Lutte contre la Covid-19 : renforcer le rôle des infirmières

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L’Ordre national des infirmiers (ONI) appelle dans un communiqué à renforcer le rôle des infirmiers pour lutter contre la Covid et propose ses mesures prioritaires

Santé Publique France recense environ 10 000 nouveaux cas de contamination au Covid19 chaque jour. Les hospitalisations et entrées en réanimation augmentent significativement dans de nombreux départements. Le gouvernement vient de prendre de nouvelles mesures restrictives pour limiter davantage la propagation du virus. Il est aujourd’hui clair que nous faisons face à une nouvelle phase de l’épidémie. Le marathon sanitaire continue.
Pour mieux faire face à la recrudescence des cas de Covid19, l’Ordre National des Infirmiers propose plusieurs mesures relatives à l’organisation de l’offre de soins et la mobilisation des 700 000 infirmiers de France.

Tests PCR, EHPAD, organisation des soins : des adaptations s’imposent
1- Faciliter l’accès aux tests PCR, notamment grâce aux infirmiers
Alors qu’il est de plus en plus difficile de réaliser un test PCR dès l’apparition des symptômes, les recommandations de priorisation énoncées par le gouvernement ne sont pas appliquées. Quatre types de profils sont censés être prioritaires pour se faire dépister : les personnes ayant une prescription médicale, les personnes symptomatiques, les personnes-contacts à risque, les professionnels de santé.
– Mobiliser les compétences cliniques des infirmiers pour mieux faire respecter les recommandations du gouvernement et désengorger les centres de dépistage.
– Comme le demande l’Ordre National des Infirmiers depuis le début de la crise, il est urgent que les infirmiers libéraux puissent prescrire et réaliser les tests pour libérer du temps au corps médical.

2- Vigilance accrue en EHPAD, notamment lors des visites, avec le concours d’infirmiers
Le lien social pour les résidents en EHPAD et en établissements médicaux-sociaux est essentiel. Pour éviter un reconfinement total de ces établissements, il convient d’en encadrer les visites.
Assurer une présence accrue d’infirmiers en EHPAD de jour comme de nuit pour renforcer la surveillance sanitaire des résidents.
– Mobiliser davantage les compétences cliniques des infirmiers pour assurer des visites en EHPAD dans des conditions sanitaires optimales : stricte limitation du nombre de visiteurs, identification des éventuels risques sanitaires présentés par les visiteurs, prévention sur les gestes d’hygiène et les gestes barrières…

3- Violences faites aux femmes, risques psychologiques, santé au travail et en milieu scolaire : appliquer les enseignements de la première vague.
– Ré-ouvrir et sécuriser les lits de réanimation qui avaient été ouverts lors de la première vague sur l’ensemble du territoire.
– Sur les violences faites aux femmes : s’appuyer sur les infirmières et les infirmiers libéraux, derniers professionnels à se rendre à domicile, pour déclencher une procédure d’aide et de soutien dans des centres infirmiers dédiés.
– Sécuriser les parcours des patients en psychiatrie pour qu’ils soient le moins impactés possible par une éventuelle réorganisation des soins.
– S’appuyer sur les infirmiers en psychiatrie pour les consultations infirmières sur les risques psychologiques relatifs à l’épidémie
.
– Permettre aux infirmiers en services de santé au travail de déclencher la téléconsultation de façon autonome et donner plus de pouvoirs contraignants à leurs recommandations dans le cadre du Covid.
– Continuer à s’appuyer sur les infirmiers scolaires pour former aux gestes barrières, à l’utilisation et au port du masque, à la compréhension par tous de la distanciation physique ; aider les enseignants dans cette éducation sanitaire auprès des élèves ; reconnaitre leur rôle de clinicien pour repérer les signes cliniques de contamination.

4- Une gouvernance sanitaire à l’écoute des professionnels de santé
Les infirmiers interviennent au plus près des patients : leur analyse de la situation sur le terrain et leur connaissance des problématiques rencontrées par les patients sont nécessaires à la prise de décision.
– Intégrer les Ordres des professions de santé et leurs entités régionales dans les différentes gouvernances des instances décisionnelles du système de santé impliquées dans la lutte contre le Covid, et notamment celles pilotées par les Agences Régionales de Santé (ARS).

