05/01/2022

Scarifications : et si on s’occupait aussi des soignants ?

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Les scarifications à l’adolescence génèrent souvent des émotions exacerbés chez les personnes qui y sont confrontées, et les soignants n’y dérogent pas. Dans cette thèse de psychologie, A. Cascarino explore ce comportement et les réactions des professionnels, avant d’esquisser des pistes pour améliorer les soins à ces jeunes mais aussi mieux accompagner les soignants.

Dans un hôpital psychiatrique pour adolescents, une jeune fille vient de se scarifier pendant la nuit. Ce n’est pas la première fois qu’elle s’entaille la peau dans ce service, mais cette fois la blessure est suffisamment profonde pour nécessiter des points de suture. L’infirmière de garde présente, ne trouvant pas d’anesthésiant dans la pharmacie du service, annonce à la patiente avec colère « au moins comme ça, tu ne recommenceras pas » avant de suturer ses plaies sans anesthésie.

Un peu plus tard, cette infirmière s’effondre en pleurs. Elle revient s’excuser auprès de la patiente : elle ne sait pas pourquoi elle a réagi comme ça. Elle a eu peur. Elle a aussi eu mal dans sa propre chair en voyant la blessure et elle voulait à tout prix empêcher l’adolescente de recommencer.

D’après les statistiques récentes, environ 1 adolescent sur 6 s’est déjà scarifié. De nombreux professionnels ont essayé d’expliquer ce comportement. Mais il n’y a encore aucune étude sur les réactions des personnes confrontées aux scarifications, ni sur la prise en charge institutionnelle de ces pratiques. Pourtant, les parents et les soignants décrivent des émotions très fortes, de colère ou de culpabilité, pour peu qu’on prenne le temps de les écouter. La mère d’une patiente hospitalisée me dit ainsi en entretien avoir été « anéantie » par les scarifications de sa fille, tandis qu’un interne en psychiatrie ressent les entailles de ses patients « comme une blessure propre » qui lui est directement infligée. Et dans les différents services de psychiatrie pour adolescents où j’ai pu travailler, pas un jour ne passe sans qu’à un moment, même de manière fugace, ne soient évoquées les scarifications, passées, présentes ou anticipées, d’un patient.

Le but de cette thèse est double. En premier lieu, elle a pour vocation d’expliquer comment et pourquoi les scarifications peuvent générer des émotions exacerbées chez les personnes qui y sont confrontées. D’autre part, de proposer des solutions pour améliorer la prise en charge des personnes qui se scarifient, autant pour ces personnes que pour celles qui les accompagnent. Au niveau institutionnel, cette thèse donne notamment des solutions pour diminuer la prévalence des scarifications, sans pour autant tomber dans des logiques punitives qui risqueraient de majorer la souffrance psychique des patients.

• Regards croisés sur les scarifications adolescentes : une approche réflexive entre psychanalyse et sociologie. Adrien Cascarino. Thèse de doctorat en Psychologie. Psychanalyse. Dans le cadre de l’École doctorale Recherches en psychanalyse et psychopathologie de l’Université de Paris. Accessible en ligne.

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