Renforcer l’offre de soins pour répondre à l’ampleur des besoins des étudiants

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La crise Covid a révélé la précarité et la fragilité des étudiants et plus encore leurs difficultés à accéder rapidement à des soins spécialisés en santé mentale.  « Etudiants en 2020 : de la prévention à l’intervention » était le thème de la 14e Journée Internationale des Pathologies Émergentes du Jeune Adulte et de l’Adolescent (JIPEJAAD) organisée par le réseau Transition le 23 mars dernier en format digital. Ce qu’il faut en retenir.

Bien que la fragilité des jeunes étudiants et la fréquence d’une souffrance psychique soient bien antérieures à la pandémie de Covid-19, celle-ci a mis le feu aux poudres : isolement ou retour contraint en famille, précarité accrue par la raréfaction des jobs étudiants, modification des rythmes, limitation des repères sociaux, cours en visioconférence jugés déshumanisés, stages impossibles remettant en question la validation du cursus, impression d’être une génération perdue … Les données de l’INSERM (EPICOV) indiquent ainsi une augmentation des syndromes dépressifs chez les 15-24 ans passant de moins de 5% en 2014 à 10% en 2019 et à plus de 20% en mai 2020, avec des prévalences qui suivent en partie les confinements, restrictions, et limitations sociales.

Malheureusement, le parcours d’accès à des soins spécialisés pour des problèmes psychiques est trop souvent complexe, et plus encore pour les étudiants : absence de mutuelle ou de médecins traitants, éloignement du médecin de famille, méconnaissance des parcours de soins, stigmatisation des maladies mentales par les étudiants eux-mêmes.

Les ressources existantes en lien avec les universités, notamment les bureaux d’aide psychologiques universitaires (BAPU), ont été sur-sollicitées et dépassées par l’urgence et l’importance de la demande et ont tenté de s’adapter. Les CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) ont pu prendre des initiatives pour aider les étudiants à accéder aux soins mais aussi renforcé les différentes aides plus sociales. La mise en place très récente du remboursement de 3 rencontres gratuites par le gouvernement via la plate-forme santepsy.etudiant ou les « chèques psy étudiant » dans certaines régions  devraient sans nul doute faciliter un premier contact. 

Les syndromes dépressifs chez les 15-24 ans sont passés de moins de 5% en 2014 à 10% en 2019 et à plus de 20% en mai 2020…

La capacité d’adaptation des étudiants n’est pas en reste.

  • Parmi les plus visibles, Nightline propose un service d’écoute reposant sur des bénévoles étudiants associé à un site internet recensant les structures de soins psychiatriques de proximité (généralement non spécialisées). La difficulté est de s’assurer d’une qualification de ces bénévoles pour une bonne orientation et la cohérence d’un parcours de soin, lorsque qu’un trouble nécessite une prise en charge plus intensive ou durable.  
  • Des formations existent dont le programme Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) qui vise à former un public non spécialisé pour aider des personnes présentant les premières manifestations de troubles psychiques ou en situation de crise.
  • De son côté, le Centre national d’Appui (CNA) pour les étudiants en santé, organise des formations pour les élus étudiants et les coordonnateurs et accompagne la création de structures de soutien dans les différentes facultés de santé.

Une première ligne d’accueil de proximité facile d’accès a l’avantage d’offrir une réponse rapide et d’éviter d’engorger les structures de soins spécialisés pour les jeunes nécessitant une prise en charge. Mais la question de l’orientation reste entière : savoir différencier un moment difficile d’un trouble débutant nécessitant une prise en charge plus spécialisée, loin d’être évidente, pas plus qu’évaluer le risque suicidaire et pouvoir adapter la réponse thérapeutique. En cas de troubles psychiatriques débutants, des soins spécialisés doivent être proposés dans des centres spécialisés pour les jeunes.

Les centres de détection et d’intervention précoce se développent peu à peu sur l’ensemble du territoire Leur objectif est de proposer des soins intégrés, centrés sur les besoins des jeunes et permettant de rétablir leur trajectoire de vie. Ils placent la reprise du projet universitaire et professionnel et l’accès à un diplôme comme priorité du parcours de ces jeunes patients, au même titre que leurs soins médicaux, leur accompagnement psychothérapique et celui de leur entourage. Ces centres proposent ainsi une offre de soins spécialisée et adaptée, permettant que les troubles psychiques impactent le moins possible leur trajectoire de vie. Ces soins s’intègrent parfaitement aux autres ressources comme cela a été montré à Dijon, Lyon, ou Paris, avec un programme s’articulant avec une initiative de Pair-Aidance. « La Maison Perchée » est un très bel exemple de résilience et d’action pour  faciliter les échanges et le soutien pour adapter les soins psychiatriques à la vie étudiante et faciliter le retour aux études.

Cette journée d’échange et de réflexion a souligné l’importance cruciale de renforcer l’offre de soins pour répondre rapidement à l’ampleur des besoins des étudiants. Il faut leur proposer avant tout un parcours coordonné, sans passer à côté de l’enjeu majeur de la prévention du risque de suicide et des troubles psychiatriques caractérisés. Cela signifie aussi des orientations fondées sur des évaluations validées, facilement accessibles et partagées par les acteurs de première et deuxième ligne. Dans le cadre du programme PsyCARE, le réseau Transition développe une plateforme internet avec mise à disposition d’outils d’évaluation, de formations, et d’outils de communication ainsi que le référencement des centres à l’échelle nationale.

Un compte-rendu de cette journée par le Pr Krebs M-O, MD, PHD, PU-PH, Cheffe du pôle Prévention, Evaluation et Innovation Thérapeutique (PEPIT) au sein du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences. Fondatrice du réseau Transition. Responsable scientifique du RHU PsyCARE

Retrouvez les interventions des JIPEJAAD 2021 sur le site : institutdepsychiatrie.org