Troisième réforme des mesures d’isolement-contention

N° 265 - Février 2022
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De nouvelles dispositions renforcent les droits des patients, en instituant une saisine obligatoire du juge avant 72 heures d’isolement ou 48 heures de contention.

L’article 17 de la loi du 22 janvier 2022 (1) réforme pour la troisième fois l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique. Son contenu est une reprise pure et simple de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui avait été censuré comme « cavalier législatif » (2) par le Conseil constitutionnel (3). 

Cet argument du cavalier n’a pas été soulevé cette fois (il aurait sans doute pu l’être, au regard du contenu très hétérogène du nouveau texte, principalement dédié au pass vaccinal), sans doute pour éviter une trop forte insécurité juridique. Rappelons en effet que le Conseil constitutionnel avait déjà censuré à deux reprises l’article L. 3222-5-1 (4) et donné au législateur jusqu’au 31 décembre 2021 pour le consolider. Le caractère privatif de liberté des mesures d’isolement et de contention exige que l’autorité judiciaire intervienne systématiquement à bref délai pour en contrôler la légalité.

Ce qui change en pratique

Les conditions du recours à l’isolement ou à la contention demeurent globalement inchangées. Les mesures ne peuvent être prises que sur décision motivée d’un psychiatre, pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque, après évaluation. Une surveillance stricte du patient doit être assurée, outre l’exigence de traçabilité de chaque mesure dans un registre spécial. Les changements concernent surtout les modalités de contrôle juridictionnel.

• La loi prévoyait jusqu’ici une simple information obligatoire du juge des libertés et de la détention (JLD) à bref délai en cas de renouvellement « exceptionnel » au-delà de 48 heures pour l’isolement et 24 heures pour la contention. Cette information obligatoire du juge au-delà de la durée légale est maintenue, mais elle incombe désormais au directeur de l’établissement accueillant le malade et non plus – comme dans l’ancienne version du texte – au psychiatre ayant décidé de la mesure.

Le JLD dûment informé peut alors, à ce stade, s’autosaisir afin de contrôler que le prolongement se justifie au regard des critères légaux. En théorie, le juge devrait vérifier que la motivation de la décision du psychiatre traduit l’existence d’un danger grave et imminent et la nécessité de recourir à l’isolement et la contention. En pratique toutefois, on conçoit la difficulté d’un juge à contrôler ces conditions de fond, intimement liées à une évaluation médicale des risques. Si la décision apparaît bien motivée, le magistrat suivra. L’obligation d’informer « au moins un membre de la famille ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient » pèse quant à elle sur le médecin.

• La principale nouveauté réside dans la saisine obligatoire du JLD par le directeur de l’établissement psychiatrique à l’issue d’un délai de 72 heures pour l’isolement et 48 heures pour la contention, sous peine de mainlevée. Le JLD statue dans un délai de 24 heures à compter du terme des durées prévues pour sa saisine. Deux hypothèses se présentent alors.

– Dans la première, le juge relève que la poursuite de l’isolement ou de la contention du malade ne se justifie plus au regard des conditions posées à l’article L. 3222-5-1, I et ordonne la mainlevée. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures à compter de cette mainlevée, sauf en cas de « survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui ». Le JLD doit alors être informé sans délai par le directeur et peut se saisir. d’office.

– Dans la seconde hypothèse, le juge autorise la poursuite de la mesure, qui peut alors être renouvelée aux conditions légales. Toutefois, lorsque le juge a déjà été amené à statuer deux fois pour « valider » le maintien à l’isolement et qu’un nouveau renouvellement apparaît nécessaire, il doit cette fois être saisi avant l’expiration d’un délai de 6 jours après sa dernière décision.

Une incitation toujours renforcée

L’intérêt de ce dispositif particulièrement complexe réside surtout dans sa dimension dissuasive. Il s’agit d’inciter les psychiatres et les équipes soignantes à une diminution très forte du nombre et de la durée des mesures d’isolement et de contention, et à la recherche d’alternatives moins contraignantes pour les patients.

Éric Péchillon*, Paul Véron**
*Professeur de droit public,
Université Bretagne Sud, Lab-Lex (EA 7480),
** Maître de conférences à l’université de Nantes,
Laboratoire Droit et changement social (UMR 6297)

1– Loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.
2– Expression qui qualifie un article de loi qui glisse subrepticement des dispositions n’ayant rien à voir avec le sujet traité par le projet de loi.
3– Cons. const., 16 décembre 2021, n° 2021-832 DC.
4– Cons. const., 19 juin 2020, n° 2020-844 QPC ; 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 QPC.

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