L’accord historique des 7 ordres de santé, le 12 octobre dernier, a marqué une avancée significative en reconnaissant pour la première fois les principes du transfert de compétences et de l’accès direct aux professions paramédicales pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière d’accès aux soins. Afin de mettre en œuvre ces principes dans l’intérêt du système de santé et des patients, l’Ordre National des Infirmiers a présenté ses propositions au Gouvernement.
L’ONI demeure mobilisé pour œuvrer aux côtés du Gouvernement et de l’ensemble des acteurs dans la perspective des prochaines échéances cruciales que sont les débats parlementaires en cours et à venir, les travaux sur la refonte du décret infirmier, et le CNR Santé qui se déploie actuellement. Il est plus urgent que jamais d’agir alors que tous les Français victimes de difficultés d’accès au soin et l’ensemble des professionnels attendent des évolutions fortes comme exprimé par l’ONI dans ce communiqué de presse du jour.
L’Ordre propose de rendre effectif le transfert des compétences et de renforcer le rôle propre des infirmiers
L’Ordre veut qu’il soit donné aux infirmiers la possibilité de réaliser de manière autonome des actes qu’ils peuvent déjà accomplir aujourd’hui sous prescription du médecin, au bénéfice des patients :
– Effectuer des soins primaires bénins et prescrire certains médicaments d’usage courant comme des anti-douleurs (paracétamol…) ;
– Renouveler des traitements déjà prescrit par un médecin (contre l’asthme, le diabète, …) avec l’adaptation de la posologie ;
– Prescrire des examens complémentaires pour aider au diagnostic médical (radios, bilans sanguins, échographies …) ;
– Etablir des certificats d’arrêt de travail, d’aptitude à l’activité physique…;
– Proposer des consultations pour arrêter de fumer, lutter contre l’alcoolisme ou l’obésité ;
– Proposer une consultation de suivi du patient après un passage aux urgences ;
– Tous ces actes étant accomplis dans un encadrement précis, et notés dans le dossier médical partagé, permettant l’information d’un médecin.
Ces réformes sont des mesures de bon sens dont la mise en œuvre pourrait être aisée et rapide. En effet, la plupart des actes à transférer ne modifient pas l’exercice. Ce sont en effet :
– Des actes que les infirmiers effectuent déjà mais uniquement sur prescription médicale, alors que ces actes pourraient être inclus dans le rôle propre des infirmiers ;
– Des actes relevant de techniques nouvelles, maîtrisés par les infirmiers, mais non inclus dans le décret officiel de 2004, qui recense les actes qu’ils sont censés pouvoir effectuer ;
– Ou encore des actes relevant des expérimentations locales mises en place dans le cadre de l’article 51 de la LOI HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) qui peuvent être facilement généralisées et pour lesquelles l’accompagnement au changement est déjà prévu par le texte.
L’Ordre propose également de mettre en œuvre le principe de l’accès direct aux professions paramédicales
En pratique, il s’agit de permettre aux patients d’avoir accès directement à ces professionnels, sans prescription médicale, dans toutes les situations où ils ne peuvent accéder facilement à un médecin (absence de généraliste dans leur bassin de vie, délais de rendez-vous trop longs…). Cette consultation permettrait à un infirmer, par exemple, soit d’effectuer lui-même les actes médicaux qui lui ont été transférés, soit de jouer un rôle de coordination en adressant si besoin le patient vers d’autres professionnels de santé. Cette mesure permettrait d’assurer un soin de proximité à l’ensemble des patients, y compris dans les déserts médicaux.
Pour avancer rapidement, l’Ordre appelle à une réécriture en profondeur du décret-socle de 2004, un élément décisif pour la montée en compétences de la profession
L’Ordre considère en effet, que la révision de ce décret datant de 2004, qui définit l’ensemble des actes que les infirmiers peuvent accomplir, est une priorité absolue pour reconnaître les nouvelles pratiques professionnelles de ces professionnels et leur permettre d’apporter leur pleine contribution à la réponse aux besoins de santé de la population. En janvier 2022, Olivier Véran (alors ministre des Solidarités et de la Santé) avait d’ailleurs exprimé sa
volonté de lancer un chantier de révision du décret. Aujourd’hui, l’Ordre National des Infirmiers appelle à une réécriture rapide du décret afin que ces nouvelles compétences et leurs conditions d’exercice soient intégrées dans les futurs cycles de formation. Il prend acte du fait que la DGOS s’est engagée le 15 novembre dernier à ce que les travaux pour l’évolution du décret soient ouverts début 2023. En parallèle, l’Ordre national des Infirmiers appelle également à une évolution législative à travers la modification du Code de Santé Publique, pour ouvrir la possibilité d’accès direct aux professions paramédicales et les intégrer dans l’offre de soin de premier recours et dans l’organisation de la permanence de soin dans les territoires.
En complément de ces évolutions, l’Ordre appelle aussi à intensifier les moyens dévolus à la
formation
Au niveau de la formation initiale, l’Ordre plaide ainsi pour l’intégration complète des parcours de formation en sciences infirmières au sein du cursus européen LMD (licence, master, doctorat) et pour la mutualisation de certains cours avec les cursus de médecine. Cela permettrait de créer un socle commun médico-paramédical pour faciliter plus tard les collaborations et établir des passerelles entre les métiers.
Au niveau de la formation continue, l’Ordre recommande notamment :
– Le renforcement du recours au développement professionnel continu, pour lequel les infirmiers sont aujourd’hui les acteurs de santé les plus performants ;
– La mise en place de certifications et de formations périodiques pour le suivi et la prise en charge des nouveaux besoins en santé (allongement de la durée de vie, maladies chroniques, pathologies environnementales…) Il souhaite également que les conditions d’accès aux formations d’IPA (infirmiers en pratique avancée) soient facilitées.
Ces évolutions sont des conditions essentielles pour favoriser l’interprofessionnalité et l’exercice en
équipe pluriprofessionnelle, entre médecins et paramédicaux, au service des patients.
"Un enjeu de reconnaissance et de valorisation de la profession mais surtout de santé publique et de cohésion sociale" pour Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers « Il existe aujourd’hui un consensus général sur la nécessité d’une réforme profonde de notre système de santé. Et que ce soit du côté du gouvernement, des parlementaires, des chercheurs, des autorités de régulation, des acteurs de l’hôpital, des équipes de soins sur le terrain, des représentants des patients, de très nombreuses voix estiment que l’évolution des professions paramédicales est la solution à privilégier pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales en matière d’accès au soin. A ce titre, l’accord du Clio représente une avancée majeure qu’il faut aujourd’hui concrétiser. Avec une présence sur tout le territoire national, les infirmiers peuvent être les garants d’une offre médicale de proximité pour tous à la condition que des mesures de bon sens soient prises pour faciliter leur autonomie et l’exercice de compétences élargies au service des patients. C’est un enjeu de reconnaissance et de valorisation de la profession mais surtout de santé publique et de cohésion sociale. Nous avons donc présenté des mesures très précises et très concrètes aux pouvoirs publics et nous espérons maintenant qu’elles seront rapidement suivies d’effet, pour apporter enfin des solutions effectives aux patients. Alors que des millions de Français sont victimes de difficultés d’accès au soin et que l’ensemble des professionnels partagent ce même constat, il est urgent d’agir. Chaque mois compte pour résoudre la situation intolérable que nous connaissons aujourd’hui. »