Un patient peut-il choisir son traitement?

N° 221 - Octobre 2017
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A aucun moment, il n’est possible pour un patient de choisir seul son traitement, y compris en psychiatrie. Lorsqu’un patient « sollicite » la possibilité d’aller en chambre d’isolement, ce placement doit systématiquement être validé par le psychiatre qui devra vérifier le bien-fondé, l’opportunité et les effets d’une telle demande.

Une ordonnance récente du Conseil d’État traite de la liberté de choix que le droit accorde à un patient dans la détermination du traitement qu’il souhaite suivre (1). Si les faits ne concernent pas la psychiatrie, le raisonnement du juge est néanmoins parfaitement transposable.
Dans cette affaire, les parents d’un enfant mineur ont saisi la juridiction administrative pour qu’elle enjoigne sans délai au CHU de procéder à un « traitement par chimiothérapie à visée curative » au profit de leur fils. Ils considéraient que ce traitement était le plus adapté à leur enfant et que le refus de l’hôpital de faire droit à leur demande portait une atteinte grave, et manifestement illégale, au respect de la vie garantie par les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et au consentement aux soins dont dispose chaque patient.

Proposé au patient mais prescrit par le soignant

Pour traiter une telle demande, le juge a procédé à une lecture précise des dispositions générales des articles L. 1110-5 (2) et L. 1111-4 (3) du Code de la santé publique prévues pour permettre à un patient de refuser, en toute connaissance de cause, un soin que lui proposerait un professionnel de santé. Comme le rappelle le Conseil d’État, « il résulte de ces dispositions que toute personne a le droit de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé sous réserve de son consentement libre et éclairé. En revanche, ces mêmes dispositions ni aucune autre ne consacrent, au profit du patient, un droit de choisir son traitement ». Le juge est donc parfaitement clair sur le contenu de ces deux articles en rappelant que l’acte de soins est, sauf urgence ou dispositif législatif particulier, proposé au patient mais prescrit par le professionnel de santé. Il précise qu’« il résulte de l’instruction que le litige porté devant le juge des référés ne concerne pas la suspension d’un traitement ou le refus d’en entreprendre un au sens de l’article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique mais le choix d’administrer un traitement plutôt qu’un autre, au vu du bilan qu’il appartient aux médecins d’effectuer en tenant compte, d’une part, des risques encourus et, d’autre part, du bénéfice escompté ». La fonction du juge des référés se limite à vérifier qu’un traitement correspondant à l’état du patient a bien été proposé et que cette proposition s’appuie sur une analyse précise de la situation du patient.

Le cas de la chambre d’isolement

 Les conséquences de cette ordonnance du Conseil d’État sont importantes pour les services de psychiatrie. Outre le fait qu’elle rappelle l’obligation de proposer un soin adapté à l’état du patient, elle insiste sur le fait que chaque acte de soins est le résultat d’une décision individuelle prise par le professionnel de santé. À aucun moment, il ne sera possible pour un patient de choisir seul son traitement. On renverra sur ce point à une précédente Un patient peut-il choisir son traitement ? À aucun moment, il n’est possible pour un patient de choisir seul son traitement, y compris en psychiatrie. Lorsqu’un patient « sollicite » la possibilité d’aller en chambre d’isolement, ce placement doit systématiquement être validé par le psychiatre qui devra vérifier le bien-fondé, l’opportunité et les effets d’une telle demande. affaire (4) qui questionnait sur la « codécision » entre le soignant et le patient. En pratique, un patient peut émettre un souhait concernant son traitement, mais c’est toujours le médecin qui décide de son opportunité. Le soin ainsi proposé devra alors être accepté par le patient correctement informé.
On pense en particulier à la problématique du placement en chambre d’isolement qui ne peut donc résulter de la seule volonté du patient. En effet, lorsqu’un patient « sollicite » la possibilité d’aller en chambre d’isolement, ce placement doit systématiquement être validé par le psychiatre qui devra vérifier le bien-fondé, l’opportunité et les effets d’une telle demande. On peut donc admettre le principe qu’un patient « consente » à être isolé (voire « contentionné »), mais juridiquement cette décision sera toujours celle du psychiatre. Dans ses recommandations de bonne pratique, la Haute Autorité de santé rappelle d’ailleurs que, compte tenu de sa spécificité, le recours à la chambre d’isolement ou à la contention mécanique (5) sera réservé aux patients administrativement admis sous contrainte. Il est donc important lorsqu’on en use pour un patient en soins libres de s’interroger sur la réalité de son consentement et la nécessité de modifier très rapidement son statut administratif en avertissant le directeur d’établissement et en inscrivant cette décision dans un registre administratif (6).

Éric Péchillon, Professeur de droit public, Université Bretagne Sud

1– CE ord. du 26 juillet 2017, n° 412618, X contre CHU de Montpellier.
2– Art. L. 1110-5 : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. »
3– Art. L. 1111-4 : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. (…) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »
4– « Un établissement condamné après le suicide d’un patient » Santé mentale, avril 2017 : TA Rennes, 16 mars 201, req. 1404240 : L’une des questions posées par cette affaire était en effet de savoir si indirectement le patient pouvait choisir son traitement.
5– Recommandations HAS, février 2017.
6– Article L. 3222-5-1 alinéa 2

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