Soins sous contrainte : évaluer la capacité à consentir

N° 261 - Octobre 2021
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L’appréciation du consentement aux soins se base notamment sur le fait que l’adhésion du patient doit être fiable et sans équivoque.

Début août, Mme Z., 68 ans, est admise en soins sous contrainte dans un établissement psychiatrique du département du Nord, à la demande de ses trois filles, sur la base d’un certificat rédigé par un médecin urgentiste. À la suite de la période d’observation de 72 heures, le directeur de l’établissement décide, le 4 août 2021, de son maintien en hospitalisation complète. Le 6 août, le juge des libertés et de la détention (JLD) constate la régularité de la procédure et confirme le maintien de la mesure. Cependant, Mme Z. fait appel de cette décision, arguant que les critères légaux qui permettent de justifier l’hospitalisation ne sont pas réunis, et notamment, qu’elle consent aux soins.

Un consentement instable

Rappelons que l’hospitalisation à la demande d’un tiers suppose deux conditions (1) :
– d’une part, que les troubles mentaux de l’intéressé « rendent impossible son consentement » (1) ;
– d’autre part, que son état mental nécessite des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante en milieu hospitalier.

C’est donc sur la première condition que portait ici la discussion. La patiente arguait qu’elle était apte à consentir aux soins, dès lors qu’elle avait notamment, devant le JLD saisi par l’établissement, accepté de suivre ses traitements, ce qui écartait la nécessité de recourir à la contrainte. C’est l’occasion pour le juge d’appel de rappeler la spécificité de l’appréciation du consentement aux soins en psychiatrie, en particulier le fait que l’adhésion du patient doit être fiable et sans équivoque : « Le consentement aux soins en droit de la santé, tel qu’il résulte notamment d’un avis émanant de la Haute Autorité de santé, s’entend d’une capacité à consentir dans la durée au traitement proposé » (2, 3). Or, les certificats médicaux circonstanciés versés au dossier faisaient ici apparaître le caractère instable du consentement de la patiente. Le juge précise que Mme Z. « n’a eu de cesse, au cours de la présente procédure, de nier ses troubles et de rappeler son opposition au traitement indispensable à la stabilisation de son état psychique (2). » Il rappelle par ailleurs que « cette quatrième hospitalisation prend place dans un contexte de rupture de traitement ayant mis la patiente en danger (isolement, perte de poids). Lors de l’audience d’appel, la patiente a persisté dans le déni de ses difficultés psychiques, tenant des propos persécutifs à l’encontre de son entourage familial et de l’institution médicale. Si elle a finalement indiqué qu’elle acceptait de prendre un traitement, c’est uniquement sous la contrainte, afin de pouvoir rentrer chez elle, expliquant ne pas en avoir besoin et décriant la multitude des effets nocifs que les médicaments prescrits sont supposés avoir sur elle ». Dès lors, « ces propos confirment la teneur de l’avis motivé établi pour l’audience d’appel, qui souligne la persistance d’un état délirant, persécuté et interprétatif, avec refus des soins [et] la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète demeure le seul cadre approprié à la situation » (2).

Des déclarations contradictoires

Il arrive en effet que le patient adhère aux soins en apparence seulement, par stratégie, mais sans être réellement convaincu de leur nécessité. Dans ce cas, les psychiatres peuvent estimer qu’il existe un risque sérieux de rupture dans la prise des traitements et qu’en conséquence, il est nécessaire de garder le patient sous surveillance. Si les certificats sont bien rédigés, motivant le choix de la mesure, le juge, en pratique, suivra l’avis des psychiatres. Dans une autre situation, la Cour de cassation a d’ailleurs rappelé que le JLD ne peut en aucun cas substituer sa propre appréciation à celle du certificateur ni dénaturer la teneur des avis médicaux (4). Il a également été jugé que « des déclarations ponctuelles faites le jour de l’audience devant le premier juge [d’un patient] ne [peuvent] suffire à contredire les observations effectuées par le corps médical tout au long de la prise en charge » (5).

Si certains patients font parfois illusion, tenant lors de l’audience un discours cohérent et raisonnable ne laissant apparaître aucun signe de la maladie, la capacité à consentir du malade relève pourtant de la compétence exclusive du psychiatre, bien que ce monopole soit aujourd’hui questionné. La marge de manœuvre du JLD et la portée de son contrôle sont donc particulièrement étroites, ce qui interroge sur l’utilité réelle de son intervention.

Paul Véron
Maître de conférences en droit privé, Université de Nantes,
Laboratoire droit et changement social

1– Art. L 3212-1 du Code de santé publique.
2– Cour d’appel de Douai, Chambre des Libertés Individuelles, 25 août 2021, n° 21/00079.
3– La HAS précise notamment que le certificat médical doit décrire, après examen clinique, la capacité ou non de la personne à consentir aux soins (Fiche mémo, Aide à la rédaction des certificats et avis médicaux dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement d’une personne majeure à l’issue de la période d’observation de 72 heures, 03/18, http://urlr.me/1rvVS).
4– C. Cass, 1re ch. civ., 27 septembre 2017, n° 16-22.544.
5– CA Rennes, 11 décembre 2014, n° 14/00419.

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