L’examen somatique du patient dans la procédure de soins sous contrainte

N° 227 - Avril 2018
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Pour la Cour de cassation, si l’examen somatique du patient est obligatoire au cours de la procédure d’admission en soins sous contrainte, il n’est pas nécessaire d’en fournir la preuve au Juge des libertés et de la détention.

En psychiatrie, les 24 premières heures d’une prise en charge sont primordiales. Durant cette courte période, l’équipe soignante doit s’assurer que l’état somatique du patient est compatible avec un séjour dans un service de psychiatrie mais aussi que la personne souffre bien d’une pathologie mentale rendant son hospitalisation nécessaire (en soins sous contrainte) ou opportune (en soins libres). Afin de réduire au maximum le risque d’internement arbitraire (1) ou de détournement de procédure (2), le législateur a institué en 2011 une procédure complexe, mais cohérente d’un point de vue juridique, qui oblige les services à se poser plusieurs questions essentielles au moment de l’admission d’un nouveau patient en soins sous contrainte. Malheureusement, l’intervention du Parlement a aussi eu pour effet de générer un contentieux important, en offrant aux avocats l’opportunité de remettre en cause les choix de l’établissement. Certains d’entre eux, utilisant ces règles procédurales, tentent souvent de démontrer que des mesures individuelles d’hospitalisation sous contrainte n’étaient pas indispensables et doivent donc être annulées.

Défaut de procédure ou défaut de prise en charge

Par une décision récente (3), la Cour de cassation, en annulant une mainlevée prononcée en Cour d’appel, vient justement de préciser un point important. En procédant à une lecture stricte de la loi, elle coupe court à de nombreuses stratégies contentieuses. En l’espèce, Alain X. avait été admis en hospitalisation psychiatrique sans consentement à la demande de son fils, en urgence, par décision du directeur d’établissement (L. 3212-3 du code de la santé publique). Lors de l’examen de la légalité de cette hospitalisation devant le juge des libertés et de la détention (JLD), la question de la liste et du contenu des pièces à transmettre au juge judiciaire a été abordée. L’avocat du patient avait en effet mis en avant que l’établissement n’apportait pas la preuve que l’examen somatique complet du patient avait bien été effectué. Cet examen est particulièrement important aux yeux du législateur car il doit servir à la fois à écarter « une origine somatique d’un trouble d’allure psychiatrique » et à s’assurer que le patient est bien en état d’être accueilli dans un service de psychiatrie. Il s’agit donc indéniablement d’une obligation à la charge de l’établissement d’accueil, mais pouvait-on considérer, comme la Cour d’appel, qu’il s’agissait d’une formalité substantielle remettant en cause la légalité de la mesure? La Cour de cassation considère au contraire que « la réalisation de l’examen somatique prévu ne donne pas lieu à l’établissement d’un certificat médical ni ne figure au nombre des pièces dont la communication au juge des libertés et de la détention est obligatoire; que, dès lors, une simple défaillance dans l’administration de la preuve de son exécution ne peut entraîner la mainlevée de la mesure ». Il convient de revenir sur la distinction entre l’examen et le certificat médical. Ce document écrit est rédigé pour un tiers afin que celui-ci puisse disposer d’une information utile à son action. L’examen médical et ses constatations sont inscrits dans le dossier médical du patient qui lui n’a pas à être transmis au JLD.
La Cour de cassation relève que « pour ordonner la mainlevée de la mesure, l’ordonnance [de la Cour d’appel] retient qu’aucun élément objectif ne permet d’établir qu’il a été procédé à un examen somatique du patient », ce qui constitue en effet une violation de l’article L. 3211-2-2 du code de la santé publique. Mais si le patient souhaite contester l’absence d’examen somatique ou son caractère insuffisant, il devra le faire en s’engageant sur la voie d’un recours en plein contentieux contre l’établissement de santé pour faute de service. La Cour de cassation refuse d’ajouter des documents supplémentaires à la longue liste des pièces à transmettre au JLD. Elle se prononce en fait sur la validité de la procédure d’admission en soins sous contrainte et non sur la qualité de la prise en charge, qui elle relève d’un autre type de contentieux. Certains avocats ont regretté cette position en estimant que le magistrat judiciaire devait disposer d’un maximum d’informations sur l’état de santé « réel » du patient.

Un certificat psychiatrique précis

Pour éviter qu’un doute persiste sur la réalité de cet examen, il reste cependant souhaitable que le psychiatre qui rédige le certificat « des 24 heures » ou celui « des 72 heures », y inscrive la mention suivante : « Au vu des constatations réalisées par le docteur X lors de l’examen somatique complet du patient, et après l’avoir examiné, je soussigné Docteur Y, psychiatre, certifie que… ». La formule est un peu longue mais elle a le mérite de préciser que l’état somatique du patient a bien été pris en compte lors de son admission, sans avoir besoin d’exposer encore un peu plus la vie privée du patient à l’audience.

Éric Péchillon, Professeur de droit public, Université Bretagne Sud

1– L’internement arbitraire est caractérisé par une mesure de privation de liberté en dehors du tout cadre légal.
2– Le détournement de procédure consiste pour l’autorité administrative à utiliser volontairement une procédure à la place d’une autre, afin d’éluder certaines formalités ou de supprimer certaines garanties.
3– Cour de cassation, 1re Civ., 14 mars 2018, req.n°17-13.223.

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