N° 272 - Novembre 2022

Six stratégies pour un moindre recours aux pratiques coercitives

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Comment mettre en œuvre une politique de moindre recours à l’isolement et à la contention dans les établissements de soin ? Yves Peiffer, psychologue, directeur de la pratique clinique et du développement de CPI (Crisis Prevention Institute) présente six stratégies validées scientifiquement. Publirédactionnel.

En 2006, en s’appuyant sur une revue de la littérature et sur les compétences d’experts internationaux, K. A. Hucksorn, infirmière chercheuse, identifie six stratégies efficaces pour réduire le recours aux pratiques restrictives de liberté en santé mentale (Six Core Strategies for Reducing Seclusion and Restraint Use©, 1). Objectif : permettre aux établissements sanitaires et médico-sociaux d’établir un plan clair, basé sur des preuves scientifiques, structurant la mise en œuvre d’un plan « moindre recours à la coercition ». Ces travaux, très peu connus dans l’Hexagone, peuvent éclairer les approches françaises.

Les 6 stratégies en bref

• Stratégie 1 : Implication du leadership et de la gouvernance
Cette stratégie est « obligatoire » ! Le « moindre recours » doit faire l’objet d’un engagement continu de la direction générale de l’établissement et s’incarner par une communication claire, un projet d’établissement qui affirme sans ambiguïté l’objectif de réduction, le caractère « d’échec thérapeutique » des interventions restrictives, les critères de recours éventuels à la coercition ou encore les dispositifs en place pour engager des réclamations ou gérer chaque événement. Des rapports réguliers sur l’évolution de la situation sont analysés par la direction et son conseil d’administration.

• Stratégie 2 : Utilisation des données
Cette stratégie suggère de collecter les données sur l’usage des pratiques restrictives au plus près de la réalité : unités concernées, équipes et personnes impliquées, données chronologiques, caractéristiques démographiques des usagers, utilisation concomitante de médications, suivi des blessures… L’établissement doit fixer des objectifs d’amélioration et surveiller de façon régulière les variations de ces indicateurs. Il faut rassurer les professionnels sur le fait que cette collecte de données est destinée à diminuer les mesures coercitives et non à des fins « punitives ».

• Stratégie 3 : Formation professionnelle continue
L’établissement s’assure que le personnel dispose des connaissances et compétences nécessaires pour créer un environnement de soin moins coercitif ou susceptible de générer des conflits. Les formations proposées doivent donc inclurent une large gamme d’approches préventives et de désamorçage ainsi que des stratégies d’interventions physiques de dernier recours, proportionnées au risque et respectueuses des personnes.

• Stratégie 4 : Accompagnement et soin personnalisés
L’utilisation d’outils visant à personnaliser les soins et l’accompagnement doit être valorisée. L’attention est particulièrement portée sur les techniques qui fonctionnent (mise en place de plans de crise conjoints, d’espaces de détente ou d’apaisement, de salles sensorielles accessibles pour éviter le recours à l’isolement et la contention…).

• Stratégie 5 : Implication des usagers
Cette stratégie nécessite la participation concrète des usagers à la politique de moindre recours, via les instances légales de l’établissement et des groupes de travail. Les usagers sont-ils informés des pratiques restrictives utilisées dans l’établissement, comment et de quels recours disposent-ils si besoin ? L’établissement partage-t-il avec les usagers et leurs familles les évaluations du projet de réduction afin que chacun soit informé des évolutions et des pistes d’amélioration ? L’organisation s’assure-t-elle qu’un débriefing est toujours proposé en cas de pratique restrictive ? Les usagers participent-ils aux dispositifs mis en place pour éviter ou minimiser les conflits, et si oui de quelle façon ? L’implication des usagers à des postes clés de l’établissement doit être soutenu par des membres du personnel qui reconnaissent la difficulté inhérente à ces rôles.

• Stratégie 6 : Amélioration continue
L’organisation adopte une culture de réflexion et d’analyse. Elle met en œuvre des méthodes de management tournées vers l’amélioration continue des techniques de prévention des conflits et de réduction du recours aux pratiques restrictives en s’appuyant sur les conclusions des débriefings réalisés avec le patient et l’équipe impliquée, l’analyse des pratiques, la supervision, l’évolution de l’organisation institutionnelle…

Conclusion
Certaines de ces stratégies sont déjà effectives dans des établissements français. Au Royaume-Uni, le Restraint Reduction Network (réseau ressource structurant les approches liées au moindre recours) a développé un outil permettant à chaque établissement d’évaluer sa position au regard de ces 6 stratégies fondamentales afin de renforcer les bonnes pratiques. En France, avec un réseau d’acteurs impliqués dans cette démarche, le Crisis Prévention Institute (CPI) adapte actuellement cet outil qui sera disponible pour les équipes volontaires.

1– Huckshorn, K. 2008, Six Core Strategies for Reducing Seclusion and Restraint Use. Alexandria, VA : NASMHPD (National Association of State Mental Health Program Directors).

• En savoir plus : www.crisisprevention.com.