Périnatalogie : une enquête nationale pour y voir plus clair

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Les résultats de l’enquête nationale périnatale 2021* (ENP 2021), rendus publics le 6 octobre dernier, apportent un éclairage essentiel sur l’état de santé actuel des mères et des nouveau-nés, les pratiques médicales pendant la grossesse et l’accouchement, ainsi que les caractéristiques démographiques et sociales des femmes et des familles. Un volet de l’enquête s’intéresse notamment aux pathologies et état psychologique au cours de la grossesse et leur suivi à deux mois.

L’enquête s’est intéressée à l’âge des femmes au moment de la grossesse. Les données recueillies permettent de constater que la tendance au report des naissances à des âges maternels plus élevés (déjà observée depuis plusieurs décennies) se poursuit. Ainsi, la part des femmes âgées de 35 à 39 ans à l’accouchement et celle de 40 ans et plus sont en augmentation depuis 2016 (19,2 % en 2021 contre 17,2 % en 2016 et 5,4 % en 2021 contre 3,9 %, respectivement).

Prévention pendant la grossesse
C’est notamment le cas de la consommation de substances psychoactives, les professionnels de santé étant particulièrement actifs pour mettre en place des mesures de prévention dans ce domaine. On observe ainsi que la proportion des femmes déclarant une consommation de tabac au 3e trimestre de grossesse est en diminution (12,2 % en 2021 contre 16,3 % en 2016), de même que celle des femmes déclarant consommer du cannabis durant la grossesse (1,1 % contre 2,1 %). En 2021, environ 97 % des femmes ont déclaré n’avoir jamais consommé d’alcool durant la grossesse. Néanmoins, ces chiffres sont à prendre avec précaution surtout concernant la consommation d’alcool qui est souvent sous-déclarée par les femmes enceintes.

Santé physique et mentale des femmes au cours de la grossesse

En 2021, en cette période de pandémie de Covid-19, des données ont été recueillies sur l’infection par le SARS-CoV-2. Au total, 678 femmes (soit 5,7 % de l’effectif) ont été infectées durant leur grossesse, dont 9,8 % au cours du 1er trimestre, 40,9 % pendant le 2e trimestre et 49,3 % lors du 3e trimestre. Complication fréquente au cours de la grossesse, le diabète gestationnel a fait l’objet d’un dépistage pour 76,1 % des femmes en 2021 contre 73,2 % en 2016. Ce taux est élevé par rapport à ce que l’on pourrait attendre, faisant penser que le dépistage est encore fréquemment réalisé chez des femmes ne correspondant pas à la population cible des recommandations du Collège national des gynécologues-obstétriciens français, datant de 2010. La fréquence du diabète gestationnel a augmenté (16,4 % en 2021 contre 10,8 % en 2016), ce qui peut être expliqué en partie par l’augmentation de la fréquence de réalisation du dépistage, mais aussi par l’augmentation de la prévalence des facteurs de risque (âge maternel et obésité notamment), ou encore par une prise en compte croissante des critères de diagnostic figurant dans des recommandations pour la pratique clinique en vigueur depuis 2010.

Concernant la santé mentale des femmes, si elle est comparable, entre les deux éditions, au moment de la découverte de la grossesse (plus de 70 % se déclaraient heureuses d’être enceintes), elle semble s’être dégradée pendant la grossesse (63,2 % des femmes se sont senties « bien » durant la grossesse en 2021 contre 67,7 % en 2016). La part des femmes ayant consulté un professionnel de santé pour des difficultés psychologiques en cours de grossesse est en augmentation (8,9 % en 2021 contre 6,4 % en 2016). Les données de l’ENP 2021 ne permettent pas de savoir dans quelle mesure cette évolution est liée au contexte de pandémie de Covid-19, où la santé mentale de la population générale s’est également dégradée.

La durée du séjour en maternité après l’accouchement continue de diminuer, aussi bien chez les femmes ayant accouché par voie basse que chez celles ayant accouché par césarienne. En moyenne, la durée de séjour est de 3,7 jours (contre 4,0 jours en 2016).

