L’accès au dossier médical, un droit fondamental du patient

N° 228 - Mai 2018
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Tous les patients, y compris ceux pris en charge en psychiatrie, ont le droit d’accéder au contenu de leur dossier médical, dans certaines conditions de consultation. Repères théoriques (première partie, 1).

Il serait sans doute possible de discuter longuement de la nature juridique du dossier médical d’un patient. Une chose reste certaine, la loi du 4 mars 2002 (2) a consacré le droit d’accès direct de chacun aux données de santé le concernant (Code de la santé publique (CSP), art. L. 1111-7). En agissant ainsi, le législateur a tenu à garantir les mêmes droits à l’ensemble des malades, y compris ceux pris en charge dans les services de psychiatrie. Ainsi, conçu comme un droit fondamental de la personne dans ses relations avec le système de santé, l’accès au dossier médical ne connaît théoriquement aucune limite, sinon celle de la capacité de son titulaire à exercer personnellement ses droits. De ce fait, les mineurs et les majeurs sous tutelle sont exclus, même s’ils conservent une certaine maîtrise de cet accès (3). Réserve faite du cas où le dossier a été saisi dans le cadre d’une procédure judiciaire, aucune restriction d’accès supplémentaire ne peut être apportée par les établissements ou les professionnels, quels qu’en soient les motifs (4).
La personne concernée par les informations de santé n’est pas véritablement propriétaire de son dossier médical puisqu’elle ne peut ni le saisir, ni le transmettre, ni le détruire. Elle est en revanche titulaire du droit d’accéder à ce dossier, qu’elle peut choisir de connaître de manière directe ou indirecte. L’objectif du législateur est de donner au principal intéressé les moyens de comprendre les conditions de sa prise en charge pour, au besoin, la critiquer (5).

Accès direct et indirect

Le principe posé par la loi du 4 mars 2002 est celui de l’accès direct de la personne à l’ensemble des informations de santé la concernant (CSP, art. L. 1111-7 et L. 1112-1). Cependant, l’accès indirect est possible, soit par la désignation d’un médecin intermédiaire, soit par le recours au mandat.
La présence d’une tierce personne lors de la consultation de certaines informations peut être souhaitée par le demandeur ou recommandée par le médecin dépositaire des données, notamment s’il estime que leur découverte sans accompagnement fait courir un risque au patient. Dans ce cas, préalablement à la consultation, le tiers accompagnant devra être correctement informé de la nature confidentielle des informations ainsi dévoilées.
Les établissements de santé sont donc tenus de proposer un accompagnement médical, soit aux personnes qui le souhaitent, soit en raison de la nature des informations. En dehors du cas particulier des soins sous contrainte, le patient est toujours libre de refuser un tel accompagnement. Ni ce refus, ni l’absence de réponse à la recommandation dans le délai prévu pour la communication (6) ne font obstacle à la délivrance des informations demandées (CSP, art. R. 1111-4).
– Le demandeur peut avoir accès à son dossier médical par l’intermédiaire d’un médecin. Il doit alors indiquer au détenteur du dossier les noms et adresse de ce médecin qui doit lui-même être en mesure de justifier de sa désignation par le patient. Avant toute communication, le détenteur doit également s’informer de la qualité et du droit d’exercer du médecin désigné comme intermédiaire, en vérifiant par exemple son inscription au tableau de l’Ordre.
– Le demandeur peut aussi désigner un tiers, expressément et spécifiquement mandaté à cette fin. Ce recours au mandat, qui peut être ponctuel ou général et peut donc être un mandat de protection future, a été reconnu par un arrêt du Conseil d’État du 26 septembre 2005 avant d’être consacrée par la Haute Autorité de santé (HAS) (7). Lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, seul un tel mandat exprès permet aux tiers à la prise en charge, dont l’avocat, d’accéder à son dossier. Il est donc particulièrement important d’informer les personnes, et notamment les personnes hospitalisées, de cette possibilité de délégation de leur droit d’accès aux données de santé. Il faut également leur préciser que la personne de confiance ne peut, en cette seule qualité, exercer ce rôle de mandataire.

Stéphanie Renard, Maître de conférences ; Éric Péchillon, Professeur des Universités, Lab-LEX EA 7480, Université Bretagne Sud

1– Cette première partie présente le cadre théorique, la seconde partie, dans le numéro de juin, répondra à des questions concrètes.
2– Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
3– À lire aussi sur ce sujet S. Renard et E. Péchillon, « Accès au dossier médical du mineur », Santé mentale, février 2017, p. 8-9.
4– Sont donc pleinement admises à demander l’accès à leur dossier, au même titre que les autres patients, les personnes de nationalité étrangère, les personnes incarcérées (CADA, avis n° 20070286 du 25 janvier 2007) et les personnes suivies psychiatrie en soins libres ou en soins sous contrainte. 5– La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs étroitement associé le droit d’accès au dossier médical au droit à l’accès effectif à un tribunal : CEDH, 28 avr. 2009, KH et autre c/Slovaquie (n° 32881/04).
6– En principe, ce délai est de 8 jours à compter de la réception de la demande, à moins que les informations demandées ne datent de plus de 5 ans, auquel cas le délai est porté à 2 mois. Le délai est également de 2 mois quand la CDSP est saisie.
7– Arrêté du 3 janvier 2007 modifiant l’arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès.