L’accès aux données de santé : spécificités en psychiatrie

N° 229 - Juin 2018
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Le détenteur du dossier médical d’un patient suivi en soins sans consentement peut subordonner l’accès à ce dossier à la présence d’un médecin, en respectant une procédure précise.

À la double condition d’être majeures et non soumises à un régime de tutelle, les personnes faisant l’objet de Soins sous contrainte (SSC) disposent de droits équivalents à ceux des autres patients hospitalisés. Elles exercent donc elles-mêmes leur droit d’accès à leur dossier médical qui, hors mandat exprès (1) ou disposition légale, ne peut en principe être transmis à un tiers (2). L’article L. 1111-7 du Code de la santé publique (CSP) apporte toutefois une dérogation au droit des patients en SSC d’accéder directement à leurs données de santé : « En cas de risques d’une gravité particulière », la consultation peut en effet être exceptionnellement « subordonnée à la présence d’un médecin désigné par le demandeur ». Il est donc possible de refuser cet accès sans accompagnement à un patient dès lors qu’il fait l’objet d’une mesure de soins sous contrainte (hospitalisation complète ou programme de soins) et quel que soit le motif de cette prise en charge : Soins à la demande d’un représentant de l’État (SDRE), à la demande d’un tiers, en urgence ou non (SDT et SDTU), péril imminent ou déclaration d’irresponsabilité pénale. Loin d’être systématique, cette limitation doit au contraire rester exceptionnelle, à charge pour le détenteur des informations de justifier précisément des risques graves motivant sa décision.

Informer le patient

Afin de garantir au mieux les droits du patient, l’article R. 1111-5 du CSP précise que cette décision restrictive du droit d’accès aux données de santé doit être immédiatement notifiée à l’intéressé pour qu’il désigne rapidement le médecin de son choix. Il convient d’être particulièrement vigilant à ce stade de la procédure qui, en cas de contestation ultérieure, permet de justifier que l’établissement a bien voulu déroger aux dispositions de droit commun. En cas d’opposition du patient, se traduisant soit par le refus de cette désignation, soit par le rejet du médecin proposé pour cet accompagnement, le détenteur des informations doit saisir la Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) pour régler le différend. La CDSP peut également être directement saisie par le patient.
Le détenteur des informations doit fournir sans délai à la CDSP les informations nécessaires sur la santé du demandeur et les éléments qui le conduisent à demander, à titre exceptionnel, la présence d’un médecin. De par leur contenu, ces renseignements sont adressés sous pli confidentiel et protégés par le secret professionnel. Par ailleurs, les personnels des établissements de santé sont tenus de répondre à toutes demandes d’information de la commission et fournir toutes données médicales nécessaires à l’accomplissement de ses missions (CSP, art. L. 3223-1). Afin de garantir l’efficacité de cette procédure, la loi n’exige pas le consentement de la personne concernée à la transmission de ces informations confidentielles mais les éléments transmis doivent être strictement limités à ceux réellement nécessaires au traitement de l’affaire. Sur ce point, la Direction générale de la santé a assez tôt préconisé une information systématique de la personne concernée par les demandes d’information de la commission (3). L’avis de la CDSP s’impose au détenteur de l’information et au patient. Il doit leur être notifié dans les deux mois suivant la saisine initiale (soit la date de réception de la demande d’avis présentée par l’établissement ou l’intéressé). Les décisions et l’appréciation portée par l’administration sur la gravité des risques invoqués pour limiter l’accès aux données de santé, peuvent être contestées devant le juge administratif (4). Notons que la saisine de la CDSP ne fait pas obstacle à la communication des informations si le demandeur revient sur son refus de désigner un médecin. Dans ce cas, le détenteur des données en informe la commission. 

Conserver les dossiers

La conservation des pièces du dossier est une obligation importante à la charge des services qui peuvent les garder au sein des établissements de santé, ou les déposer auprès d’un hébergeur agréé (art. R. 1112-7 CSP). Quelle que soit la formule retenue, il importe que « toutes dispositions soient prises pour assurer la garde et la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées ». La durée de conservation minimale est de vingt ans « à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l’établissement ou de la dernière consultation externe en son sein » (5). Un établissement peut conserver les données plus longtemps à condition d’en protéger l’accès. Enfin, la destruction d’un dossier médical à l’issue de la période de conservation légale suppose une décision expresse du « directeur de l’établissement après avis du médecin responsable de l’information médicale » (6).

Stéphanie Renard, Maître de conférences en droit public; Éric Péchillon, Professeur de droit public, Lab-LEX EA 7480, Université Bretagne Sud

1– Voir Santé mentale, mai 2018, p. 10.
2– CADA, conseil n° 20054024 du 6 oct. 2005.
3– Circulaire DGS/SD6 C n° 2005-88 du 14 février 2005 relative à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques, BO Santé 2005-4.
4– CE, 10 avril 2009, n° 289793 à 289795, Lettre des Professionnels de Santé (LPS) n° 8, juin 2009, p. 12, obs. S. Renard et JCP A 2010, n° 2009, p. 19, obs. E. Péchillon.
5– Art. R. 1112-7 CSP. 6– Ibid.