Au CH Charles-Perrens, l’équipe pharmaceutique s’engage pour sécuriser et optimiser les traitements des patients « doubles parcours » psychiatrie-oncologie.
De nombreuses études témoignent de la réduction de l’espérance de vie des patients souffrant de pathologies psychiatriques, le cancer étant l’une des premières causes de mortalité de cette population (1). En 2023, une étude (2) réalisée auprès de 1300 femmes met en évidence que celles qui souffrent de pathologies psychiatriques et de cancer du sein ont une prise en charge différente des femmes indemnes de pathologie psychiatrique. Les obstacles sont multiples : parcours de soins plus à risque (difficultés d’accès aux soins, retard de diagnostic et donc traitements plus invasifs), moins bonne adhésion médicamenteuse, facteurs de risque comportementaux associés (troubles de l’usage, troubles cognitifs…).
Par ailleurs, les interactions médicamenteuses peuvent être particulièrement à risque, comme lors de la prise de tamoxifène (hormonothérapie dans le cancer du sein) rendue inefficace par certains antidépresseurs (inhibition du cytochrome CYP2D6). De plus, certains effets secondaires des traitements oncologiques ou des soins de support (3) peuvent majorer ceux des psychotropes (allongement de l’onde QT sous Domperidone [antiémétique], dyskinésies sous Metoclopramide [neuroleptique à effet antiémétique]). Ce double parcours psychiatrie-oncologie renvoie également aux difficultés de coordination « ville/hôpital » ou « hôpital/hôpital » et en particulier à celle de mener une analyse pharmacothérapeutique pertinente de la prescription.
Dans ce contexte, et en association avec des pharmaciens experts en oncologie, l’équipe pharmaceutique du CH Charles Perrens a souhaité réfléchir à la façon d’optimiser et de sécuriser les traitements de ces patients « double parcours ». Plusieurs dispositifs sont déjà enclenchés :
– Des conciliations médicamenteuses d’entrée et de sortie afin de mieux connaître l’ensemble de leur traitement. Précisons que tous les patients de plus de 65 ans bénéficient déjà de ce dispositif.
– Une réflexion sur des entretiens systématiques pour travailler leur représentation du médicament, sécuriser leur prise en charge et améliorer leur adhésion au traitement. Tous les patients hospitalisés et suivis en ambulatoires peuvent par ailleurs bénéficier de ce suivi.
– Une collaboration renforcée avec les pharmaciens de l’Institut Bergonié (Centre régional de lutte contre le cancer), ce qui permet d’échanger sur les pratiques, notamment en termes d’outils pour les entretiens et de rédaction de documents communs dédiés à l’analyse pharmacothérapeutique, comme un livret des interactions médicamenteuses.
Enfin, des échanges autour de cas cliniques et des formations destinées aux deux équipes sont prévus en 2024 sur des thématiques communes comme la prise en charge des nausées et vomissements en oncologie.
• Contacts : Julie Thiec, jthiec@ch-perrens.fr
1– Irdes, Septembre 2018. « Personnes suivies pour des troubles psychiques sévères : une espérance de vie fortement réduite et une mortalité prématurée quadruplée » Questions d’économie de la santé n°237
2– Seppänen AV, Fabien D, Houzard S, Le Bihan C et al. 2023. « Breast Cancer Care Pathways for Women with Preexisting Severe Mental Disorders: Evidence of Disparities in France? » Journal of Clinical Medicine 12, no. 2: 412. https://doi.org/10.3390/jcm12020412
3– Terme traduit de l’anglais « supportive care », les « soins de support » sont définis comme l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades pendant et après la maladie. Ils se font en association avec les traitements spécifiques contre le cancer lorsqu’ils sont mis en place.