« Un voyage à Tiébélé », Pépite 2022 de l’AHSM

FacebookTwitterLinkedInEmail

Cette 4e édition des Pépites de l’Association Hospitalière Sainte-Marie (AHSM) a récompensé un projet pour son aspect tout à la fois novateur et concret, mais également sa capacité à pouvoir être essaimé dans d’autres structures de l’Association et au-delà ; un projet qui permet aux patients en souffrance, grâce à des séances de groupe autour d’une nouvelle écrite et mise en musique par deux infirmiers du CATTP de Montélimar, d’exprimer plus facilement leurs émotions et leur vécu douloureux.

Les Pépites de l'AHSM : quésaco ? 
Lancées en 2017 par l’Association Hospitalière Sainte-Marie, "les Pépites de l’AHSM" ont pour vocation de faire découvrir et de mettre en avant des projets internes novateurs en lien avec les savoir-faire et savoir être de l’Association. Ce concours interne part d’un constat simple : nombreux sont les professionnels de l’AHSM à s’engager dans des projets au sein de leur unité, de leur établissement. Pour autant, ces initiatives, qui répondent à un besoin identifié, restaient très souvent dans l’enceinte des structures, alors qu’elles pouvaient être autant de sources de réflexion et d’inspiration pour l’ensemble des établissements et professionnels. En 2022, pour cette 4e édition, 15 projets ont été déposés et 8 Pépites ont été sélectionnées par les membres du "Think Tank Recherche et Innovations" de l’AHSM pour être présentées devant un jury composé de professionnels de l’AHSM et de personnes extérieures, dont une représentante de la revue Santé mentale...

Un conte original philosophique à visée de médiation thérapeutique mais aussi de prévention

Au lendemain de la journée de la santé mentale en France, le 11 octobre dernier, suite à la délibération du jury, le lauréat des Pépites AHSM 2022 a donc été dévoilé. C’est ainsi que Annouk Quilichini et Colin Porras, infirmiers au CATTP de Montélimar (Etablissements Sainte-Marie Ardèche – Drôme) ont été récompensé pour leur projet « Un voyage à Tiébélé ». Ils nous racontent comment ce conte philosophique, outil de médiation thérapeutique, participe à encourager les patients qu’ils reçoivent, souvent très jeunes et en souffrance psychique (harcèlement scolaire, violences intrafamiliales, viol…) à « parler de leur histoire », dans un climat de confiance, en groupe et ainsi s’ouvrir progressivement au monde.

« Nous proposons aux patients qui le souhaitent de participer à onze séances, en groupe, autour d’une nouvelle écrite spécifiquement pour aborder les thèmes qui causent des souffrances dans leur vie. L’histoire se passe à Tiébélé, au Burkina Fasso où une famille française vient pendant quelques mois aider le village dans son projet d’inscription au patrimoine de l’Unesco. Le père est architecte, la mère sage-femme et les deux enfants, un garçon et une fille, adolescent. La nouvelle est écrite à la première personne et le narrateur est le garçon de la famille. Le premier temps de la séance est la lecture à voix haute d’un chapitre, enrichi d’une bande son pour une immersion réaliste. La lecture dure entre dix et vingt minutes et chaque chapitre, basé sur un personnage, permet d’aborder différents concepts (déménagement, travail, burnout, maladie mentale, regard des autres, entraide, amitié, harcèlement scolaire, addiction, solidarité, précarité, solitude, stigmatisation, identité, parentalité…). Le deuxième temps permet aux participants d’exprimer les émotions perçues et les concepts identifiés. Ils peuvent parler du personnage, donner leur avis sur l’histoire, se confier sur leur propre vécu. Ils sont également partie prenante pour faire évoluer l’histoire. Nous avons pu nous rendre compte que les patients qui ont suivi cette médiation avaient plus de facilités à aborder leurs affects lors d’entretiens individuels. Cela peut faire gagner du temps dans les parcours de soin et éviter que la souffrance gagne du terrain et isole « .

Extrait...
⎯	Nous arrivons bientôt au village ! dit mon père avec une voix enjouée.
⎯	Je vous demanderai de bien suivre les consignes de notre guide qui nous attend sur place. Il s’appelle Yacouba. Il va nous apprendre les coutumes, les règles de vie, la langue, bref tout ce qui sera nécessaire pour une bonne intégration dans la communauté, commença à expliquer mon père.
⎯	C’est une vraie chance que nous avons là ! Vivre une aventure pareille ne se présente pas 10 fois dans une vie, rajouta ma mère. 
⎯	Une fois sur place vos téléphones ne vous serviront plus car il n’y a pas de réseau. Ainsi que vos ordinateurs et vos consoles d’ailleurs, dit-il amusé. Profitez-en car nous n’aurons pas d’électricité pour les recharger…
J’essayais d’analyser toutes les informations qu’il nous avait donné en une seule phrase. Non seulement nous allions être coupés du monde, de nos amis, des réseaux sociaux, de nos jeux … Mais en plus notre maison n’avait pas l’électricité ! Qu’allais -je faire de mes journées ? Comptait-il me faire dormir à vingt heures avec le coucher du soleil ?! Si depuis le départ je n’étais pas du tout emballé à l’idée de partir, désormais j’étais en pétard contre mes parents ! Je me sentais trahi, manipulé, dupé… Qu’il ne compte pas sur moi pour faire le moindre effort. Ni avec ce fameux Yacouba, ni avec aucun des autres villageois ! Ma sœur était fidèle à elle-même. Dans son monde… La France, le Burkina, le monde en lui-même… cela faisait déjà deux ans qu’elle avait décrété que tout n’était que complot et capitalisation. Elle avait beau n’avoir que dix-sept ans, elle commençait quasi chacune de ses phrases par « avant les gens s’aimaient réellement », « avant on respectaient ses ainés », « avant on prenait soin de la planète ». Tu parles d’un soutien moral. Il fallait que je me fasse une raison. J’allais être définitivement seul dans un village paumé, sans rien à faire. Ma vie était parfaite ! 

Publier la nouvelle sous forme de livre audio…

Au travers de cette Pépite, l’objectif des deux soignants est de pouvoir publier cette nouvelle sous la forme d’un livre audio afin de le partager en tant qu’outil de médiation thérapeutique dans les autres services psychiatriques de l’AHSM mais aussi de le proposer dans les établissements scolaires comme un outil de prévention.

Écoutez Annouk Quilichini et Colin Porras, nous raconter leur projet

L’Association Hospitalière Sainte-Marie est présente dans 8 départements du quart Sud-Est de la France. Elle emploie plus de 5 600 professionnels et accueille plus de 50 200 patients et résidents au sein de 46 établissements. Son coeur de métier est la santé mentale, mais depuis les années 80, elle développe l’offre médico-sociale et sociale sur ses territoires afin d’apporter une réponse globale aux besoins des personnes qu’elle accompagne et soigne. Son siège social est à Chamalières.