49e Colloque du Groupement des Hôpitaux de jour psychiatriques (GHJPSY)
« Dans notre pays, nous n’en sommes qu’aux balbutiements dans l’installation de ce type d’unité de soins et peut-être qu’après cette journée, d’autres parmi vous auront le désir, si pas de s’attacher à la réalisation de nouvelles structures psychiatriques de ce type, au moins d’en faciliter la création, l’implantation et pourquoi pas, la vie ». Ainsi s’exprimait Jean BERTRAND1, fondateur du Groupement des Hôpitaux de Jour Psychiatriques, lors du Colloque inaugural qui s’est tenu à Liège en 1972.
A l’époque, l’hôpital de jour se profilait comme un instrument thérapeutique expérimental, certes prometteur, mais manquant de « spécificité absolue », pour reprendre les termes du Dr G. DAUMEZON, à qui l’on doit l’expression de « psychothérapie institutionnelle »2.
François TOSQUELLES, inventeur du terme humoristique « déconniatrie »3, continuera encore longtemps à donner du souffle aux soignants qui s’engagent dans nos institutions. Très rapidement, et en fonction de la diversité observée dans nos différents pays, l’hôpital de jour s’est positionné comme une « structure avancée » en amont de la porte d’entrée des soins en psychiatrie.
« A l’hôpital de jour, les murs de l’hôpital ont été délibérément remplacés par des personnes » avait l’habitude de dire Michel JADOT.
Mais, qu’en est-il aujourd’hui, 50 ans plus tard ?
Nos patients n’ont-ils pas davantage besoin d’ « institutions » que d’ « établissements » ?
Les sujets souffrants ne progressent-ils pas plus efficacement en interagissant avec des équipes soignantes pluridisciplinaires, prêtes à les accueillir et à embarquer avec eux dans une nef boschienne 4, le temps d’un voyage thérapeutique ?
La richesse du travail de transformation psychique observé chez les sujets de soin en hôpital de jour devrait susciter un nouvel élan de théorisation et de transmission.
Auprès de nos pairs et de nos instances dirigeantes, comment rendre crédible l’efficacité de nos interventions au sein de dispositifs soignants dont la fonction symboligène nous parait primordiale ?
Comment protéger ces îlots thérapeutiques qui permettent encore de relier ce qui est séparé et de mettre de la différence là où il y a de la confusion ?
Depuis un demi-siècle, l’hôpital de jour s’est révélé être un outil majeur de soins en psychiatrie. Il n’a cessé d’évoluer en peaufinant sa singularité et son authenticité tout en donnant naissance à des structures à la fois spécifiques et diversifiées, tant dans leurs conceptions que dans leurs références.
Aujourd’hui, le dénominateur commun de ce type d’unité de soins pourrait être : – un « doudou hospitalier » accueillant la folie à l’abri des protocoles standardisés, – un espace de soins intensifs où la dynamique de groupe est privilégiée, – un activateur du processus de rétablissement, – un lieu où travailler en équipe pluridisciplinaire a encore du sens, – un maillon thérapeutique où le soin psychiatrique ne peut s’envisager qu’en réseau, – un mode spécifique de prise en charge qui reste peut-être l’ultime garde-fou des fonctions de contenance, de séparation et de différenciation, – un lieu possible de recherche où s’intègrent, de manière complexe, le biologique, l’analytique et le social.
Le petit Prince, revenu sur « la planète des Fous », 50 ans plus tard, s’étonna, avec effroi, que la typologie des patients avait fortement changé, que les approches psychothérapeutiques s’étaient profondément modifiées, que la pharmacologie était bien loin de guérir tout le monde, que de nombreux soignants étaient « burn outés », que les responsables d’hôpitaux étaient atteints de « bureaucratose5 », que les modèles de gestion des soins de santé étaient devenus délirants…
En cette période de mutation sociale profonde et de crise sanitaire, ne nous « masquons » pas définitivement la face. Notre démarche thérapeutique ne pourra survivre qu’en arrimant les découvertes des neurosciences au patrimoine vivant de la psychanalyse. Le combat pour défendre une psychiatrie humaine6 passera par un travail d’innovation et de résistance face au dogmatisme de l’Evidence Based Medecine, aux nouvelles fermetures programmées de lits ainsi qu’ au néolibéralisme mortifère qui pourrait formater dangereusement l’évolution de notre Humanité.
Que garder alors de l’hôpital de jour d’hier pour construire celui de demain ?
Il nous appartient de réveiller Éros de toute urgence et de faire appel à la créativité de chacun d’entre nous afin de continuer à donner du sens et de la vie à nos outils, tout en démontrant leur pertinence clinique.
Si nous sommes prêts à relever ce défi, nous pourrons regarder l’avenir en nous inspirant d’une citation d’Antoine de Saint-Exupéry : « pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible ».
Que ce soit en psychiatrie infanto-juvénile, en psychiatrie adulte ou en psychiatrie de la personne âgée, il reste encore beaucoup à faire, et à faire-savoir, concernant la plus-value thérapeutique du processus de soin en hôpital de jour.
Afin d’aborder ce futur ensemble lors de notre prochain colloque, nous vous invitons à partager vos échanges d’expériences, vos innovations, vos projets thérapeutiques, vos projets de recherche, vos désirs, vos rêves… au cœur de la Cité Ardente, dans une ambiance conviviale et polyphonique…
Rens. : tél. : 00 32 4 3426596, ghjpsy@hjulacle.be