Fibromyalgie de l’adulte : la recommandation de la HAS

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Saisie par plusieurs associations de patients, la Haute Autorité de santé (HAS) publie la première recommandation visant à définir et améliorer le diagnostic et la prise en charge des adultes présentant une fibromyalgie. L’écoute des patients et la reconnaissance de leur souffrance sont un préalable à leur engagement dans les soins, essentiellement non médicamenteux. 

La fibromyalgie est une maladie chronique reconnue par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2019. Elle toucherait en France 1,5 à 2 % de la population et trois fois plus de femmes que d’hommes. La douleur chronique diffuse et prolongée (au-delà de 3 mois) en constitue le principal symptôme, mais elle peut être souvent associée à une fatigue intense, des troubles du sommeil, des troubles anxieux, dépressifs ou encore cognitifs, impactant la qualité de vie. Ces symptômes fluctuent dans le temps chez une même personne et peuvent être différents d’une personne à l’autre. Le diagnostic de la fibromyalgie est difficile à établir et aucun examen biologique ni radiologique ne permet de l’affirmer. Il repose sur un examen clinique, une écoute active du patient et l’utilisation d’outils d’évaluation (auto-questionnaire, critères de diagnostic, algorithmes…).

Après avoir publié en 2010 un état des lieux des données disponibles concernant le syndrome fibromyalgique de l’adulte, la HAS a été saisie par plusieurs associations de patients pour élaborer des recommandations sur la démarche diagnostique et la stratégie thérapeutique destinées aux professionnels[1] accompagnant les patients adultes. Ces recommandations s’appuient sur le guide du parcours de santé d’une personne présentant une douleur chronique élaboré en 2023, pour les aspects organisationnels.

L’enjeu principal de cette nouvelle recommandation   est d’aider les personnes présentant une fibromyalgie à mieux vivre avec la douleur. Pour les patients, c’est d’améliorer leur compréhension à la fois des symptômes et de leur impact et la manière de s’impliquer dans leur traitement. Il s’agit également de prévenir les risques liés aux pratiques inefficaces, voire dangereuses.

Reconnaître la souffrance des personnes et les engager dans leurs soins

Une fois le diagnostic posé et l’impact sur la qualité de vie évalué, il est essentiel de reconnaître la souffrance du patient. A défaut, il sera difficile de le mobiliser dans ses soins. Après avoir écouté le patient, une phase d’explication de la maladie ou encore des options de traitement est nécessaire. La HAS publiera fin septembre un document d’information destiné au patient, qui peut être utilisé en appui. Ce temps d’échange est aussi l’occasion d’informer le patient sur la possibilité de prendre contact avec des associations de patients pour y trouver une autre forme d’écoute et d’accompagnement. 

Remettre la personne en mouvement et l’aider à s’adapter à la maladie

A l’instar des symptômes fluctuant de la fibromyalgie, la stratégie thérapeutique est évolutive. Elle repose sur des traitements non médicamenteux avec en première ligne l’activité physique encadrée par un professionnel de l’activité physique adaptée. La HAS propose une typologie d’exercices physiques prenant en compte les spécificités liées à la fibromyalgie. Apprendre à la personne à mieux gérer les symptômes au quotidien et à poursuivre ses activités personnelles et professionnelles, en impliquant l’équipe de soins, est un complément essentiel du traitement.

L’objectif de cette alliance thérapeutique patient/professionnel est de mettre en place des stratégies d’adaptation et d’autogestion de la maladie (alternance de périodes d’activité et de repos, participation à des séances d’éducation thérapeutique, aménagement du poste de travail…) et de les réévaluer régulièrement, à défaut de pouvoir proposer un traitement curatif. Il est aussi important de rester vigilant à toute forme de vulnérabilité et de situation à risque passée ou présente. Le recours à d’autres professionnels (psychologue, psychiatre, travailleur social…) peut alors être nécessaire pour une évaluation approfondie sur le plan psychologique, social ou professionnel et un accompagnement adapté. 

Attention aux mésusages et risques associés aux traitements médicamenteux

A ce jour, aucune autorisation de mise sur le marché pour un médicament n’a été accordée en France dans l’indication de la fibromyalgie. Certains antidépresseurs et antiépileptiques peuvent être prescrits à faibles doses pour soulager les douleurs, mais leur bénéfice attendu en traitement de fond reste modeste. Ces médicaments interviennent en deuxième ligne, après l’évaluation des effets de l’activité physique et des stratégies d’autogestion de la fibromyalgie. Toute prescription est à discuter avec le patient. Prudence également avec les opioïdes : leur recours doit rester exceptionnel au long cours et leur prescription faite après un avis spécialisé. Une attention particulière devra être portée en cas de mésusage.
 
