Stress post-traumatique, anxiété généralisée, dépression : les impacts « post Lubrizol »

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Le deuxième volet du dispositif « Santé Post Incendie 76 (SPI76) suite à l’accident industriel des entrepôts Lubrizol et NL Logistique en septembre 2019 livre les résultats d’une nouvelle enquête « à distance de l’événement ». Ils confirment l’impact de l’accident sur la santé mentale (trouble de stress post-traumatique, anxiété généralisée et dépression) des populations vivant dans les zones exposées.

L’incendie industriel des entrepôts de Lubrizol et NL Logistique avait eu lieu le 26 septembre 2019 à Rouen. Si l’impact sur l’environnement fut immédiat, les conséquences sanitaires l’ont été également et notamment celles sur la santé mentale des populations vivant dans les zones exposées. Santé publique France a mis en place, à la demande des ministères en charge de la santé, de l’écologie et du travail, un dispositif global d’évaluation épidémiologique de ses conséquences sur la santé, qu’elles soient survenues au moment de l’accident ou qu’elles apparaissent plusieurs mois ou années après.

Un dispositif « Santé Post Incendie 76 (SPI76) » dont l’objectif était d’évaluer les conséquences sanitaires de l’accident industrie a été rapidement mis en place. Premier volet de ce dispositif, l’enquête intitulée « Une étude à l’écoute de votre santé » et dont les résultats ont été publiés en juillet 2020 ont permis de décrire les expositions et les symptômes perçus par la population pendant l’incendie, ainsi que son recours aux soins, ses comportements et attitudes. A cette occasion, 60% des habitants de la zone exposée, adultes et enfants, ont rapporté au moins un symptôme ou problème de santé qu’ils ont attribué à l’incendie. Il s’agissait principalement de symptômes psychologiques (stress, anxiété, angoisse, panique), oto-rhino-laryngologiques (picotement des narines, de la gorge, écoulement et obstruction nasale), généraux (céphalée, malaise, fatigue), oculaires (larmoiement, rougeur conjonctivale), respiratoires (toux, dyspnée, plus rarement crise d’asthme) et de troubles du sommeil.

Un deuxième volet de ce dispositif vient d’être rendu public le 10 décembre dernier. Les résultats confirment l’impact de l’accident sur la santé mentale (trouble de stress post-traumatique, anxiété généralisée et dépression) des populations vivant dans les zones exposées. Ils montrent également des facteurs classiquement associés à ces troubles psychologiques comme l’isolement social, le dénuement économique ou les antécédents psychologiques. Ils confirment l’importance de proposer une aide adaptée aux personnes proches du lieu de l’évènement, aux personnes économiquement défavorisées, socialement isolées ou ayant des antécédents psychologiques, en cas de futurs accidents industriels. D’ores et déjà, dans la continuité de ce qui a été fait lors de l’incendie, un accès à une aide psychologique adaptée s’avère encore pertinent à proposer en priorité dans la zone à proximité de l’accident industriel.

La prévalence des troubles psychologiques était plus élevée à proximité du lieu de l’incendie.

Les résultats obtenus montrent l’existence d’un lien entre l’exposition à l’incendie et la santé mentale des personnes exposées, ainsi :
– 6% de la population de la zone exposée présentait un trouble de stress post-traumatique probable et attribué à l’incendie ;
– 15% de la population de la zone exposée présentait une anxiété généralisée probable (contre 9% en zone témoin) ;
– 18% de la population de la zone exposée présentait une dépression probable (contre 12% en zone témoin).
Au total, les résultats indiquent que 23 % des répondants de la zone exposée présentaient au moins un trouble de santé mentale, et que 5% présentaient à la fois un trouble de stress post-traumatique probable et une dépression probable.

Sur la base du rapport de Santé publique France sur les signaux d’impact dans la durée pour la santé mentale d’une partie de la population concernée, l’ARS Normandie poursuit la facilitation de l’accès aux soins psychologiques des personnes concernées dans la durée. Des échanges avec l’Union Régionale des Médecins Libéraux, le Conseil départemental de l’ordre des médecins et le CH du Rouvray pour les CMP du territoire, en lien avec la commission spécialisée en santé mentale du conseil territorial de santé, vont se poursuivre afin de renforcer le dispositif préexistant dans deux directions :
– sensibilisation spécifique des médecins généralistes de la zone sur le psycho-trauma et les troubles anxiodépressifs, afin de les doter d’outils et de les accompagner dans la prise en charge de leurs patients ;
– organisation d’un circuit facilité d’accès aux CMP du CH du Rouvray après une première évaluation par le médecin traitant.

« En complément de ce qui avait été proposé à la population après l’incendie, ces résultats renforcent le besoin de mettre en place des dispositifs de préparation dans l’éventualité de futurs accidents et de porter une attention particulière aux habitants proches du lieu de l’évènement, aux personnes économiquement défavorisées, socialement isolées ou ayant des antécédents de prise en charge psychologique ou d’évènement potentiellement traumatique ». 

Enfin, il est important de souligner que ces troubles peuvent perdurer plusieurs années après l’accident industriel. La surveillance épidémiologique sur le long terme à partir des analyses du Système National des Données de Santé (SNDS) permettra d’apporter des informations sur les remboursements de soins ambulatoires et certaines maladies en cas d’hospitalisation et ainsi de réaliser un suivi, à moyen et long termes, de la santé des répondants à cette enquête, mais également de l’ensemble des personnes habitant dans la zone concernée.

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