Un évènement de santé peut-il modifier la consommation de tabac ?

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Les fumeurs subissant un accident ayant nécessité des soins médicaux (cancer, maladie cardio-vasculaire…) réduisent davantage leur consommation de tabac que les autres. De plus, cette baisse perdure jusqu’à cinq ans après l’occurrence de l’accident.

Le tabagisme est à l’origine de près de 75 000 décès en France en 2015, tuant ainsi un fumeur régulier sur deux. Il est également responsable de 90 % des cancers du poumon, augmente le risque de développer une forme grave de pathologie cardio-vasculaire et de contracter une broncho-pneumopathie chronique obstructive (Bonaldi et al., 2019).

Pour réduire l’incidence de ces maladies, différentes campagnes de lutte anti-tabac ont contribué à diminuer la consommation moyenne de tabac au cours des dernières années. Toutefois, certaines catégories de la population, notamment les bas revenus et les personnes inactives, sont encore peu enclines à changer significativement et durablement leur comportement tabagique (Beck et al., 2015). Ceci est, en partie, dû à la nicotine (un puissant alcaloïde) contenue dans le tabac.

Dans ce contexte, il importe alors de mieux comprendre quels facteurs peuvent contribuer à modifier la consommation de tabac. Pour ce faire, nous testons l’hypothèse selon laquelle un accident ayant nécessité des soins médicaux (cancer, maladie cardio-vasculaire…) agirait comme une prise de conscience de l’individu le subissant sur son propre risque de mortalité. L’accident pourrait alors être considéré comme un élément déclencheur pouvant induire une modification d’un comportement à risque pour la santé. Il pourrait provoquer une hausse (en réaction à un stress post-traumatique) ou une baisse (pour éviter une autre dégradation de l’état de santé) de la consommation de tabac.

En utilisant des données longitudinales issues de la cohorte Gazel, nos résultats indiquent que les fumeurs subissant un tel accident réduisent davantage leur consommation de tabac que les autres. De plus, cette baisse perdure jusqu’à cinq ans après l’occurrence de l’accident. Nous montrons également que les gros fumeurs réduisent davantage leur consommation de tabac que les petits fumeurs.

A retenir pour la prévention…

Les résultats de cette étude suggèrent l’importance de choisir le moment opportun pour délivrer un message de prévention. En effet, il est possible que le fumeur soit plus réceptif aux campagnes de prévention dans la période ayant suivi l’accident, notamment au décours des soins prodigués à la suite de cet accident. De plus, nous montrons une baisse durable (pendant cinq ans) de la consommation de tabac, durée nettement plus importante que la durée moyenne (2,4 mois) des tentatives d’arrêt ou de diminution observée dans la littérature (Segan, Borland et Greenwood, 2006 ; Herd, Borland et Hyland, 2009).

Ainsi, de futures analyses pourraient tester si des interventions de type « storytelling » (un patient raconte son histoire à d’autres personnes) permettraient d’impacter les comportements de santé. L’expérience et la perception du traumatisme racontées avec les mots des patients auront peut être plus d’efficacité – car ils sont plus personnels – que les campagnes d’information générales. Enfin, des analyses adjacentes pourraient être menées dans le contexte actuel de la Covid-19. Ses conséquences sanitaires et économiques pourraient en effet laisser craindre une augmentation de la consommation de tabac, comme cela a déjà été montré pour
d’autres crises économiques et sociales (Gallus, Ghislandi, Muttarak, 2015).

La survenue d’un évènement de santé peut-elle modifier la consommation de tabac ?, A. Marsaudon, L. Rochaix, IRDES n° 257 – Avril 2021