71 000 patients hospitalisés sans consentement en 2010

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Combien et qui sont les patients hospitalisés sans leur consentement en psychiatrie en France en 2010 ? L’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) réalise un premier état des lieux de l’hospitalisation sans consentement, s’appuyant sur les données récemment disponibles du Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (Rim-P). Il s’agit tout d’abord de réaliser « une photographie des personnes hospitalisées sans leur consentement en psychiatrie et de la diversité de leurs prises en charge et trajectoires de soins en 2010 ». Ces chiffres sont également très précieux pour suivre, à terme, les effets de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sous contrainte en psychiatrie.

LE PROFIL DES PATIENTS
– En 2010, plus de 71 000 patients ont été hospitalisés sans leur consentement (HSC), dont 80 % à la demande d’un tiers (HDT) soit près de 57 000 patients, et 20 % en hospitalisation d’office (HO) soit près de 15 000 patients. Des procédures d’urgence existent, autorisant en HDT le recours à un seul certificat médical au lieu de deux, ou pour les HO autorisant le maire à mettre en place une telle mesure. Ces procédures ont fortement augmenté puisqu’elles concernent la moitié des HDT en 2009 contre 30 % en 1997 (Coldefy, 2007). Au-delà des mesures d’HO et d’HDT, l’Irdes comptabilise 1 300 détenus ayant fait l’objet d’une hospitalisation psychiatrique, moins de 400 patients jugés pénalement irresponsables, et 100 mineurs ayant fait l’objet d’une ordonnance provisoire de placement.
– Les patients hospitalisés sans leur consentement sont pris en charge, dans leur très grande majorité (88 %), dans les établissements publics, le plus souvent spécialisés, 11 % dans les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) et 1 % (soit moins de 800 patients) dans des établissements privés à but lucratif. Au sein de ces établissements, ils représentent 5 % de la file active et 29 % des patients hospitalisés à temps plein en 2010.
– Cette population est relativement jeune (43 ans en moyenne contre 47 en hospitalisation libre) et majoritairement masculine.
– Les troubles psychotiques représentent plus de la moitié des diagnostics principaux (contre 20 % en HL), puis viennent les troubles liés aux addictions et les troubles dépressifs.
– Pour 28 % des patients, l’hospitalisation sans consentement constitue la seule modalité de soins dans l’année. La moitié des patients hospitalisés sans leur consentement n’a pas eu de soins psychiatriques en établissement les trois mois précédant son hospitalisation et un quart n’a pas de suivi en établissement les trois mois suivant la sortie de l’hôpital.

PREMIERS PAS VERS DES TRAVAUX QUALITATIFS
Interrogée sur l’approfondissement de ses travaux, la chercheuse Magali Coldefy indique deux directions : « La première est l’analyse des disparités de recours à l’hospitalisation sous contrainte. Les recours à ce type de prise en charge varient fortement selon les territoires, disparités ne pouvant s’expliquer exclusivement par des différences de prévalence des troubles psychiatriques entre zones géographiques. Les caractéristiques socio-économiques des territoires mais également l’organisation des soins et les stratégies thérapeutiques des équipes soignantes peuvent expliquer un recours plus ou moins important à ce type de pratiques. Plus généralement, des travaux qualitatifs questionnant la définition de la contrainte aux soins et ses limites constitueraient des prolongements particulièrement intéressants. »
Signalons par ailleurs que, interrogée sur « l’insuffisance de statistiques officielles » sur les soins sans consentement par le Cercle de réflexions et de propositions d’actions sur la psychiatrie (CRPA), la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a répondu dans un courrier que « la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de la statistique (Drees) va néanmoins communiquer prochainement une fiche panorama sur les soins psychiatriques sans consentement ».

  •  L’hospitalisation sans consentement en psychiatrie en 2010 : première exploitation du Rim-P et état des lieux avant la réforme du 5 juillet 2011. M. Coldefy, C. Nestrigue. Questions d’économie de la santé, n° 193, décembre 2013. Téléchargeable sur irdes.fr.
  • En savoir plus sur le CRPA : psychiatrie.crpa.asso.fr