Assurer la continuité des soins, pour tous
Nous l’avons constaté au printemps dernier : l’épidémie de Covid19 a éloigné de nombreux français de notre système de santé, soit par peur d’être contaminés, soit parce que les établissements de santé étaient saturés. Nous devons éviter à tout prix de revivre cette situation dans laquelle de nombreux patients, notamment ceux atteints de maladies chroniques, n’ont pas accès aux soins.

5- Instaurer des prises en charge dédiées aux patients non Covid
– Etablir des filières séparées Covid et non Covid (aussi bien en ville qu’en établissement de santé), dès lors que le département se situe en vigilance élevée, pour éviter au maximum les déprogrammations de soins.
– Sécuriser les prises en charge des patients chroniques et/ou souffrant de handicap (aussi bien en ville qu’en établissement de santé) afin d’éviter les déprogrammations de consultation ou d’intervention.

6- Faciliter l’action des infirmiers, acteurs de la continuité des soins
Les textes qui encadrent l’exercice de la profession n’ont pas évolué depuis 2004 (décret 2004-802 du 29 juillet 2004), en dépit de nombreuses réformes du système de santé. Dans un contexte où la continuité des soins et la qualité de la prise en charge des patients sont encore plus menacés qu’en temps normal, il est indispensable de faire évoluer la profession infirmière vers plus d’autonomie. Cela passe notamment par :
– Reconnaître davantage le rôle de premier recours des infirmiers en élargissant le champ de la consultation infirmière dans le parcours de soins, comme souhaité par 92% des infirmiers*.
– Libérer un certain nombre d’actes réalisés par des infirmiers du préalable trop contraignant de la prescription médicale, comme les vaccins, ou le télésoin (consultation infirmière à distance). 92% des infirmiers sont favorables à une permission de pratiquer tous les actes qui ne nécessitent pas de diagnostic (comme les vaccins) et 73% estiment que « la prescription médicale rend parfois difficile l’accès aux soins ». Pour éviter le recul vaccinal infantile, permettre aux infirmiers puériculteur en PMI de vacciner sans prescription médicale.

Prévenir et éviter l’épuisement professionnel :
Les infirmier(e)s, 1ère profession de santé en France par le nombre, s’apprêtent (de nouveau) à s’investir encore plus dans les semaines à venir. La lutte contre le Covid sera longue et les conditions de travail des soignants sont parfois très difficiles. Au mois de juin dernier, seuls 42% des infirmiers affirmaient qu’ils « choisiraient à nouveau ce métier » s’ils avaient la possibilité d’en changer.

7- Prendre en compte le risque d’épuisement professionnel d’un maillon central de notre système de santé
– Respecter les temps de repos et de congés des soignants.
– Mettre en place des lieux d’écoute dédiés au risque d’épuisement professionnel.
– Appliquer systématiquement la mise à l’isolement de tous les soignants testés positifs.
– Tout infirmier contaminé par le Covid doit être reconnu comme ayant contracté une maladie professionnelle, sans distinction de gravité.
– Conditionner les autorisations sanitaires exceptionnelles (comme les ouvertures de lits supplémentaires) à des augmentations d’effectifs.

« Alors que le virus progresse rapidement et qu’il est difficile de prévoir son évolution pour les prochaines semaines, nous devons nous préparer et mettre en oeuvre une stratégie de prévention. Les infirmiers peuvent être un maillon essentiel de cette stratégie, qu’il s’agisse de fluidifier l’accès aux tests, de limiter les risques de contamination, par exemple en Ehpad, ou de garantir la continuité des soins pour tous les patients. Ces propositions n’auront d’autant plus d’efficacité qu’avec le respect strict des gestes barrières. »
Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers.

*L’Ordre National des Infirmiers a mené 3 consultations successives entre avril et juin 2020 – consultations auxquelles 60 000 à 71 000 infirmiers ont répondu.