Quelles pratiques infirmières en psy pour les traitements « si besoin » ?

FacebookXBlueskyLinkedInEmail

Selon une étude transversale réalisée auprès d’infirmiers en psychiatrie, l’administration d’un traitement « si besoin », fréquemment utilisé en psychiatrie, est souvent problématique. Leur efficacité n’est pas établie, et il existe un risque avéré d’effets indésirables liés à ces prescriptions. Les chercheurs estiment que l’arrivée des infirmiers en pratiques avancées (IPA) contribuerait à améliorer les pratiques de soins qui semblent poser problème autour du traitement. Résumé des auteurs.

Les prescriptions médicales anticipées (dites « si besoin ») sont fréquentes en psychiatrie et les risques engendrés par ces traitements exigent qu’elles soient de qualité et conformes aux bonnes pratiques afin de sécuriser leur administration. La prescription d’un traitement « si besoin » est correcte si elle précise la posologie des molécules, la dose maximale sur 24 h, la voie d’administration, l’intervalle minimal entre deux prises, le symptôme ou motif qui légitime l’administration. Ces traitements sont souvent administrés à la demande du patient mais dépendent principalement de l’évaluation clinique infirmière. La décision d’administration dépend de la situation clinique du patient, de la nécessité d’assurer sa sécurité mais est aussi fonction de l’expérience du professionnel infirmier et de ses habitudes de travail.

Objectifs. – Notre objectif principal était d’évaluer la satisfaction des infirmiers concernant la qualité de la prescription médicale pour les traitements « si besoin ». Notre objectif secondaire était d’évaluer les pratiques infirmières auto-déclarées pour l’administration des traitements en « si besoin » en fonction de la prescription.

Méthode. – Des questionnaires à remplir individuellement ont été envoyés à tous les infirmiers de l’établissement via messagerie professionnelle entre le 13 novembre 2014 et le 10 décembre 2014. Le questionnaire était composé de questions à choix multiples et de 3 mises en situation (prescription non conforme car sans indication ni fréquence d’administration; consentement du patient; respect des horaires de prescription).

Résultats. – Le taux de réponse était de 51,9 % (124/239). 75,6 % des professionnels considéraient que la qualité de la prescription concernant la posologie était satisfaisante. Concernant la qualité de la prescription médicale, les infirmiers déclaraient ne pas contacter le médecin, même si celle-ci est n’est pas conforme. Pour 85,2 % des infirmières, le jugement clinique du professionnel était le principal critère d’administration du traitement. Pour 93,5 % des professionnels, le traitement « si besoin » n’est administré qu’après un entretien avec le patient.

Dans les circonstances pour lesquelles les infirmiers pourraient administrer un « si besoin », 61,8 % répondent qu’ils préfèrent parfois devancer l’horaire d’un traitement prescrit en systématique. 88,7 % des professionnels ayant répondu déclaraient avoir déjà administré des traitements « si besoin » sans prescription médicale, ni même avis médical. Les médicaments concernés étaient majoritairement des traitements à visée antalgique et laxative. Peu de professionnels avaient administré sans prescription un anxiolytique ou un anticholinergique. Seulement 67,5 % des personnes interrogées validaient de manière systématique le traitement via le logiciel de traitement.

Concernant les mises en situation, une majorité des personnes enquêtées (de 71,1 % à 90,2 %) déclaraient ne pas contacter le médecin, même devant une prescription dont la posologie était insuffisamment définie ou pour décaler l’horaire d’une prise médicamenteuse.

Conclusions. – Les PRN (pro re nata as needed-medications) sont fréquemment utilisées en psychiatrie. Cependant, leur efficacité reste à prouver et il existe un risque avéré d’effets indésirables liés à ces prescriptions. Les infirmiers semblent globalement satisfaits des prescriptions anticipées personnalisées par les médecins, même si l’enquête confirme une qualité insuffisante dans la prescription, notamment en terme de posologie et d’indication, de symptôme défini. La plupart d’entre eux admettent administrer des traitements sans aucune prescription, ce qui est illégal. D’une part, les médecins doivent se montrer plus rigoureux dans leurs prescriptions anticipées personnalisées. Et, de leur côté, les infirmiers doivent se conformer à la prescription ou contacter le médecin si la prescription est incomplète ou non conforme. De surcroît, il peut exister une mise en danger des patients, lorsque la dose maximale par 24 h est administrée en une dose unique. D’autre part, le consentement du patient n’est pas toujours recherché lorsqu’il est possible. Nous pouvons penser que le nouveau diplôme d’infirmiers en pratiques avancées mention psychiatrie et santé mentale pourra contribuer à améliorer les pratiques de soins qui semblent poser problème autour du traitement. Enfin, ces professionnels pourront renouveler et adapter les traitements psychotropes, les traitements correcteurs des effets indésirables et certains traitements antalgiques. Ils seront aussi en mesure de proposer une alternative non médicamenteuse au traitement et de développer l’éducation thérapeutique. Ils auront d’autre part un rôle essentiel dans l’appropriation des bonnes pratiques par les équipes, soutiendront la démarche qualité et pourront initier des recherches fondées sur l’Evidence Base Nursing. L’arrivée des infirmiers en pratiques avancées devrait aller dans le sens d’une collaboration plus étroite avec les médecins et ainsi contribuer à une meilleure qualité de prescription et de soin.

Pro re nata medications in mental health: Results of a transversal study. Traitement « Si besoin » en santé mentale : résultat d’une étude transversale auprès d’infirmiers sur la qualité des prescriptions médicales et évaluation des pratiques infirmières, G. Legrand, E. Gregoire, D. Fererol, Z. Cardinaud, C. Cussac-Buchdahl, A. Debost-Legrand, Association Hospitalière Sainte-Marie, Université Clermont Auvergne, L’Encephale, EM Consult, disponible en ligne depuis le 15 octobre 2022, Doi : 10.1016/j.encep.2022.06.008