La HAS met des outils à disposition des professionnels pour aider au diagnostic et à la prise en charge : auto-questionnaire, critères de diagnostic, algorithmes… Un « Rendez-vous des bonnes pratiques » sera organisé le 30 septembre : des experts du groupe de travail présenteront en ligne les recommandations et répondront aux questions en direct. Les inscriptions sont ouvertes.

Pour permettre aux professionnels de s’approprier ces travaux

La HAS propose :

  • Des recommandations.
  • Une synthèse des messages essentiels pour améliorer les pratiques.
  • Des outils pour aider au diagnostic et graduer la stratégie thérapeutique : auto-questionnaire, critères de diagnostic et de suivi de la sévérité de la fibromyalgie, algorithmes pour la démarche diagnostique et la stratégie thérapeutiques graduée.

Messages clés

- Le diagnostic de la fibromyalgie est clinique en l’absence de biomarqueurs spécifiques.

- L’annonce du diagnostic de fibromyalgie permet de reconnaître la souffrance et de légitimer la plainte. Elle s’accompagne d’explications approfondies et personnalisées sur la maladie, ses mécanismes et les options de traitement, ce qui facilite l’engagement du patient et la coconstruction du projet de soins.

- Le médecin généraliste coordonne la mise en œuvre du projet de soins, ainsi que les intervenants impliqués dans les soins.

- La stratégie thérapeutique est graduée et personnalisée avec en 1ère ligne l’activité physique incluant un apprentissage en autonomie, des stratégies personnalisées d’autogestion de la maladie, le maintien dans l’emploi, l’accompagnement de toute forme de vulnérabilité.

- En 2ème ligne, les traitements pharmacologiques doivent être débutés à faibles doses avec une augmentation progressive et prudente de la posologie, afin d’améliorer la tolérance et réduire l’apparition d’effets indésirables. 

- Certains antidépresseurs et antiépileptiques peuvent être prescrits pour les douleurs continues en traitement de fond, des antalgiques usuels pour les douleurs incidentes de façon ponctuelle, jamais au long cours. Le recours aux opioïdes pour les douleurs aigües incidentes doit être prudent et ponctuel, et exceptionnel au long cours.

- Lors de chaque renouvellement du traitement médicamenteux : évaluer la tolérance et l’efficacité ressentie, identifier un mésusage et les risques associés.

- Tout au long du suivi, repérer, évaluer et traiter d’éventuels troubles psychiques (anxiété, dépression, idéation suicidaire).

- Les situations de surpoids et d’obésité sont à évaluer et à traiter.

- Les régimes alimentaires proposant des restrictions spécifiques (par exemple, sans gluten, sans lactose, etc.), la prise de compléments alimentaires, n’ont pas d’intérêt démontré dans la fibromyalgie en dehors de carences avérées.

- D’autres interventions sans effets indésirables, ni risques pour la santé comme les soins thermaux, la relaxation, l’hypnose, la méditation, peuvent être discutées dans le cadre du projet de soins sous certaines conditions et modalités de délivrance, de formation appropriée des intervenants et d’arrêt en cas de non-réponse.

- En 3ème ligne, des techniques de neurostimulation peuvent être proposées après avis.

- Les associations de patients informent, partagent leur expérience, participent à l’éducation thérapeutique du patient, rappellent la vigilance à avoir vis-à-vis de certaines pratiques.

- Le recours à une structure spécialisée en douleur chronique (SDC) peut être nécessaire pour un avis, des conseils, une évaluation multidisciplinaire et pluriprofessionnelle, le choix d’un traitement, en cas de douleurs résistantes, de difficultés de coordination.

[1] Médecins généralistes, autres médecins spécialistes (rhumatologie, médecine interne, neurologie, médecine physique et de réadaptation…), médecins et infirmiers ressources des structures douleur chronique, médecins et infirmiers des services de prévention et de santé au travail, professionnels de l’activité physique adaptée, infirmiers en exercice coordonné (dont Asalée et IPA), pharmaciens, psychologues, diététiciens, ergothérapeutes, travailleurs sociaux