Cocaïne : hausse des consommations et dangerosité minorée

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Entre 2010 et 2022, les recours aux urgences pour un usage de cocaïne ont triplé, et les hospitalisations et demandes de traitement pour ce motif ont fortement augmenté, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) qui consacre un numéro de Thema à ces tendances. Réalisé notamment avec Santé publique France et le réseau d’addictovigilance, il offre un état des lieux des tendances en termes d’offre et de marché, de diffusion de la consommation de cocaïne et des conséquences sanitaires observées.

La circulation de cocaïne dans le monde, en Europe et en France s’est amplifiée depuis les années 2010, représentant 1/3 du marché des stupéfiants en Europe, à l’image du niveau record de la production et des quantités saisies : la quantité de cocaïne produite dans le monde est passée de 1 134 tonnes en 2010 à 1 982 tonnes en 2020 (1) et, en France, 27,7 tonnes de cocaïne ont été saisies en 2022, contre 10,8 tonnes en 2011 (2).

Pivot de la circulation de la cocaïne, l’Europe assiste à cet essor de l’offre et de l’accessibilité du produit à mesure que son prix de détail diminue (entre 50 et 70 euros le gramme, en France) et que sa disponibilité progresse. Cette croissance s’explique en partie par la prolifération des canaux d’approvisionnement en cocaïne, la diversification des acteurs criminels et des modes opératoires du trafic, et le développement d’installations de production de cocaïne au sein même de l’espace européen. L’accessibilité de la cocaïne est renforcée par la forte présence de trafics sur les réseaux sociaux et le développement des livraisons à domicile.

Une consommation en hausse et des usagers aux profils diversifiés

Cette offre en expansion a favorisé la hausse de la consommation de cocaïne. Après le cannabis, la cocaïne est le produit illicite le plus consommé et sa dynamique de diffusion s’est accélérée en 20 ans à l’échelle mondiale, culminant à près de 21,5 millions d’usagers dans l’année en 2020, contre 14 millions à la fin des années 1990. Au sein de l’Union européenne (UE), sa diffusion concerne 3,5 millions d’usagers dans l’année en 2020. En France, un des pays les plus consommateurs au sein de l’UE, l’OFDT estime le nombre de consommateurs à 600 000 usagers dans l’année, contre 5 millions pour le cannabis et 400 000 pour la MDMA/ecstasy en 2017.

Depuis 2014, l’expérimentation de cocaïne régresse dans l’ensemble de la population mais elle est plus courante au-delà de 25 ans. Par ailleurs, l’expérimentation de cocaïne est de plus en plus rare parmi les mineurs : si, entre 2000 et 2014, la diffusion du produit avait plus que triplé parmi les adolescents de 17 ans (0,9 % en 2000 et 3,2 % en 2014), elle a connu une baisse sensible entre 2014 et 2022. En 2022, 1,4 % des 17 ans ont déjà consommé le produit, soit une baisse de moitié en 5 ans.

La consommation de cocaïne (au moins une fois dans l’année) reste donc un phénomène qui concerne avant tout les adultes : 1,6 % des adultes en 2017, contre 0,3% en 2000. Cette consommation reste donc marginale en France en population générale, concentrée dans certaines fractions de population. Néanmoins, l’usage de cocaïne s’est élargi parmi les adultes : plutôt circonscrit à l’espace festif et aux catégories sociales les plus aisées il y a 20 ans, il s’est étendu à d’autres milieux sociaux. Cette pluralité des profils d’usagers se traduit aussi par la diversification des modes de consommation, sous forme sniffée (cocaïne-poudre), fumée/inhalée (cocaïne basée ou crack) ou injectée.

Des signaux sanitaires qui incitent à la vigilance

Alors que les perceptions sociales tendent à minorer la dangerosité du produit, les signaux sanitaires relevés en France sont convergents : triplement des recours aux urgences pour un usage de cocaïne entre 2010 et 2022, montée en charge des hospitalisations et des demandes de traitement pour un usage de cocaïne.

Selon les données de Santé publique France, le taux de recours aux urgences pour usage de cocaïne atteint 21,2 passages pour 100 000 passages aux urgences en 2022, contre 8,6 en 2010. Cet indice d’aggravation des conséquences sanitaires liées à l’usage de cocaïne s’illustre aussi par l’augmentation croissante des demandes de traitement au titre de la cocaïne au sein des dispositifs spécialisés en addictologie (CSAPA) : l’OFDT recense 5 907 demandes de traitement en 2020, contre 2 613 en 2010. Par ailleurs, en 2021, 20 198 séjours hospitaliers en lien avec une intoxication à la cocaïne en France ont été enregistrés, contre 4 832 en 2010.

La prise en charge sanitaire des usagers de cocaïne reste donc un enjeu important, qui appelle une évolution des pratiques professionnelles en matière de repérage des consommateurs. Un autre enjeu concerne les besoins de recherche de traitements médicamenteux efficaces, en application des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Face à l’expansion du marché de la cocaïne, les pouvoirs publics développent des réponses de plus en plus ciblées, en termes de réduction de l’offre (coopération internationale et lutte contre les trafics), comme de prévention, d’accompagnement et de réduction des risques, de prise en charge sanitaire et de soutien à la recherche.

• La cocaïne, un marché en essor. Evolutions et tendances en France, Rapport, Coll. Thema, mars 2023. En pdf sur le site de l’OFDT.

1– Selon l’estimation de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC)
2– Selon l’estimation de l’Office anti-stupéfiants (OFAST)