Soins sous contrainte : un rédacteur « neutre » pour le certificat médical initial

Hors-série - Août 2017
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Cette jurisprudence met en évidence l’importance de la neutralité de l’auteur du certificat initial de soins sous contrainte et distingue « psychiatre » et « médecin » exerçant dans l’établissement d’accueil.

Garantir les droits du patient tout en permettant à la puissance publique d’agir efficacement est le principe qui a guidé le législateur dans la réforme des soins sans consentement. Dans ce contexte, le certificat initial constitue une pièce essentielle, qui permet à l’autorité administrative (préfet ou directeur de l’établissement de santé) d’enclencher la procédure (1). Ce document doit notamment être fourni au juge des libertés et de la détention (JLD), pour qu’il contrôle le bien-fondé de la mesure.

Une mainlevée contestée

 En juin 2017, la Cour de cassation de Versailles a en quelque sorte rappelé ce principe, en précisant le sens exact des termes du législateur sur ce certificat (2). Certaines juridictions avaient en effet tendance à faire une lecture extensive d’une procédure pourtant déjà particulièrement difficile à mettre en œuvre par les acteurs de terrain, et de ce fait, à prononcer des mainlevées.
Dans cette affaire, le préfet avait pris un arrêté individuel d’hospitalisation sous contrainte en se fondant sur un certificat médical circonstancié décrivant l’état de santé de la personne et la nécessité des soins. Comme cela arrive parfois (3), ce certificat initial avait été rédigé par un médecin non-psychiatre exerçant dans l’établissement hospitalier d’accueil. Lors de leur contrôle de légalité de la mesure, les juges du fond (4) (5) ont prononcé la mainlevée, dans la mesure où l’article L. 3213-1 du code la santé « impose une garantie de neutralité résultant de la nécessité d’une évaluation médicale pratiquée par un médecin extérieur, indépendant de l’établissement d’accueil ». Rappelons que cet article dispose aussi que « le représentant de l’État dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ». Les juges versaillais en ont déduit que le certificat ne pouvait provenir d’un « médecin [non-psychiatre] exerçant dans l’établissement ». Selon eux, l’intention du législateur était de garantir au maximum la neutralité du médecin certificateur et d’éviter que celui-ci ne soit « juge et partie ».

Ne pas ajouter une condition à la loi !

Fort logiquement, le procureur général auprès de la cour d’appel de Versailles a formé un pourvoi en cassation pour cette dernière se prononce sur cette interprétation de la loi. La Cour de cassation considère « qu’en statuant ainsi alors que, s’il ne peut émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, le certificat initial préalable à l’arrêté du représentant de l’État dans le département peut être établi par un médecin non-psychiatre de cet établissement ou par un médecin extérieur à celui-ci, qu’il soit ou non psychiatre, le premier président [de la cour d’appel], qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé ».
Cette position de la Cour de cassation est parfaitement justifiée et respecte l’intention du législateur qui en fonction des procédures n’a pas les mêmes exigences. En effet, en matière de soins à la demande d’un tiers, l’article L. 3212-1-II 1° et 2° du code de la santé publique ne permet pas au directeur d’admettre un patient sur la base d’un certificat rédigé par un « médecin exerçant dans l’établissement d’accueil » afin d’éviter que l’autorité administrative et le médecin certificateur n’appartiennent à la même personne morale et qu’un lien juridique existe entre le directeur et le soignant. En matière de soins à la demande d’un représentant de l’État, la problématique est légèrement différente puisque le préfet (État) et le médecin (Établissement de santé) relèvent de deux personnes morales différentes et qu’aucun lien de subordination n’existe entre eux. Dans cette situation, le législateur empêche simplement que celui qui rédige le certificat initial ne soit un psychiatre de l’établissement d’accueil car celui-ci pourrait par la suite être chargé du suivi du patient. Cette jurisprudence présente en plus l’avantage de s’aligner sur la position du Conseil d’État qui, par le passé, avait tenu le même raisonnement (6). À défaut de modifier la loi, la jurisprudence est donc désormais posée sur ce point et la Cour de cassation rappelle aux juges du fond qu’il ne relève pas de leur compétence de « réécrire ou compléter » les textes mais uniquement d’en assurer le respect. On ne saurait donc qu’encourager certains établissements ou préfectures à saisir la Cour de cassation lorsqu’ils estiment que l’interprétation retenue par les juges du fond est discutable. Il est toujours préférable de pouvoir s’appuyer sur une jurisprudence claire.

Éric Péchillon, Professeur à l’Université Bretagne Sud

1- Article L. 3211-2-2 du code de la santé publique
2– Cour de cassation, 1re chambre civile, 15 juin 2017, pourvoi n° 17-50.006, procureur général près la cour d’appel de Versailles c/préfet des Yvelines, et a.
3– En particulier lorsque le service des urgences fait partie du même établissement de santé que le service des soins psychiatriques.
4– Les juges du fond sont les magistrats ou les tribunaux qui disent et jugent les faits et le droit (tribunaux et cour d’appel). Au-dessus de ces juridictions du fond, se situent les juges du droit (ici la Cour de cassation), dont le rôle n’est pas d’examiner de nouveau les éléments de fait du litige (les éléments de fond) mais de vérifier si la solution rendue par les juges du fond (jugement ou arrêt) est bien conforme aux règles de droit.
5– Cour d’appel de Versailles, 9 décembre 2016
6– Conseil d’État, 9 juin 2010, n° 321506.

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