Les « souffrances d’exclusion » nécessitent d’intervenir dans des espaces à la frontière de l’éducatif, du social et du soin. Entretien avec Christis Demetriades, psychologue clinicien, directeur d’un ouvrage collectif appuyé sur l’expertise des Missions locales.

Pouvez–vous nous présenter les grandes lignes de cet ouvrage ?
En 1995, le rapport Strohl/Lazarus (1) visait à définir et cerner le problème de la souffrance psychique des personnes en situation de précarité. Il a montré notamment que cette souffrance, qui a du mal à se dire, nécessite des réponses à la fois dans les champs du social et du soin. Depuis, les actions pour accueillir et prendre soin des personnes en précarité et en grande souffrance, exclues des dispositifs de soins, se sont développées dans le social et l’humanitaire. Cet ouvrage collectif présente les dispositifs cliniques développés ces trente dernières années par les Missions locales (2) et leurs partenaires, afin de prendre en compte le mal-être que certains jeunes déposent sur la scène de l’insertion et prévenir les décompensations psychiatriques et les passages à l’acte suicidaire.
Comment l’avez-vous conçu et à qui est-il destiné ?
Le livre rassemble les contributions d’intervenants (en majorité psychologues) en Missions locales ou au sein de deux autres institutions partenaires, les Points accueil écoute jeunes et la Protection judiciaire de la jeunesse. Notre objectif est de transmettre un référentiel théorique et clinique aux professionnels intervenant dans des espaces intermédiaires, entre le social, l’éducatif et le soin. Cet ouvrage devrait ainsi trouver des applications dans les champs de la précarité et de l’adolescence et plus largement dans tout le secteur des soins psychiques.
La préface met en lumière les enjeux de notre travail, puis l’introduction situe le champ de l’insertion et le sens d’un travail clinique dans ce secteur. Sont ensuite présentés les paramètres des dispositifs d’entretien, de groupe et de travail en réseau que nous avons élaborés. Dans une lecture assez libre des principes de l’analyse transitionnelle, nous tentons d’incarner, en les illustrant avec des vignettes cliniques, les notions d’aller vers, d’inter-contenance, d’attitude maïeutique, de médium malléable, d’accordage du rythme, d’implication dans la rencontre, d’appui sur la dimension transitionnelle des objets sociaux.
Qu’entendez-vous par « souffrances d’exclusion » ? Quelles sont les caractéristiques des jeunes que vous rencontrez ?
Nous proposons la notion de « souffrances d’exclusion » et non « en lien » avec, parce que nous centrons nos travaux sur la collusion entre les vécus traumatiques non élaborés psychiquement et les phénomènes actuels d’exclusion sociale.
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• À lire : Jeunes en souffrance d’exclusion, Christis Demetriades, Érès, coll. La vie devant eux, avril 2025, 28€.
1– Une souffrance qu’on ne peut plus cacher, Rapport du groupe de travail Ville, santé mentale, précarité et exclusion sociale, A. Lazarus, H. Strohl, 1995, www.vie-publique.fr
2– Pour rappel, les Missions locales, créées en 1982, accompagnent les jeunes en difficultés vers l’insertion professionnelle et sociale, via un mode d’intervention globale avec la prise en compte de l’ensemble des freins à cette insertion dans tous les domaines : emploi, formation, orientation, mobilité, logement, santé, accès à la culture et aux loisirs. Une de leur spécificité est leur ancrage dans la réalité économique et sociale des territoires, au plus près des réseaux d’accès à l’emploi des jeunes.fr