Covid-19 : il faut un programme national de développement d’antiviraux

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Dans un avis commun daté du 14 avril 2021 et intitulé « Rôle essentiel de la chimie thérapeutique dans le traitement des maladies virales », les académies nationales de pharmacie et des sciences tirent un bilan décevant de la recherche française dans la lutte contre la maladie Covid-19 et pointent l’absence d’antiviraux chimiques développés contre le Sars-Cov-2 en raison « de la faiblesse des recherche fondamentales et industriels » dans ce domaine.

« L’arsenal thérapeutique pour endiguer les épidémies virales est basé sur deux piliers : la vaccination et les médicaments antiviraux. Selon la nature des virus, une des deux approches peut s’avérer inefficace. C’est le cas du sida, maladie pour laquelle aucun vaccin efficace n’a pu être mis au point à ce jour et dont le contrôle dépend actuellement d’une vingtaine de médicaments chimiques, des « petites molécules » capables d’inhiber le fonctionnement d’enzymes virales. De tels inhibiteurs sont également très efficaces dans le traitement de l’hépatite C.
À ce jour, force est de constater l’absence d’antiviraux chimiques contre le SRAS-CoV-2. Cela résulte de la faiblesse des recherches fondamentales et industrielles dans ce domaine. La mise au point rapide de vaccins efficaces contre le SRAS-CoV-2 nous donne, en revanche, l’espoir de sortir de cette pandémie, en particulier grâce aux nouveaux vaccins à ARNm. La conception et la production de cette nouvelle classe de vaccins découlent de la convergence fructueuse entre la biologie moléculaire/cellulaire et la chimie thérapeutique. Ce tour de force a pu être réalisé grâce à l’utilisation d’enzymes pour la synthèse d’acides nucléiques à partir d’entités chimiques élémentaires et des connaissances physico-chimiques de pointe. Des nanovecteurs lipidiques permettent d’encapsuler l’ARNm instable et d’en assurer sa délivrance cytoplasmique. Sans l’apport de ces domaines scientifiques réunis et plus particulièrement de la chimie thérapeutique, ces vaccins n’auraient pas vu le jour.
La pandémie virale que nous subissons est là pour nous rappeler combien il est important de développer au même niveau les recherches sur les antiviraux et sur les vaccins. Ceci implique des efforts financiers qui pouvaient être considérés comme coûteux avant la pandémie, mais dont les montants sont dérisoires au regard des coûts humains et économiques de la crise sanitaire que nous subissons depuis plus d’un an.

Cette crise sanitaire a montré que la France accuse un retard dans la mise au point des vaccins et nous devons nous interroger sur les raisons de cette situation. Concernant les médicaments, alors que notre pays a été pendant longtemps une terre de création de médicaments, il n’a pas été à l’origine d’un seul médicament pour traiter le sida, faute d’un soutien dans le domaine des antiviraux. C’est d’autant plus dommage quand l’on sait que, chaque année, près des deux tiers des nouveaux médicaments sont d’origine chimique et fournissent l’essentiel des traitements des maladies communes.
Le pays de Pasteur, dont il est intéressant de se souvenir qu’il était chimiste, aurait-il perdu la main dans la conception de vaccins et de médicaments chimiques ? Pour assurer le continuum entre recherche fondamentale et innovation thérapeutique, il est indispensable de mettre en place un vaste programme national de conception et de développement d’agents chimiques antiviraux en soutien aux chercheurs des disciplines moléculaires.
Il est essentiel de faire confiance aux chercheurs, aux pharmaciens et aux médecins de talents en évitant de les asphyxier par des taches inutiles. Faute de donner espoir à nos jeunes talents, ceux-ci seront prêts à se tourner vers les pays qui innovent. Ils ne sont pas loin, plusieurs pays européens viennent d’en faire la démonstration ».