« Le refus de la contention ne fait pas encore l’unanimité » (1), écrivaient en 1966 les psychiatres F.G. Alexander et S.T. Selesnick, dans une note de bas de page de L’histoire de la psychiatrie. Afin d’étayer leur constat, ils racontent qu’un psychiatre américain visitant un hôpital psychiatrique londonien s’étonnait de ne pas voir de barreaux aux fenêtres. Les patients lui semblaient également jouir d’une très grande liberté. « Ne craignez-vous pas que ces malades deviennent violents, se blessent ou blessent d’autres malades ? », demanda-t-il. Son « digne collègue » britannique lui répondit : « Mon cher Monsieur, ces gens-là sont peut-être aliénés, mais souvenez-vous qu’ils sont avant tout des citoyens anglais ! » (1) Que le citoyen anglais, même aliéné, reste en toute circonstance un gentleman appartient, certes, à l’image que les Britanniques se font d’eux-mêmes. Ces deux psychiatres qui venaient de parcourir toute l’histoire de la discipline énonçaient, d’une manière optimiste, qu’un jour prochain la contention cesserait d’être une pratique admise, comme ce fut le cas pour la lobotomie ou la clitoridectomie. Le plus important, dans cette note, est cette affirmation qu’un Anglais, même mentalement malade, reste d’abord et avant tout un citoyen, un sujet de sa majesté. Le refus de la contention s’appuie sur cette conviction : l’individu souffrant de problèmes mentaux doit être considéré comme n’importe quel autre citoyen ; l’enfermer ou l’attacher constitue une transgression à la loi commune qui doit être encadrée très précisément afin d’éviter les abus.
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