18-19 juin 2021

« Être là »

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36emes rencontres de Saint-Alban

Après des journées 2020 qui se sont dérobées à nous, c’est la question « être là » que nous avons voulu maintenir au premier plan cette année, et ce avec d’autant plus de nécessité que nos entours se sont détériorés, et que nos intériorités sont malmenées.

Dans le travail de soin et d’accompagnement, il a toujours été difficile de faire reconnaître cette part du travail qui échappe à la prescription, parce qu’elle constitue la part invisible du soin, ″la moindre des choses″, comme aurait dit Oury, posant la question ″combien vaut un sourire ?″ Cette part est la sous-jacence sans laquelle rien d’humain n’est vraiment présent dans ce qu’on fait avec l’autre. Moindre des choses, petits riens du soin écrasés par la violence bureaucratique et scientiste, et à nourrir pourtant sans cesse de ce qui nous est le plus intime.

Alors, « Qu’est ce que je fous là?″. Cette question à entrées multiples est inaugurale, fondatrice, et chacun, chacune, l’a sans doute rencontrée et traversée à sa manière à un moment ou à un autre de son travail. Elle se pose de façon aiguë en ces temps de crise, temps où la peur de l’effondrement (Winnicott) est palpable,
et les résonances de vécu de la fin du monde (Tosquelles) se rappellent à nous. Si l’on pense sérieusement, concrètement, à ce vécu de fin du monde, alors « être là », c’est à la fois affirmer l’existence du monde autour de nous et notre appartenance commune à ce monde-là. Cette ″commune présence″ (René
Char), c’est ce que le patient a perdu, et c’est ce à quoi nous devons le raccrocher par notre capacité à être présent, à être là où ça se passe. Comment construire cette présence au monde lorsque notre propre monde perd ses contours ?

Si l’« être-là » est pensé comme présence, alors pour les soignants et les accompagnants, « être là », c’est assurer ce fond paysagé duquel se dégage non pas quelqu’un en particulier, mais le mouvement même d’apparaître de l’ « être là », l’advenir en lui-même. La montée des attitudes défensives et surmoïques de nombreux soignants à l’égard des patients va avec l’intensification de l’enfermement, des hospitalisations
sous contrainte, de la contention. Comment pouvons-nous continuer à être là lorsque les conditions minimales ne sont pas réunies pour pouvoir affirmer dans la plus grande simplicité notre appartenance commune à une humanité fragile dont la protection ne va pas de soi ?

Nous ne savons pas comment nos rapports, nos liens sont et seront transformés par la crise actuelle, mais plus que jamais la question vitale se pose : « être là ». Il y a donc à créer et à construire ensemble.

Rens. : tél 04 66 42 55 55, assoculturelle@chft.fr