Santé mentale et accompagnement des professionnels de santé

Pour la première fois, l’enquête révèle que 16,7 % des femmes présentent des symptômes suggérant une dépression post-partum, évaluée à partir de l’échelle EPDS à deux mois après l’accouchement – sans qu’il ne soit possible de dire quel est le lien avec la dégradation de la santé mentale de la population générale pendant la pandémie. Par ailleurs, 15,5 % des femmes déclarent avoir vécu difficilement ou très difficilement leur grossesse et 11,7 % avoir un mauvais voire très mauvais vécu de leur accouchement. De plus, l’enquête révèle qu’environ 10 % d’entre elles rapportent avoir été confrontées à des paroles ou attitudes inappropriées de la part des soignants pendant leur grossesse, leur accouchement ou le séjour à la maternité et 6,7 % à des gestes inappropriés. Des progrès doivent également être réalisés pour obtenir le consentement des femmes avant la réalisation des actes et interventions lors de la grossesse et de l’accouchement. Par exemple, 4,2 % des femmes déclarent que les professionnels n’ont jamais demandé leur accord avant la réalisation d’un toucher vaginal durant la grossesse. Néanmoins, les femmes demeurent globalement satisfaites du suivi qu’elles ont reçu. Plus de 90 % se disent « satisfaites » voire « très satisfaites » de leur prise en charge médicale durant leur suivi de grossesse et de leur prise en charge par les professionnels de santé en salle de naissance. Suite à l’accouchement, elles sont aussi nombreuses à avoir bénéficié de la visite à domicile d’une sage-femme (79,1 %). Quasiment toutes les femmes ont reçu des conseils sur le mode de couchage de leur enfant. Elles suivent globalement bien ce conseil puisque 79,6 % déclarent coucher toujours leur enfant sur le dos et 11,6 % souvent. En revanche, seulement la moitié des femmes déclarent avoir reçu des conseils sur la manière de calmer les pleurs de leur enfant.

Quid de la consommation de toxiques
Parmi les femmes qui fumaient avant la grossesse, 87,5% déclarent avoir diminué ou arrêté au cours de la grossesse, principalement pour la santé de leur enfant (99,3%) ou leur propre santé (55,9%). A 2 mois du post-partum, elles sont 14,6% à fumer des cigarettes classiques, 1,5% des cigarettes électroniques sont fumeuses, les femmes consomment en moyenne 8,2 cigarettes classiques par jour. Moins de 1% des femmes déclarent avoir consommé du cannabis depuis leur retour à domicile. Concernant la consommation d’alcool depuis le retour à domicile, 64,9% des femmes n’en ont pas consommé, 15,0% une fois par mois ou moins, 14, 8% deux à quatre fois par mois et 5 ,3% deux à trois fois par semaine ou plus. En cas de consommation d’alcool, la consommation au cours d’une semaine était de moins d’un verre pour 50,9% des femmes, entre un et quatre verres pour 44,0% d’entre elles, entre 5 et 10 verres pour 4,7% et 11 verres ou plus pour 0,4% des femmes.

En 2021, 6% des femmes déclarent avoir subi des violences psychologiques, soit pendant la grossesse (3,7%), soit depuis la naissance (0,5%), soit les deux (1,8%). Dans plus de la moitié des cas, ces violences étaient répétées (au moins deux fois). L’auteur des violences psychologiques était le partenaire pour 25,3% des cas.Concernant les violences physiques, 1,3% des femmes déclarent en avoir été victime, soit pendant la grossesse (0,9%), soit depuis la naissance (0,2%), soit les deux (0,2%) (Tableau 84). Dans 27,7% des cas, ces violences physiques étaient répétées (au moins deux fois). L’auteur des violences physiques était le partenaire pour 34,5% des femmes.

Perspectives

Comme pour les précédentes enquêtes, les données de l’ENP 2021 vont être exploitées par les chercheurs afin d’étudier plus en détail les différents résultats. De plus, pour les femmes et les co-parents n’ayant pas exprimé d’opposition, elles vont être fusionnées avec le système national des données de santé (SNDS), données de l’Assurance maladie notamment, afin d’enrichir les analyses ultérieures.

*Les résultats de cette nouvelle édition sont issus d’une enquête de terrain réalisée en mars 2021, ayant permis un recueil sur 13 631 naissances auprès de 13 404 femmes, dont 12 939 naissances et 12 723 femmes en métropole et 692 naissances et 681 femmes dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). L’enquête de terrain s’est déroulée au cours de la troisième vague de la pandémie de Covid-19 et les femmes interrogées avaient ainsi traversé la deuxième vague de la pandémie (octobre-décembre 2020) durant leur grossesse. Ce contexte particulier doit être pris en compte pour l’interprétation de certaines évolutions présentées dans le rapport.

Enquête nationale périnatale 2021 : résultats de l’édition 2021. Les naissances, le suivi à deux mois et les établissements. Situation et évolution depuis 2016. (PDF ci-dessous) – Inserm, Santé publique France. Octobre 2022. Enquête réalisée avec la participation des services départementaux de Protection Maternelle et Infantile, des réseaux de Santé Périnatale, des Agences Régionales de Santé et des maternités.

Les enquêtes nationales périnatales portent sur la totalité des naissances survenues pendant une semaine dans l’ensemble des maternités françaises (y compris les maisons de naissance en 2021). Ces enquêtes sont réalisées depuis 1995, à intervalles réguliers. Les informations sont recueillies à partir d’un entretien avec les mères lors de leur séjour en maternité et à partir des informations de leur dossier médical. Par ailleurs, des données sur les caractéristiques des maternités et l’organisation des soins dans les services sont recueillies. L’ensemble des informations obtenues fournit des estimations fiables des indicateurs et de leur évolution depuis la précédente enquête en 2016. L’analyse des données et la rédaction du rapport ont été menées par les scientifiques de l’Inserm, en collaboration avec Santé publique France, la direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la direction générale de l’Offre de soins et la direction générale de la Santé.