Quelle évolution de la profession et de la formation infirmière ?

FacebookTwitterLinkedInEmail

Dans un contexte de grande tension du système de santé, comment faire évoluer la profession infirmière et la formation ? Mandatées en février 2022 par leurs ministres de tutelle, Olivier Véran et Frédérique Vidal, les Inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont terminé leur rapport en octobre 2022. Non publié, mais diffusé par Hospimedia, il formule une vingtaine de propositions.

Dans un contexte d’augmentation des besoins et de crise du système de santé, la lettre de mission souligne la nécessité de s’appuyer sur les infirmiers pour « poursuivre les transformations en profondeur » du système de santé et ainsi mieux mobiliser leur expertise tout en procédant à une « révision en profondeur de leur formation ».

Rappelons les six axes de travail de la mission Igas/IGESR :
- Déterminer les profils des étudiants infirmiers, leurs motivations et leurs projets professionnels ;
- Caractériser les champs de compétences réels des infirmiers et leurs particularités, en établissement de santé et médico-sociaux, en exercice collectif coordonné et en libéral, ainsi que leur projection à moyen et long termes ;
- Reconnaître les nouvelles activités à intégrer dans le métier socle, en s’appuyant sur les usages actuels, les besoins du système de santé et ceux identifiés auprès des patients, tout en considérant la soutenabilité des dépenses de santé ;
- Identifier les voies d’entrée et de mobilité professionnelle, notamment au sein de l’Union européenne ainsi que les problématiques d’attractivité et de départ (prématuré) de la profession ;
- Explorer les opportunités et la pertinence d’une construction juridique rénovée de l’exercice et des compétences infirmières au sein de l’écosystème des professions ;
- Déterminer en conséquence les possibilités d’évolution de la formation des infirmiers, en précisant les trajectoires universitaires.

Des compétences élargies

« L’exercice professionnel des infirmiers est aujourd’hui fondé sur un décret d’actes qui constitue, par son degré de précision, une spécificité française « , constatent les auteurs, en se fondant sur les éléments de comparaison internationale. En effet, dans la plupart des pays, la profession infirmière est généralement définie « par grandes missions ». Les rapporteurs proposent donc de mener, dès le début de l’année 2023, « une concertation sur l’élargissement du champ de compétences infirmier » et ce, « à partir des missions à développer notamment la prévention, la coordination et les soins de proximité et en intégrant à la réflexion « les pratiques réelles de terrain, en particulier certains protocoles de coopération« .

Plusieurs mesures concernent donc le champ de compétences et d’exercice infirmier. Parmi elles, soulignons :
– Revoir la définition législative de la profession infirmière en la structurant par grandes missions ;
– Déterminer les missions dont la mise en œuvre sera conditionnée à l’intégration des infirmiers à des dispositifs
d’exercice coordonné ;
– Consacrer au niveau législatif un pouvoir de prescription des infirmiers en lien avec les missions qui leur sont attribuées et renvoyant à un décret les conditions d’application et la liste des prescriptions concernées ;
– Mettre en place des consultations infirmières en structure coordonnée dans des domaines et pathologies spécifiques.
– En complément du socle acquis en formation initiale, prévoir un élargissement des compétences des infirmiers par des certifications complémentaires inscrites au répertoire national des certifications professionnelles et accessibles, autant que possible, par la validation des acquis de l’expérience.

En matière de conditions d’exercice, la mission recommande « de conditionner l’exercice infirmier en intérim à l’exigence d’une expérience minimum préalable pour y accéder « .

Formation au métier infirmier

Le rapport consacre une grande partie de son contenu à la formation des professionnels infirmiers. Ainsi, « la professionnalisation du processus de formation, de la sélection jusqu’à la diplomation » doit être renforcée.
Ces recommandations en attestent :
– Renforcer l’information sur la formation et le métier d’infirmier en développant des partenariats IFSI-EPLE (établissement public local d’enseignement) pour accompagner les projets d’orientation. Proposer un test d’auto-positionnement à destination des lycéens.
– Conforter les acquis de l’accès aux IFSI via la plateforme Parcoursup et ne pas introduire une présélection et un oral source de risques (s’appuyer sur une meilleure définition des critères d’analyse du projet motivé des candidats et sur la détermination des prérequis académiques et scientifiques attendus des bacheliers, garants d’un parcours de réussite des étudiants retenus).
– Réviser le référentiel de formation de 2009 tenant compte des arbitrages relatifs à l’exercice de la profession infirmière et en respectant trois grands principes : la conformité avec les exigences du diplôme national de licence, un caractère moins prescriptif et une évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES).
– Renforcer l’encadrement des stages en reconnaissant et valorisant la fonction de tuteur de stage.
– Créer ou mutualiser, lorsqu’ils existent, les enseignements communs aux différentes formations en santé et
paramédicales ainsi que les exercices de mises en situation par le biais de simulations.
– Achever l’intégration universitaire du cursus infirmier en allant vers une diplomation universitaire reposant sur un diplôme national de licence en sciences pour la santé mention « sciences infirmières ».
– En conformité avec la directive européenne et pour respecter une durée globale de formation de trois ans, réorganiser la formation pour atteindre 4 600 heures dont 2 300 heures de formation clinique, stages et exercices de simulation en santé, et 2 300 heures d’enseignement théorique dont 500 heures de travaux personnels et collectifs encadrés.
– Modifier la programmation du nombre maximum d’étudiants à admettre en première année d’études préparatoires au diplôme d’État d’infirmier

Les effets collatéraux sur les autres professions de santé

Les sujets soulevés par la mission sur l’évolution de la profession infirmière touchent d’autres professionnels de santé. Ainsi, « les évolutions envisagées pour les uns susciteront immanquablement des attentes de la part des autres« . Et la mission de citer les professionnels concernés « en premier lieu les médecins mais aussi les aides-soignants ou encore les IPA dont le champ de compétences a été construit avant de se poser la question des compétences « socles »« . Ainsi, les travaux du conseil national de la refondation « santé » sont l’occasion, à partir des problématiques vécues sur le terrain, « de remettre en adéquation les compétences des professionnels de santé avec les besoins constatés et à venir de la population« . La mission invite donc à intégrer dans une stratégie d’ensemble les évolutions de compétences des infirmiers, des IPA, des spécialités infirmières en tenant compte du rôle des autres professionnels de santé.

Source – Le rapport sur l’évolution de la profession et de la formation des infirmiers se dévoile, Hospimedia, 18 janvier 2022, version abonnés.