N° 297 - Mai 2025

On change ? D’accord !

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Redouté et/ou attendu, le changement est omniprésent et inéluctable dans les services de soin. Comprendre ses dynamiques et adopter quelques réflexes simples permet de préserver sa propre santé psychologique.

Arrivée ou départ d’un collègue, déménagement, introduction de nouvelles procédures ou technologies… dans un service de soin, le changement est omniprésent. Chaque événement, même infime, de la vie de l’organisation constitue un changement. Ce mouvement requiert la connaissance des enjeux individuels et collectifs.

UN PARI SUR L’AVENIR…
Nous pouvons définir le changement comme un processus transitoire entre deux états. De fait, il induit un double mouvement d’abandon-adoption :
– d’une part, une lecture régrédiente, passéiste, de la situation antérieure à quitter. Il s’agit de faire le deuil de ce que l’on connaît déjà, aussi imparfait soit-il, à travers une palette d’émotions et de comportements allant de la nostalgie à la table-rase.
– d’autre part, un mouvement progrédient de projection vers l’avant et l’avenir, sous forme de saut dans l’inconnu.
Les affects émergeant peuvent être contrastés : tristesse, anxiété, enthousiasme, voire excitation…, en fonction de l’histoire personnelle du sujet, ou de certains traits de personnalité : néophilie ou néophobie (curiosité ou, à l’inverse, peur des choses nouvelles ou inconnues), inclination ou aversion pour le risque, optimisme ou pessimisme, faible ou forte estime de soi…
Le changement enclenche nécessairement chez l’individu un effort d’adaptation, au coût psychologique potentiellement élevé. Ce processus débute par l’interrogation de son capital expérientiel puis par l’évaluation des ressources matérielles, temporelles, cognitives… mobilisables pour parvenir à ce changement d’une part. On met en balance les bénéfices tangibles et symboliques attendus et l’efficacité des stratégies engagées au regard de l’objectif visé. Le changement nécessite par exemple de modifier ou d’abandonner certaines habitudes et routines pérennisées précisément parce qu’elles apportaient une solution psychiquement économique à un ensemble de situations similaires ou comparables, fréquemment rencontrées par le sujet. Une évaluation négative de cette balance, à tout moment du processus, peut induire un stress, aggravé par le sentiment de manquer d’autonomie et de contrôle, la pression du temps ou des ressentis de submersion ou de débordement…

RESTER ACTEUR DU CHANGEMENT
« Je n’en peux plus, “ils” changent encore ce protocole de soin… ». S’appliquer à soi-même quelques principes, certes détournés, de la psychologie positive et de la thérapie d’acceptation et de changement (1) permet de rester acteur du changement plutôt que de le subir, et ainsi préserver sa santé mentale.

  • Reconnaître et accepter ses émotions. Toute évolution suscite des réactions émotionnelles qu’il faut identifier et s’autoriser à ressentir, sans toutefois se laisser déborder : les émotions trop envahissantes peuvent être évacuées en parlant à quelqu’un de confiance ou en tenant un journal, voire sublimées par la pratique artistique ou sportive.
  • Chercher à comprendre. Il s’agit d’aller chercher les informations, les raisons du changement demandé, ses objectifs et ses implications. Une fois l’exaspération passée, en quoi le nouveau protocole de soins permettra-t-il de mieux prendre en charge le patient, d’améliorer l’organisation du travail ou l’ambiance ? Les questions que l’on pose permettent de gagner en contrôle sur la situation, qui paraît alors moins menaçante.
    •Développer un état d’esprit positif. Rester ouvert permet non seulement d’obtenir des informations, mais aussi d’envisager le changement comme une opportunité de se développer sur le plan professionnel. Apprendre à manier un nouveau logiciel de dossiers patients ne se fait jamais sans heurts, c’est pourtant aussi une manière de se former, de découvrir de nouvelles fonctionnalités qui, un jour, faciliteront la tâche. Face à la crainte d’échouer, l’indulgence envers soi-même aide à accepter sans culpabilité excessive que l’adaptation sera plus ou moins rapide, et qu’il est possible de se tromper.
  • Développer son propre écosystème de soutien. Maintenir pour un temps certaines routines peut apporter un sentiment de stabilité en préservant un certain cadre et une certaine contenance dans la vie quotidienne. Fuir la tentation de l’isolement et, au contraire, rechercher le soutien social permet d’exprimer ses inquiétudes et ses enthousiasmes, d’échanger les points de vue et les astuces, de compter sur la solidarité du collectif, de fêter ses petites victoires.

CONDUCTEUR OU PASSAGER ?
Si la conduite du changement s’éprouve dans le leadership managérial, cela ne signifie pas que les équipes doivent le subir de façon passive. Savoir mobiliser la moindre étincelle de positivité en soi est aussi un enjeu de santé mentale dont chacun peut être acteur, car un changement imposé augmente les risques de stress et de burnout. Dit autrement, le changement, c’est comme la conduite : on peut être simple passager d’un véhicule piloté par le manager seul, ou fonctionner en conduite accompagnée, tenant soi-même le volant, sous la supervision bienveillante de son manager !

1– Voir la rubrique du n° 296, Et si on s’écoutait vraiment ?