L’obligation d’inscription au tableau de l’Ordre infirmier

N° 236 - Mars 2019
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Faute d’inscription volontaire à son ordre professionnel, l’infirmier exerce illégalement sa profession et peut en subir les conséquences.

La profession d’infirmier fait partie de la longue liste des professions dites « réglementées », c’est-à-dire qu’un certain nombre de conditions obligatoires sont nécessaires pour l’exercer. Pour réglementer l’accès et l’exercice d’une profession, le législateur dispose de quatre voies juridiques : l’agrément, l’habilitation, la certification et, enfin, la constitution en ordre professionnel, qui est la forme la plus aboutie de gouvernance d’une activité. Ces ordres sont des organismes professionnels, de nature corporatiste, institués pour assurer la représentation de la profession, participer à son organisation et en assurer la régulation, activités relevant d’une mission de service public.
En 2006 (1), la création de l’Ordre national des infirmiers (ONI) a donc bouleversé les conditions d’exercice de la profession. Auparavant, il suffisait à l’Infirmier diplômé d’État (IDE) de s’enregistrer auprès des services publics compétents. Désormais, l’autorisation d’exercice est soumise à une double condition par le Code de la santé publique (2) : l’enregistrement du professionnel au fichier Adeli (3), qui permet d’établir d’une liste départementale accessible au public, et l’inscription au tableau de l’Ordre infirmier. Cette dernière est prononcée par le Conseil départemental de l’ordre (CDOI) et donne obligatoirement lieu au versement d’une cotisation annuelle (30 euros exercice salarié, 75 euros exercice mixte ou libéral).
À défaut de remplir ces deux conditions cumulatives, l’exercice de la profession est illégal. L’inscription à l’Ordre n’est donc pas une simple faculté mais une véritable obligation, quel que soit le mode d’exercice (salarié du public ou du privé, libéral, cadre formateur, cadre de santé infirmier, directeur de soins infirmiers, infirmier de santé au travail, infirmier scolaire…).

Une procédure de régularisation

Au 31 décembre 2018, seuls 280856 professionnels sont inscrits au tableau (4) sur un effectif d’environ 680000 (5).
En 2018, un décret (6) a fixé une procédure particulière pour permettre à des infirmiers salariés déjà en exercice au moment de la constitution de l’Ordre de régulariser leur situation. Le texte fixe que l’employeur, public ou privé, doit déposer la liste des infirmiers qu’il emploie sur un portail sécurisé du Conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI). Il informe son personnel de cet envoi. À réception, le CDOI s’assure que tous les professionnels mentionnés sont effectivement inscrits au tableau. Le cas échéant, il transmet en retour à l’employeur la liste des professionnels non-inscrits et procède à leur inscription provisoire pour 4 mois. Parallèlement, le CDOI informe individuellement les professionnels concernés de leur obligation d’inscription, qui doit relever d’une démarche volontaire engagée dans les 4 mois. Passé ce délai, l’infirmier non-inscrit exerce sa profession illégalement. L’Ordre en avertit alors l’employeur, qui devra immédiatement en tirer les conséquences.

Régulation et contrôle

Avant de procéder à l’inscription, le CDOI s’assure que les conditions de compétences, de capacité et de moralité nécessaires à l’exercice sont bien remplies. Il vérifie ainsi :
– la réalité des titres et des diplômes d’accès à la profession (7);
– l’absence de condamnations pénales incompatibles ;
– l’absence d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer la profession en France ou à l’étranger;
– l’indépendance professionnelle de l’intéressé; – la bonne maîtrise de la langue et du système des poids et mesures;
– l’absence de pathologie rendant l’exercice dangereux.
Il s’agit là d’une tâche essentielle que l’État confie à l’Ordre au titre de ces missions de service public, dont les enjeux ne doivent pas être négligés. Parmi les rares cas de jurisprudence, citons celui, exceptionnel, d’une infirmière à laquelle l’Ordre avait refusé l’inscription au tableau et, partant le droit d’exercer sa profession. Saisi de cette décision administrative, le Conseil d’État avait constaté que l’intéressée s’était rendue coupable « alors qu’elle exerçait la profession d’institutrice, d’actes de violence à l’encontre de six mineurs, faits pour lesquels elle [avait] été condamnée […] à dix-huit mois de prison avec sursis assortis d’une interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs ». Plus tard, elle avait également fait l’objet d’un signalement auprès des autorités sanitaires pour des actes de maltraitance envers une pensionnaire d’un Ehpad où elle effectuait une mission de travail temporaire. L’Ordre était donc légitime à invoquer un défaut de « garanties de moralité. » (8).

Éric Péchillon, Professeur des universités, Stéphanie Renard, Maître de conférences HDR, Université Bretagne Sud

1– Loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006 portant création d’un ordre national des infirmiers.
2– Article L. 4311-15 du Code de la santé publique.
3– Automatisation DEs Listes départementales
4– Voir www.ordre-infirmiers.fr/la-profession-infirmiere/annuaire.html
5– D’après les chiffres de la DREES, www.data.drees.sante.gouv.fr/TableViewer/tableView. aspx?ReportId=3704
6– Décret n° 2018-596 du 10 juillet 2018 codifié aux articles D. 4311-52-2 et s. du CSP. 7– Art. L. 4311-2 et L. 4311-3 du CSP. 8– CE, 6 mars 2013, Mme A., n° 349582.