Dix orientations pour la stratégie interministérielle addictions 2023-2027

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A la suite du Plan addictions 2018-2022, le Gouvernement a adopté le 9 mars la Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027, qui fixe un cap et un cadre pour les années à venir. Sur le plan opérationnel, cette stratégie sera complétée de plans et programmes nationaux et locaux, établis en concertation avec les professionnels, les élus et partenaires locaux.

Dans un document d’une cinquantaine de pages, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) rappelle le contexte et présente la Stratégie globale, dont la vocation première est de « fixer un cadre et de favoriser la mobilisation de l’ensemble des pouvoirs publics qui concourent à cette politique. » Le document décline les principes guidant cette action, les « raisons de se mobiliser » et fixe dix orientations « fortes, la plupart non spécifiques du champ de telle ou telle administration » , qui ont pour but de « décrire les principaux axes de progrès ». Ces orientations stratégiques devront se traduire « en actions opérationnelles ayant un impact tangible pour les citoyens ». Par ailleurs, au fil du texte, des mesures phares et pistes d’actions sont citées, « qui seront précisées dans les plans d’actions et mises en œuvre en fonction des contextes, des publics et des territoires. »

Les objectifs cibles 
Les conséquences des consommations à risque de substances psychoactives et des conduites addictives sont considérables et touchent de très nombreux aspects du fonctionnement de la société française. Contribuer à relever ces défis implique d’atteindre des résultats. Les objectifs cibles sont :
•  une évolution des représentations associées aux produits psychoactifs et une meilleure connaissance des risques et dommages associés, chez les différentes populations (adolescents, femmes enceintes, adultes, parents, professionnels…).
• une réduction de l’accessibilité tant des produits licites (alcool, tabac, jeux d’argent et de hasard), avec en particulier
le respect de l’interdiction de vente aux mineurs, que des produits illicites.
• un recul de l’âge des expérimentations, notamment par la création d’un environnement familial protecteur.
• une réduction des consommations de produits psychoactifs et des conduites addictives, en particulier chez les enfants et jeunes adultes;
• une augmentation de la proportion des patients atteints d’addictions pris en charge (réduction du "treatment gap").
• une réduction de la criminalité, de la violence et de l’insécurité liées aux trafics.

Dans cette perspective, il s’agira de développer une action globale et coordonnée, fondée sur des connaissances robustes et appuyée sur des alliances territoriales.

Les dix orientations sont :

• DOTER CHACUN DE LA LIBERTÉ DE CHOISIR, c’est-dire au-delà du respect de la liberté individuelle, renforcer les compétences psychosociales des individus pour « prévenir les comportements à risques » et informer davantage et mieux sur les produits. Dans ce registre, il s’agit de déployer une information ciblée sur les risques, « en adaptant le contenu et le vecteur aux différents publics cibles », notamment les adolescents et les jeunes adultes, qui constituent un public cible prioritaire. Des informations peuvent être utilement transmises en milieu scolaire et via des canaux de communication innovants. Une mesure phare citée est « d’élaborer et diffuser des campagnes d’information et de prévention sur les risques parfois méconnus liés à la consommation de cocaïne. »

• CONFORTER LE RÔLE CLÉ DE LA SPHÈRE FAMILIALE. La Stratégie pointe que « l’initiation à des produits psychoactifs (en particulier l’alcool) ou à certaines pratiques à risque (jeux d’argent et de hasard, certains usages d’écrans) se fait encore fréquemment dans le cercle familial ». Il convient d’informer les parents et de les soutenir dans leurs rôles. Les parents doivent être « accompagnés pour adopter une posture qui ne soit ni de dramatisation, ni de banalisation des
consommations de substances psychoactives ou de jeu d’argent et de hasard »
Par ailleurs, il faut favoriser « le déploiement des programmes probants de soutien aux familles ».

ASSURER À CHAQUE USAGER UNE PRISE EN CHARGE ADAPTEE, alors qu’aujourd’hui « moins de 20 % des personnes présentant un trouble de l’usage de substances bénéficient d’un traitement, qu’il s’agisse de fumeurs, des consommateurs problématiques d’alcool ou de drogues illicites » et que seul un tiers des patients ayant un diagnostic de dépendance à l’alcool a demandé de l’aide à un médecin. Le document relève que « 62 % des médecins généralistes n’ont pas suivi de formation spécifique en addictologie et 55 % d’entre eux ont du mal à parler d’alcool quand le sujet n’est pas l’objet de la consultation ». Dans ce contexte, les pistes d’action sont notamment :
– Amplifier la sensibilisation et la mobilisation des professionnels de santé de premier recours sur le repérage et la prise en charge des addictions.
– Doter les professionnels de référentiels de bonnes pratiques pour une harmonisation des pratiques professionnelles.
– Développer les infirmiers de pratique avancée formés à l’addictologie.
– Renforcer la prévention, le repérage et la prise en charge pendant la grossesse.

