Plus de 1 000 professionnels hospitaliers ont évalué durant 7 jours les médicaments éliminés, en volume, valeur euros et poids carbone, soit pour les 210 établissements de santé participant à cette étude, 250 000 unités communes de dispensation (UCD) pour une valeur de plus de 700 000 euros, pesant plus de 2 tonnes et émettant 122 tonnes CO2eq. Les médicaments jetés sont périmés, ce sont des traitements personnels (de ville) apportés par les patients dans le cadre de l’hospitalisation, ils sont utilisables mais ne sont pas remis dans le stock de la PUI.
Dans une démarche de santé durable – écologiquement soutenable, socialement équitable, économiquement viable -, l’action collective « Médicaments à l’hôpital : pourquoi et combien on jette ? », lancée par Comité pour le développement durable en santé (C2DS) et le RésOMEDIT qui représente l’ensemble des 14 observatoires régionaux/inter-régionaux des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (OMéDIT) de France métropolitaine et d’outre-mer a été proposée aux établissements de santé de novembre à mars 2025.

- Quelle que soit la lecture – en volume, en euros, en carbone – le top 1 constant des motifs d’élimination des médicaments est la péremption.
- Éliminer un médicament périmé est une preuve d’une bonne sécurisation du circuit du médicament. La question est comment limiter le volume de médicaments périmés ?
- En volume, les médicaments à forte valeur unitaire (traitement des maladies rares, anticancéreux oraux et antidotes) sont peu présents mais ont un impact financier significatif, par ordre décroissant : antinéoplasiques, antithrombotiques, immunosuppresseurs. La gestion des péremptions de ces médicaments est prioritaire.
- À l’inverse, les médicaments jetés à faible valeur unitaire d’achat sont très majoritaires, par ordre décroissant : les psycholeptiques (hypnotiques, anxiolytiques…), analgésiques, psychoanaleptiques (antidépresseurs…). Dans le cadre d’une approche en coût global, le coût de possession des médicaments serait toutefois à considérer.
- Les médicaments psychotropes en tension au moment de l’étude (Quétiapine, Lithium, Olanzapine, Sertraline, Venlafaxine) représentent 1,9 % du volume du recueil et 0,1 % du coût des médicaments éliminés
- Les médicaments consommables mais non remis en stock de la pharmacie sont principalement ceux qui ne disposent pas d’un conditionnement unitaire. Ce conditionnement unitaire n’étant pas disponible en France, l’équipe de la PUI, à condition d’être en nombre suffisant, de disposer du temps et du matériel nécessaires, doit procéder à un découpage, un sur-étiquetage ou un sur-conditionnement des médicaments. Une tendance de réduction des DIMED se dessine par la mise en place de solutions de reconditionnement, sur-conditionnement ou sur-étiquetage (6,05 UCD/lit et semaine avec reconditionnement, versus 11,09 sans).
- Le C2DS et le RésOMEDIT ont souhaité calculer l’empreinte carbone de ces déchets qui n’est qu’un des aspects de leur impact environnemental. Des études complémentaires pourraient évaluer les impacts au regard des neuf limites planétaires, ou de pollution des eaux, des sols par exemple. Il est à noter que 95 % de l’empreinte carbone des déchets de médicaments de l’étude proviennent de la production, et seuls 5 % de l’incinération.
- L’élimination des déchets des médicaments est organisée à l’hôpital.Très majoritairement, les établissements utilisent une filière d’incinération des déchets. Ainsi, 44 % des établissements participants utilisent une seule filière
- En poids, au regard du tonnage – 2,14 tonnes sur une semaine pour cet échantillon de 210 établissements participants – une réflexion sur la création d’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) pour les médicaments jetés, à l’image de Cyclamed pour les médicaments non utilisés sur le circuit de ville, pourrait être menée à partir d’une analyse plus fine des données. Cette nécessaire étude viendra éclairer les décisions publiques : « Apprécier l’évolution ou l’adjonction au dispositif des filières REP d’un outil de valorisation des produits de santé en fin de vie et notamment des médicaments non utilisés », page 30 de la feuille de route de la planification écologique du système de santé du ministère de la Santé.
- Sous condition de données suffisantes, une analyse plus fine des déchets de médicaments pourrait être menée pour produire une vision par type de pathologie ou parcours patient et éclairer une démarche de déprescription et d’une manière générale de bon usage des médicaments.En bref, environ 50 % des médicaments éliminés sont périmés, 25 % sont des traitements personnels de ville apportés par le patient et éliminés par l’hôpital, et enfin, 25 % sont associés à l’organisation de la dispensation des médicaments dans l’établissement.

Quelles solutions ?
– Environ un quart des solutions sont dans les mains des établissements : optimiser encore les stocks et le circuit du médicament, aussi mettre en place un dispositif d’alerte sur les médicaments onéreux proches de la péremption (ex : antidotes, facteurs de coagulation) et les inscrire sur une plateforme numérique régionale à créer pour permettre leur utilisation par un autre établissement… et retrouver l’esprit d’entraide du Covid.
– L’aide des industriels est attendue sur la mise à disposition d’un conditionnement unitaire (demande historique du secteur). Les établissements participant à l’enquête disposent d’un rapport d’analyse précis de leurs données, et de leurs mises en perspective (moyennes nationales, par typologie d’établissement), remis par leur OMEDIT. Ils peuvent construire leur feuille de route. Les médicaments représentent environ 30 % de l’empreinte carbone de l’hôpital : réduire ses déchets de médicament réduit mécanique cette empreinte. Enfin, ces données permettent également d’ouvrir une réflexion avec le corps médical sur la déprescription ou l’écoprescription.
– Pour environ un quart, les solutions sont à rechercher dans une meilleure fluidité entre la ville et l’hôpital. Une réflexion doit s’engager avec l’ensemble des parties prenantes concernées par le sujet. Et pour environ une moitié, des solutions sont dans les mains des industriels en allongeant les durées de conservation, prioritairement des médicaments onéreux, afin de repousser les dates de péremption.
Les résultats de cette enquête sont un point de départ d’action pour chacun* : établissements, pouvoirs publics, Assurance maladie, et industriels. Les établissements de santé sont prêts si l’engagement coordonné des pouvoirs publics et des industriels est au rendez-vous.
« Dans un système soumis aux tensions financières cela donne des pistes d’action car moins jeter, c’est mieux pour les patients, mieux pour l’environnement et mieux pour l’économie. Les hôpitaux sont prêts si l’engagement coordonné des industriels et des pouvoirs publics sont au rendez-vous« , précise Frédéric Boiron, président du C2DS.
*La méthodologie du recueil est disponible auprès des OMEDIT et du C2DS. En revanche, l’enquête nationale 2025 est close. Une nouvelle ouvrira en 2026.
• Médicaments à l’hôpital : pourquoi et combien on jette, 17 septembre 2025, (C2DS) et RésOMEDIT . Dossier de presse (PDF).
A lire aussi le rapport de la Cour des Comptes publié le 4 septembre dernier et intitulé « Le bon usage des produits de santé » : 1,7 milliard d’euros jetés : la Cour des comptes sort son traitement choc contre le gaspillage de médicaments