N° 265 - Février 2022

La santé mentale au secours de la psychiatrie ?

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En cette année électorale, Marie-Jeanne Richard, Présidente de l’Union française des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychique (Unafam), alerte sur le fait qu’il est plus que jamais nécessaire d’axer les prises en charge sur le rétablissement et l’autonomie des personnes.

La crise sanitaire que nous traversons a fait entrer la santé mentale dans le vocabulaire courant. Mais ne nous voilons pas la face, les préjugés sont encore là, qui stigmatisent les personnes vivant avec des troubles psychiques. Ces préjugés s’étendent à leurs familles, aux aidants professionnels et aux soignants. À l’occasion des élections présidentielles, l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) plaide pour que les candidats s’engagent à faire de la santé mentale et de la psychiatrie une grande cause nationale.

Des moyens supplémentaires mais…

Face aux difficultés majeures de la psychiatrie et au nombre toujours plus important de personnes touchées par des troubles psychiques sévères, des Assises ont été conduites (1), des moyens alloués, des projets territoriaux de santé mentale (PTSM) se concrétisent, mais les personnes en souffrance et leurs familles ont toujours des difficultés extrêmes pour accéder aux soins (voire se heurtent à des refus de soins) car les acteurs font défaut. Quant aux compensations du handicap psychique, elles  restent inaccessibles aux moments clés du parcours de la personne, du fait d’un déficit abyssal d’offres. Notons qu’il ne s’agit pas seulement de moyens. Nous réclamons un pilotage intégrant l’ensemble des composantes qui participent à la promotion d’une bonne santé mentale en psychiatrie : des soins, certes, mais aussi des accompagnements permettant le maintien dans la cité (accès à un logement, à des activités, à un emploi, à l’éducation, à des ressources…). Pour en finir avec les rapports itératifs, l’Unafam demande la mise en œuvre d’un véritable plan interministériel, doté de moyens financiers et porté par une Agence nationale chargée de coordonner les actions de prise en charge. Elle associera tous les acteurs : prévention et santé mentale, maladies et handicap d’origine psychique, déstigmatisation et citoyenneté, recherche. Cette vision intégrée, plus ancrée dans le quotidien, ne peut pas se construire si nous restons dans une approche possessive (« mes » patients, « mes » usagers), et si les financements sont pensés en « tuyaux d’orgues » sans vision globale en termes de parcours et de qualité de vie (et non plus seulement de soins). Il faut ouvrir à toute personne souffrant de troubles psychiques l’accès à des soins de qualité résolument tournés vers le rétablissement, et donc aux dispositifs soutenant la plus grande autonomie possible, à chaque moment de la vie.

Pilotage sans données chiffrées…

Les soignants fuient l’hôpital public, « trop d’administratif », entend-on. Mais n’est-ce pas aussi à cause d’une perte de sens ? Soigner quelqu’un, pourquoi ? Le médico-social et le social peuvent-ils sauver la psychiatrie et redonner sens aux soins ? Aujourd’hui, nous sommes tous d’accord pour affirmer que l’hôpital n’est pas un lieu de vie, mais l’offre de soins ambulatoire reste très insuffisante. Comment faire pour que l’hôpital ne soit pas un passage obligé, ou, qu’à l’échelle de la vie d’une personne, il ne soit qu’une brève étape dans son parcours ? Ce temps sera d’autant plus raccourci si des dispositifs d’aval lui permettent de choisir son lieu de vie, et d’être accompagné dans ses choix. Dans ce registre, les PTSM sont une formidable opportunité pour concevoir une vision intégrée des parcours avec des réponses adaptées aux besoins au plus près du territoire. Encore faut-il qu’ils reposent sur des données solides ! Voilà des années que nous réclamons ces chiffres ! Comment piloter sans ces données ?

« Être soutenu si nécessaire dans sa vie quotidienne pour accéder à l’autonomie est un droit et participe au maintien d’une bonne santé mentale. Ne pas répondre aux besoins des personnes est une discrimination. »

Discrimination

Si la reconnaissance du handicap psychique est inscrite dans la loi depuis 2005 (2), l’accès aux dispositifs de compensation reste un parcours du combattant qui demande plusieurs années et reste très limité. Ainsi, le baromètre Unafam 2021 (3) montre que seulement 7 % des répondants perçoivent la prestation de compensation du handicap (PCH) aide humaine, 19 % accèdent à l’emploi et seulement 8 % ont accès à un logement accompagné. L’Unafam demande également qu’il soit mis fin à une injustice. Pouvoir choisir son lieu de vie, être soutenu si besoin dans sa vie quotidienne pour accéder à l’autonomie est un droit et participe au maintien d’une bonne santé mentale Ne pas répondre aux besoins de ces personnes est une discrimination.

L’espoir de la recherche

Les maladies mentales coûtent cher (109 milliards d’euros par an en coûts directs et indirects) (4). Rendre plus efficientes les prises en charge est donc une nécessité. Pour l’Unafam, il est grand temps de faire de la recherche en santé mentale une des priorités des politiques publiques et de doter la France d’un programme ambitieux dans ce domaine, abordant à la fois une approche neuroscientifique et génétique de la santé mentale, et des approches psychosociales orientées vers le rétablissement. Ceci constituerait un signe d’espoir fort pour les personnes vivant avec des troubles psychiques et leurs familles. Non, leurs maladies, leurs handicaps ne sont pas « oubliés sous le tapis », des chercheurs s’y intéressent, des politiques financent des recherches.

Dans une responsabilité partagée, engageons-nous ensemble pour que soient mis en œuvre, dans tous les territoires, des pratiques validées par l’état de l’art, intégrant un accompagnement social afin que les personnes vivant avec des troubles psychiques puissent accéder et se maintenir dans une bonne santé mentale.

1– Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, 27 et 28 septembre 2021.
2– Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
3– Baromètre Unafam 2021, voir le dossier de presse sur unfam. org
4– The cost of mental disorders in France, K. Chevreul, A. Prigent, A. Bourmaud, M. Leboyer, et al., Eur Neuropsychopharmacol 2013 Aug ; 23(8):879-86.