ENCADRER STRICTEMENT LA PUBLICITÉ ET LA VENTE DES PRODUITS À RISQUE. Réduire la pression publicitaire, en particulier celle visant les jeunes, et limiter l’accès des jeunes à certains produits passe par un respect plus strict des lois existantes. Il s’agit par exemple « d’organiser des dispositifs d’observation des stratégies promotionnelles » et de « renforcer les contrôles en matière de publicités afin d’accroitre l’action répressive en cas de manquements aux dispositions législatives et réglementaires. »

• AGIR SUR LES PRIX est « unanimement reconnu comme l’un des leviers les plus efficaces pour réduire la demande ». En effet, même pour ces produits addictogènes, l’élasticité prix est négative. « Une hausse d’1 % du prix de l’alcool entraîne une baisse de la consommation comprise entre 0,3 et 0,5 % ». Concernant le tabac, une mesure phare veut « harmoniser la fiscalité du tabac au niveau européen afin de limiter les distorsions de concurrence au sein du marché intérieur. »

RÉDUIRE LA DISPONIBILITÉ ET L’ACCESSIBILITÉ DES PRODUITS STUPÉFIANTS. Au regard de l’état de la menace générée par les trafics de stupéfiants, une intensification de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants s’impose. Un nouveau plan de lutte contre les trafics de stupéfiants est annoncé en 2023, qui vise notamment :
– Entraver l’arrivée de produits stupéfiants depuis les zones de production, de rebond et de transit, notamment par le renforcement de la coopération avec les pays concernés,
– Priver les trafiquants de leurs avoirs criminels,
– Adapter les moyens technologiques et les moyens juridiques de lutte contre la criminalité organisée.

• VIVRE ENSEMBLE SANS PRODUITS PSYCHOACTIFS. Deux pistes d’actions sont citées pour accélérer le déploiement des espaces sans tabac, en particulier dès lors qu’ils sont fréquentés par des enfants et favoriser l’organisation de moments festifs valorisant la faible consommation d’alcool et la consommation de boissons non alcoolisées.

• FAIRE DES MILIEUX DE VIE DES ENVIRONNEMENTS PLUS PROTECTEURS. Certains milieux de vie méritent une attention particulière : milieu de travail, lieux d’enseignement supérieur et de formation, établissements et services sociaux et médico-sociaux, lieux de détention.
La Stratégie rappelle que « la réduction des inégalités de santé est un axe prioritaire du Fonds de lutte contre les addictions » et que plusieurs projets d’ampleur sont ainsi financés, en direction de différents publics précaires et/ou
vulnérables. En s’appuyant sur les recommandations de janvier 2023 de la Haute Autorité de santé pour la prévention des conduites addictives et réduction des risques et des dommages en établissements et services sociaux et médico-sociaux, il faut « favoriser l’intégration durable dans les projets d’établissement et les pratiques professionnelles des démarches de prévention des conduites addictives et de réduction des risques en direction des publics accueillis ainsi que des professionnels de chaque secteur social ou médico-social (hors addictologie). »

FAIRE DES FÊTES ET DES GRANDS ÉVÉNEMENTS DES OPPORTUNITÉS DE MOBILISATION. Les événements culturels ou sportifs doivent devenir des opportunités de prévention des conduites addictives. Y limiter l’exposition publicitaire et l’accessibilité aux boissons alcoolisées sont des pistes d’action. La Midelca suggère ainsi de « mettre à profit la coupe du monde de rugby 2023 et les Jeux olympiques 2024 » pour mener ce type d’actions.

• OBSERVER, ÉCLAIRER ET ÉVALUER POUR MIEUX AGIR. Il convient de continuer à soutenir et à orienter la production de données scientifiques, facilement mobilisables par les pouvoirs publics. Pour cela, deux grands axes : poursuivre la structuration de la recherche et favoriser l’évaluation. C’est en effet en se référant à la mesure objective de leur efficacité que « les pouvoirs publics peuvent aujourd’hui promouvoir les programmes de renforcement des compétences psycho-sociales » pointe la Mildeca, qui cite également l’évaluation rigoureuse menée sur les salles de consommations à
moindre risque, qui a permis « la rédaction d’un nouveau cahier des charges pour les futures Haltes soins addictions ».

• Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027, Mildeca, mars 2027, en pdf sur le site du Gouvernement