Mission PCH et handicap psychique : expérimentations annoncées

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Le 11 février 2020, lors de la conférence nationale du handicap, Emmanuel Macron s’était engagé pour une adaptation effective de la prestation de compensation du handicap (PCH) au handicap psychique et aux troubles du neuro-développement avec comme échéance mi-mai 2021. Il avait confié au Dr Denis Leguay, président de Santé mentale France, cette mission « réformatrice ». Ce dernier a rendu son rapport le 28 juillet dernier à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, qui a annoncé des « expérimentations » locales. 

PCH : de quoi s’agit-il ?
La prestation de compensation du handicap (PCH) est une aide financière versée par le département. Elle permet de rembourser les dépenses liées à la perte d'autonomie. La PCH comprend 5 formes d'aides (humaine, technique, aménagement du logement, transport, aide spécifique ou exceptionnelle, animalière). Son attribution dépend du degré d'autonomie de la personne, de son âge, de ses ressources et de sa résidence. Un adulte doit avoir moins de 60 ans pour demander la PCH. S’il est parent d’un enfant ou adolescent handicapé celui-ci doit avoir moins de 20 ans et l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) doit être perçue. 
La PCH est attribuée à vie si l’état de santé de la personne ne peut s'améliorer. Concernant « l’aide humaine », elle permet notamment de rémunérer un service d'aide à domicile, de dédommager un aidant familial (membre de la famille qui n'est pas salarié pour cette aide), ou de rémunérer un intervenant pour aider dans les actes quotidiens pour élever un enfant si la personne est en situation de handicap.  

De la nécessité de faire évoluer les textes réglementaires

Aujourd’hui, en effet, de nombreuses personnes en situation de handicap du fait d’altérations des fonctions mentales, cognitives, psychiques ne peuvent bénéficier de la prestation de compensation du handicap (PCH). Selon le Dr Leguay, « il apparaît essentiellement que des besoins d’aide humaine sont insuffisamment pris en compte. Ils sont identifiés dans les domaines de l’accompagnement à la vie quotidienne alors même que cet accompagnement (par des professionnels ou des proches) est déterminant pour accéder à une vie autonome et à l’inclusion. Les personnes affectées par ces troubles pourraient souvent vivre de manière autonome, mais le manque d’offre d’assistance, de guidance, de veille et de sollicitude leur interdit bien souvent de sortir des institutions sanitaires ou médico-sociales qui les hébergent, faute de réponses plus adaptées, sauf à revenir en famille chez leurs parents qui doivent alors en assurer la charge au quotidien ».

De fait, la mission avait deux objectifs :
– proposer des solutions visant à améliorer l’accès des personnes concernées par la PCH, et spécialement à son élément « Aides Humaines », des personnes présentant des troubles cognitifs, mentaux et psychiques ;
– proposer des adaptations des modalités de mise en œuvre de cette PCH pour mieux prendre en compte les besoins d’accompagnement de ces personnes en mettant à contribution l’ensemble des prestations et dispositifs existants.

Concrètement, le rapport Leguay propose, plutôt que sa « réécriture complète », une modification de l’annexe 2-5 du Code de l’action sociale et des familles (Casf), qui constitue le référentiel pour l’accès à la PCH. Pour pouvoir englober des personnes dont le déficit cognitif a un impact sur les activités quotidiennes, il préconise en premier lieu d’ajouter trois nouvelles activités à la liste des 19 critères d’éligibilité actuels. Il s’agit de : « prendre soin de sa santé », « d’effectuer les tâches uniques ou multiples de la vie quotidienne » et, enfin, « gérer le stress et son comportement, faire face à l’imprévu, à une crise, à la nouveauté ». Une modification devra également être introduite dans l’item « déplacements » afin de pouvoir disposer d’une aide humaine à l’extérieur du logement.

Il s’agit notamment d’intégrer la notion d’assistance comme une modalité nouvelle d’aide humaine (différente et complémentaire à la surveillance). Cette nouvelle section pourra être rédigée comme suit : « La notion d’assistance s’entend au sens de soutenir une personne handicapée pour l’apprentissage de l’autonomie et pour s’impliquer dans des situations de vie réelle, c’est-à-dire participer à la vie en société ».

Pour Denis Leguay, « ces propositions de modification de l’annexe 2-5 du CASF en matière d’accès aux droits à la compensation répondent à la nécessité de mettre à jour les textes de référence au regard des avancées de la recherche en matière de cognition. Elles soutiennent l’évolution des conceptions nouvelles du handicap ».

Une mission qui reste « imparfaite »…

Reste que selon le rapporteur, les questions demeurent nombreuses et « renvoient toutes à une politique globale, portée par des valeurs, et une perspective projective du système français de santé (cette dernière notion devant être entendue au sens de l’OMS). C’est de cette approche globale que se déduiront les réponses, à la condition que cette politique soit affirmée, défendue, développée dans ses traductions concrètes. Les ingrédients sont là. Ils doivent être énoncés sans relâche, exposés, car ils doivent nous guider ». Denis Leguay soutient, comme les associations concernées*, la demande d’une parution immédiate d’un décret d’adaptation du référentiel d’accès à la PCH.

A l’occasion du Comité interministériel du handicap (CIH), début juillet, Sophie Cluzel a annoncé qu’une « étude-action » sur l’accès de la PCH des personnes souffrant d’un handicap psychique, mental, cognitif ou TND devait être lancée incessamment dans les territoires, en lien avec les conseils départementaux.

De leur côté, les députés Les Républicains Aurélien Pradié (Lot) et Damien Abad (Ain) viennent de déposer une proposition de loi visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap. Ils reprennent notamment des mesures issues de la mission Leguay ou visant la déconjugalisation de l’AAH.

Un dossier à suivre avec attention et sur lequel nous ne manquerons pas de revenir.

*Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (Unapei), Autisme France et HyperSupers TDAH, par ailleurs membres du comité opérationnel de la mission PCH, elles ont cependant proposé en mai dernier leur propre rapport de propositions.

Rapport de Denis Leguay accessible ci-dessous