Sept ans après la promulgation de la loi « Claeys-Leonetti », une mission d’évaluation de l’Assemblée nationale en dresse le bilan, pour alimenter et éclairer le débat public actuel sur la question de la fin de vie. Pendant plus de deux mois, les députés ont entendu une grande diversité d’acteurs – quatre-vingt-dix au total au cours de trente-et-une auditions –, ayant souvent des approches différentes du sujet pour avoir une vision globale de l’application de la loi. Ils constatent que les dispositions de la loi restent largement méconnues des patients mais aussi des soignants. Ils relèvent également de grandes disparités territoriales. Leurs travaux ont fait l’objet d’un rapport adopté en séance publique le 29 mars 2023.
Composée de quatorze articles, cette loi garantit notamment de nouveaux droits pour les patients en consacrant le caractère contraignant des directives anticipées, le renforcement du rôle de la personne de confiance et la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCJD). Elle réaffirme par ailleurs le refus de l’obstination déraisonnable, le droit à une fin de vie digne ou encore l’accès aux soins palliatifs pour tous.
Un accès aux soins palliatifs insuffisants
Le premier constat des parlementaires questionne l’effectivité de l’accès aux soins palliatifs. La cartographie des soins palliatifs est marquée par des disparités territoriales (21 départements ne disposaient pas d’unités de soins palliatifs fin 2021). Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y avaient pas accès. Les rapporteurs soulignent qu’il est indispensable de continuer à développer massivement ces soins palliatifs afin que les droits des malades prévus par la loi soient pleinement garantis partout en France. Cela suppose de rendre plus attractive cette filière qui est affectée par la pénurie de soignants.

Une culture palliative qui peine à se diffuser
Les professionnels de santé sont toujours davantage formés à guérir qu’à soigner. La mort est souvent envisagée sous l’angle de l’échec thérapeutique et les soins palliatifs sont relégués à la gestion de la mort alors même que les prises en charge curative et palliative doivent être menées conjointement. Une forte étanchéité perdure en effet entre les soins curatifs et les soins palliatifs. Une telle situation nuit à la qualité de la prise en charge des patients, transférés parfois tardivement en soins palliatifs. Il est donc essentiel de mieux sensibiliser les soignants aux soins palliatifs et de rendre obligatoires les formations, initiales et continues, en soins palliatifs, en particulier pour les médecins.
Directives anticipées et personne de confiance : des dispositifs méconnus et imparfaits
Les travaux de la mission montrent que les directives anticipées et la personne de confiance constituent des avancées pour les droits des patients qu’il ne faut pas remettre en cause, mais que l’application de ces dispositifs reste perfectible. Ils doivent notamment être beaucoup plus largement diffusés, auprès des patients mais également des soignants. Il importe par ailleurs de conserver la plus grande liberté dans la rédaction des directives anticipées, tout en tenant à disposition de chacun toutes les ressources pouvant faciliter leur rédaction.

Un recours très limité à la sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPCJD)
Le principal constat qu’a pu faire la mission est celui d’un recours très rare à la pratique de la SPCJD. La prévalence de cette dernière est en effet estimée à 0,9.% selon une étude récente (étude PREVAL- S2P). Très limité, ce recours est aussi variable selon le lieu de prise en charge. Le type de structure apparait plus déterminant que la spécialité pour expliquer ces disparités.
La loi Claeys-Leonetti précise que la SPCJD doit pouvoir être accessible à toute personne qui le demande et qui en remplit les conditions, y compris à domicile. Or, cette pratique apparait difficile, voire quasiment impossible à mettre en œuvre en dehors de l’hôpital. Par ailleurs, en pratique, semble persister une confusion autour du sens de la SPCJD et de l’intention qui la sous-tend. Certain dénoncent en effet une forme d’hypocrisie autour de cette pratique. La SPCJD susciterait ainsi une forme de réticence chez certains soignants.
• Mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (loi Claeys-Leonetti) Dossier de presse sur le site de l’Assemblée nationale. Voir aussi la vidéo de la séance publique.