Un programme dédié aux personnes qui entendent des voix propose de les aider à entretenir un rapport plus apaisé avec ce type de symptômes et de lutter contre la stigmatisation dont elles font l’objet. Ce programme leur permet de bénéficier d’un espace de parole contenant et d’acquérir des outils et des apports théoriques pour apprendre à vivre avec les voix.
Bien que très perturbant et dépressogène, le phénomène hallucinatoire reste un symptôme finalement peu exploré et parlé à l’hôpital. Dans ce contexte, un programme intitulé Lever le tabou (LEV) a été mis en place au Centre psychothérapique de jour pour adultes (CPJA) de Vannes (EPSM du Morbihan). Il s’agit d’aider les patients à entretenir un rapport plus apaisé avec ce type de symptômes mais aussi de lutter contre la stigmatisation dont ils font l’objet, y compris dans le cadre institutionnel.
Pour élaborer cette offre de soin, les équipes se sont notamment appuyées sur les travaux du réseau des Entendeurs de voix (1). Le programme s’adresse à des groupes fermés de 6 à 7 patients ayant des hallucinations auditives toujours présentes et en capacité de les reconnaître et d’en parler. Il comporte six séances hebdomadaires de 1 h 30, et est animé par les deux infirmières et la psychologue à l’origine du projet. Les objectifs sont de :
– bénéficier d’un espace de parole contenant pour échanger entre pairs et partager ses expériences au sein d’un groupe restreint ;
– acquérir des outils pour apprendre à vivre avec ses voix ;
– découvrir de nouvelles stratégies d’adaptation ;
– développer une meilleure connaissance de soi et travailler la relation à l’autre ;
– acquérir des apports théoriques et expérimenter la pratique de la pleine conscience.
« Le programme permet aux patients de réaliser que leur expérience d’hallucinations n’est pas inédite, elle est vécue par d’autres, ce qui réduit son caractère honteux et indicible, associé à la folie… »
Ce programme s’inscrit ainsi dans une logique qui ne cherche pas à « contrarier » les voix pour en invalider l’existence, mais qui aide les patients à les appréhender de manière moins anxiogène voire plus sereine. Il participe d’une logique préventive qui, tout en favorisant l’autonomie, est susceptible de réduire les risques de « crise » et de sollicitations urgentes. Les soignantes observent « que les “entendeurs” deviennent davantage acteurs, voire experts dans leur symptomatologie, ce qui favorise l’alliance thérapeutique. Dans le groupe, le rapport coercitif des voix est inversé : habituellement, ce sont elles qui parlent au patient sans qu’il en ait le choix. Grâce à ce dispositif, il devient possible de parler d’elles et d’en faire un objet critiquable, que l’on peut sortir de son seul esprit. Par ailleurs, le caractère régulier des groupes de parole constitue un repère fixe face au caractère imposant, aléatoire et peu contrôlable des voix, ce qui est sécurisant et redonne de l’espoir aux personnes. »
Depuis la mise en place du projet en 2022, une trentaine de personnes atteintes de psychose ont pu bénéficier de ce programme. Présenté aux Prix des équipes soignantes en psychiatrie 2024, ce projet a été salué comme un « coup de cœur » du Jury.
• Contact : M. Salahun-Le Brun, infirmière, marie.salahunlebrun@epsm-morbihan.fr