soin et son identité et rend difficile l’intégration des nouvelles recrues.

Les chercheurs concluent que les réformes et les décisions de gestion des établissements gagneraient à intégrer, dès leur conception, la question des emplois, des conditions de travail et de la prévention de la santé des salariés…