Barcelone (Espagne)
XIe congrès organisé par la Fondation Européenne pour la Psychanalyse (FEP).
La Fondation fut créée pour tenter de répondre aux problèmes cruciaux face auxquels se trouve la psychanalyse de nos jours, aussi bien du point de vue éthique que politique, et activer ainsi les actions possibles des psychanalystes d’une manière transversale, au-delà de l’appartenance institutionnelle ou non de chacun.
En français « le sujet en souffrance » signifie à la fois le sujet qui souffre et le sujet en attente. Celui-ci souffre précisément car il n’a pas encore pu se réaliser de façon effective, à cause d’une jouissance qui le paralyse. Il insiste cependant, de manière répétitive, par son symptôme, jusqu’à ce que quelqu’un l’écoute véritablement.
La bio-médicalisation de l’attention psychiatrique, c’est-à-dire les manuels de classification qui multiplient les diagnostics sans les inscrire dans la structure qui détermine les symptômes, sous prétexte que les « troubles » seraient dus aux altérations de la biochimie cérébrale, et les politiques sanitaires favorisant l’usage massif de psychotropes malgré les recherches qui mettent en doute leur efficacité, ont tendance à forclore la dimension singulière de chaque sujet, et par conséquent à empêcher l’écoute de celui-ci.
De cette façon, les psychiatres, dans leur activité institutionnelle, se trouvent à présent dans la position de contenir, ou de contrôler le malaise, sans pouvoir traiter ce qui est au-delà de la demande du sujet, et sans non plus le plaisir que ressentaient autrefois les psychiatres classiques lors de leur recherche scientifique. D’où le malaise des plus lucides et des plus engagés envers leurs patients.
Les psychologues qui appliquent les thérapies cognitivo-comportamentales,remettent également en question l’utilisation massive de médicaments, mais dans l’application de leur technique, ils s’adressent au sujet psychologique, conscient, dans le but de réadapter son comportement, bien que les neurosciences aient établi clairement qu’une grande partie de notre activité psychique soit inconsciente, tel que Freud l’avait bien découvert.
Cependant, il existe une différence fondamentale entre l’inconscient cognitif et l’inconscient psychanalytique. L’inconscient cognitif coïncide à grands traits avec ce que Freud décrivait comme préconscient : ce qui pouvait être conscient grâce à un certain effort d’attention.
En revanche, l’inconscient pour la psychanalyse est ce qui est refoulé, denié et refusé par le sujet, précisément parce qu’il est inacceptable pour sa conscience. En ce sens le symptôme exprime la division même du sujet, qui est le résultat de son incorporation au langage. Incorporation traumatique puisqu’elle implique la perte de notre être, introduisant dans l’être parlant une carence constituante dont il ne veut rien savoir.
Le langage nous humanise, en même temps qu’il nous aliène aux signifiants de l’Autre (la mère, le père, la famille, etc.). Il existe un savoir que le sujet ignore, qui lui est étranger, inconscient et qui, malgré tout, détermine son désir et ses modalités de jouissance, affectant son propre corps.
D’où le fait que le caractère traumatique rejeté, dénié ou refoulé de son histoire familiale revienne dans ses symptômes, dans l’attente d’une écoute qui rende possible la reconnaissance de la vérité de sa carence, même si celle-ci est mi-dite.
Cela demande une direction de cure – celle proposée par la psychanalyse – qui implique que celui qui la réalise, se place – paradoxalement – dans le lieu de ce qui cause le désir, dans le lieu de la carence, pour que le sujet soit l’agent de son élaboration et non le patient d’une thérapie, que ce soit celle qui réduit sa parole avec le médicament ou celle qui cherche à diriger sa conscience et son action.
Le défi pour nos disciplines est tout à la fois éthique et politique. Le sujet qui a recours à nous avec son symptôme, sa souffrance et sa douleur, demande du temps pour effectuer le deuil non seulement de ce qui a déclenché dans le présent son malaise mais aussi de ce que le conflit ou la perte actuels évoquent de son traumatisme constituant.
Le temps, à cause du discours capitaliste où nous sommes inclus, est quelque chose que l’on est en train d’élider dans l’attention psychiatrique et psychologique au nom d’une prétendue efficacité, en oubliant que le sujet, comme le disait Lacan, c’est le temps.
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