Des difficultés parfois « kafkaïennes » et une « déconnexion par rapport à la réalité de terrain »… A l’occasion de la journée sur les droits et libertés des patients organisée par l’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm), le 17 juin à Paris, François Courtot, directeur du CH de Rouffach, et délégué Grand Est de l’association a présenté les résultats (anonymisés) d’une enquête sur les conditions de mise en œuvre de la réforme encadrant l’isolement-contention en psychiatrie. Ils s’appuient sur les réponses de 48% des établissements adhérents à l’Adesm (soit 96 hôpitaux publics et privés non lucratifs). En voici les grands enseignements.
Parmi les répondants, 20% n’ont pas du tout mis en application le texte paru fin 2020. Sur les 80% des établissements l’ayant fait, 75% ne l’ont appliqué que partiellement et 22% «strictement». Ceux-ci remontent alors les nombreuses adaptations engagées, dans des organisations souvent insatisfaisantes ou insuffisantes.

Si globalement le principe de réduction des mesures coercitives fait consensus, l’état d’esprit du corps médical fait apparaitre une grande lassitude et du mécontentement. Beaucoup de répondants ont soulevé le «décalage entre l’objectif poursuivi qui est bon et la méthode pour l’atteindre», voire une règlementation «contreproductive», considérée parfois comme «une forme de punition ». Des directeurs ont évoqué une «démotivation des équipes», le sentiment d’un «discrédit, d’une défiance» vis-à-vis de la psychiatrie, la peur d’une «altération du lien de confiance avec les familles». De nombreuses remarques ont aussi porté sur le manque de moyens, notamment médicaux, avec la crainte d’un «exode des psychiatres vers le secteur libéral, sonnant le glas de la psychiatrie publique». Mais aussi sur l’inadaptation des locaux, le besoin de moyens pour des renforts et des formations… Par ailleurs divers risques ont été pointés : risques juridiques, par sur la rupture du secret médical dans l’information à donner aux familles, mais aussi risques pour la sécurité des patients et du personnel, lorsque le JLD prononce une mainlevée alors que la dangerosité d’un patient pour lui-même ou autrui existe toujours.

Si ces résultats font donc sans surprise apparaître de nombreuses difficultés, ils ont le grand mérite de les préciser et de objectiver et de faire émerger des propositions d’évolution (par ex. pour la formation des équipes à la désescalade de la violence et le développement de lieux d’apaisement). Notons par ailleurs que le cadre légal doit encore évoluer, puisque le Conseil constitutionnel a demandé au Gouvernement de rendre systématique le contrôle des mesures par le juge des libertés et de la détention (JLD), dès lors qu’elles ont dépassé les durées maximales autorisées.
Enquête Adesm sur les conditions de mise en oeuvre de la loi du 14 décembre 2020 sur l’isolement et la contention, Présentation des résultats, 17 juin 2021. Tous les chiffres et d’autres documents sur cette journée sont à retrouver sur le site www.adesm.fr/