La Femme Invisible dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme

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Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) publie un rapport inédit sur les relations entre femmes et numérique et formule des propositions pour mettre un terme aux inégalités de genre et rompre le cercle vicieux du sexisme.


Derrière l’omniprésence des technologies et leurs promesses de progrès, persiste une réalité alarmante : que ce soit dans les contenus diffusés ou les métiers exercés, les femmes sont sous-représentées ; invisibilisées, caricaturées ou agressées dans le premier cas, insuffisamment formées ou recrutées dans l’autre.


A partir de l’analyse des 100 contenus les plus vus sur YouTube, TikTok et Instagram, le HCE affirme que : sur Instagram, 68% des contenus propagent des stéréotypes de genre, 27% contiennent des propos à caractère sexuel et 22% des propos à caractère sexiste. Sur YouTube, 24% des contenus contiennent des éléments de violence et seulement 8% des vidéos sont faites par des femmes. Sur TikTok, 61% des vidéos présentent des comportements stéréotypés masculins et 42,5% des séquences d’humour et divertissement contiennent des représentations dégradantes des femmes.

Les réseaux sociaux participent au triple processus d’invisibilisation des femmes, de reproduction des stéréotypes de genre et de diffusion de la violence symbolique et physique envers les femmes. Ce qui pose la question cruciale de la responsabilité des plateformes dans la perpétuation des inégalités et de la violence en ligne.


La filière numérique reste elle largement dominée par les hommes et en conséquence caractérisée par une forte culture sexiste. Seulement 29% des effectifs du numérique en France sont des femmes en 2020 (1) dont 16% dans les métiers techniques et 22% dans les postes de direction. Cette sous-représentation entraine le développement d’outils et de langages qui renforcent la maitrise masculine de cet environnement, repoussant ainsi les femmes à la périphérie des avancées technologiques qui façonnent notre avenir. Et cette inégalité professionnelle prend ses sources dès le parcours éducatif, où la spécialisation genrée des filières écarte les filles des formations scientifiques ou technologiques. Selon les chiffres du Gender Scan, 7% seulement des adolescentes déclarent avoir envie de s’orienter vers le numérique
1 BVA People Consulting. « Rapport de situation comparée Femmes/Hommes 2023 ». Fédération Syntec, 2023
contre 29% des garçons et elles étaient en 2023 seulement 14,6% à choisir la spécialité numérique et sciences informatiques (NSI). A la rentrée 2020-2021, les femmes représentaient 31% des inscrites dans des formations scientifiques dont 23% en informatique. Par ailleurs, un tiers des étudiantes en numériques déclarent avoir été victimes de comportements sexistes.


Malgré les initiatives multiples engagées depuis des années par les pouvoirs publics, les entreprises du numérique et les associations, le HCE constate la lenteur inexorable des progrès accomplis et le retard de la France. Aussi injuste pour les femmes que pour l’avenir du pays, le HCE alerte sur cette situation et demande aux pouvoirs publics d’appliquer d’urgence les préconisations suivantes :
Introduire l’auto-évaluation annuelle des plateformes au travers d’un rapport public annuel supervisé par l’Arcom ;
Imposer des quotas de filles dans les lycées, ainsi que dans l’enseignement supérieur pour les filières du numérique, avec des programmes d’accompagnement, notamment de tutorat et de mentorat ;
– Créer un système de bonification dans Parcoursup pour les filles qui choisissent les filières numériques ;
– Transformer le système d’investissement par la mise en place de quotas genrés ainsi que par l’utilisation d’indicateurs genrés dans les rapports d’investissement ;
Former les enseignant·es aux enjeux d’égalité femmes-hommes et introduire une nouvelle pédagogie dans l’enseignement des mathématiques et du numérique, en mettant notamment en lumière les opportunités professionnelles qui y sont liées ;
Inscrire la proportion filles-garçons dans les critères des rapports RSE des entreprises pour les inciter à intégrer plus de femmes, des stages de 3ème et de 2nde et des lycées professionnels, jusqu’aux contrats d’apprentissage et aux parcours de reconversion, dans les métiers du numérique ;
– Développer un système d’aides financières à la reconversion au numérique supérieures aux autres aides à la reconversion, à destination des femmes qui se forment et des entreprises qui les recrutent.


Le HCE compte sur l’application de ses recommandations pour réduire la fracture numérique de genre et créer un environnement numérique inclusif. La féminisation du secteur et la régulation des contenus doivent être une priorité au plus haut niveau de l’Etat.

(1) BVA People Consulting. « Rapport de situation comparée Femmes/Hommes 2023 ». Fédération Syntec, 2023

Lire l’intégralité du rapport

Communiqué HCE, 7 novembre 2023